Jean-Simon Leblanc (maire de Labastide-Monréjeau) : "On a besoin d'une école rurale pour étalonner l'évaluation de l'uniforme à l'école"

Emmanuel Macron a confirmé lors de sa conférence de presse du 16 janvier le lancement d'une expérimentation portant sur une "tenue unique" à l'école. Dans la foulée, l'Élysée a présenté les 59 établissements expérimentateurs. Parmi eux, les deux écoles de Labastide-Monréjeau, une commune rurale de 600 habitants aux environs de Pau. Son maire, Jean-Simon Leblanc, revient pour Localtis sur l'implication de sa collectivité dans cette démarche.

Localtis - Comment votre commune est-elle entrée dans l'expérimentation de l'uniforme à l'école ?

Jean-Simon Leblanc - Il y a quelques mois, j'avais répondu à un questionnaire nous demandant ce que l'on en pensait. À l'époque, j'avais précisé que je ne savais pas si cela pourrait apporter quelque chose à nos écoles. Nous en étions restés là puis, début décembre, le ministère de l'Éducation nationale a appelé pour nous demander de faire partie de l'expérimentation.

Quels ont été ses arguments pour vous convaincre ?

Notre questionnement était de savoir si cela pouvait être utile dans nos deux écoles rurales plutôt tranquilles, lesquelles rassemblent 130 élèves, en maternelle et en élémentaire, venant des villages de Labastide-Monréjeau et Labastide-Cézéracq. Nous ne voyions pas bien la différence que cela pourrait faire au niveau des résultats scolaires ou du comportement. Ce qui nous a convaincus est que le ministère fait une expérimentation, avec un suivi scientifique, et qu'il a aussi besoin d'une école rurale pour bien étalonner les résultats de l'évaluation.

Quels ont été vos échanges avec vos écoles à ce moment-là ?

Nous en avons d'abord discuté avec Hervé Darette, maire de Labastide-Cézéracq, puis nous nous sommes tournés vers le directeur et la directrice des écoles en leur expliquant ce que nous voulions faire et en leur demandant si eux et l'équipe enseignante étaient d'accord. Et ils ont alors donné leur accord.

Il a ensuite fallu informer les parents d'élèves…

L'information a d'abord circulé par le biais de la presse quotidienne régionale. Ensuite, à la suite de la conférence de presse du président de la République du 16 janvier, la liste des établissements concernés par l'expérimentation est sortie sur son compte X (ex-Twitter) et nos écoles y étaient positionnées, comme d'autres établissements. Entretemps, nous avions commencé à informer les parents d'élèves directement lors des cérémonies de vœux en mairie pour mon collègue de Labastide-Cézéracq, et par courrier en ce qui me concerne. En fin de semaine [cet entretien a été réalisé le mardi 23 janvier, ndlr], nous allons avoir une réunion avec l'association des parents d'élèves et ses délégués pour apporter plus de précisions.

Comment les parents ont-ils réagi ?

Parmi ceux que l'on a déjà rencontrés, 90% ont eu une très bonne réaction, ils sont très positifs sur le sujet. Quelques-uns nous disent qu'il y a d'autres priorités que l'uniforme. D'autres encore sont réticents et s'interrogent sur l'utilité de cette mesure dans nos petites écoles, ce qui correspond au questionnement que nous avions nous-mêmes.

Quels échanges avez-vous eu avec le ministère de l'Éducation nationale depuis que vous êtes entrés dans le dispositif ?

Nous avons reçu deux ou trois documents répondant à nos questions et nous avons suivi des conférences téléphoniques avec les responsables du dossier au cabinet du ministre, mais nous n'avons pas encore eu les derniers documents précis.

Le gouvernement a d'abord annoncé que la fourniture des trousseaux composant l'uniforme serait prise en charge par les collectivités locales, lesquelles pourraient bénéficier d'un appui financier du ministère. Qu'en est-il exactement ?

La prise en charge est de 50-50 entre l'État et les collectivités. Il n'y a donc rien à payer pour les parents, ce qui faisait partie des critères qui nous ont conduits à accepter. Durant les discussions, un intervenant a demandé que nous puissions passer ces charges en investissements, comme cela avait été le cas pour l'achat des masques durant la crise du Covid, de façon à bénéficier du FCTVA [fonds de compensation pour la TVA]. Nous aimerions être entendus par l'État sur ce point mais aujourd'hui nous n'avons pas encore de réponse.

La somme de deux cents euros pour une tenue complète a été avancée. La confirmez-vous ?

Oui, nous avons eu ce chiffre qui correspond à une estimation du ministère de l'Éducation nationale après qu'il a interrogé les fournisseurs pour un trousseau comprenant cinq hauts, tee-shirts ou polos, deux ou trois pulls et des pantalons. Nous avons nous-mêmes interrogé des fournisseurs et cela tourne effectivement autour de 150 à 200 euros.

Le gouvernement a également présenté un trousseau type. Allez-vous l'adopter ?

D'après les discussions que nous avons eues, chaque collectivité a la liberté de choisir ce qu'elle souhaite, à condition de garder des choses correctes, non "genrées"… les filles ne sont pas obligatoirement en jupe, tout simplement. Certains veulent mettre les chaussures, d'autres non. Nous ne serons pas tout à fait dans les couleurs qui ont été présentées par le gouvernement, même si cela peut y ressembler. Pour nous, ce sera polo et sweat-shirt en haut mais nous n'avons pas encore défini la couleur, blanc, gris ou bleu marine, et en bas un pantalon dans un panel de couleur jean/bleu marine. C'est quelque chose de classique. Pour les petits de maternelle, nous aurons des blouses, car c'est plus simple de les habiller avec ce type de vêtements.

Où en êtes-vous de la commande de ces tenues ?

Nous sommes en discussion avec plusieurs fournisseurs qui nous ont contactés directement en faisant leur travail de prospection. Et parallèlement, nous définissons ce dont nous avons besoin.

Allez-vous choisir une fabrication française et le ministère de l'Éducation nationale vous a-t-il demandé de choisir dans ce sens ?

Oui, nous avons évoqué des fournisseurs français. La fabrication locale, c'est compliqué. En Béarn, nous n'avons pas trouvé d'entreprises capables de fabriquer ce genre de vêtements. On recherche donc le plus français possible, ou européen. Ce sera notre priorité.

Le gouvernement a évoqué un emplacement réservé à un emblème de la collectivité sur la tenue. Allez-vous en tirer profit ?

Nous allons broder un petit écusson symbolique qui s'inspirera des logos de nos deux collectivités, quelque chose qui représentera l'établissement car le but est aussi que les enfants aient un sentiment d'appartenance à un groupe, à une école, c'est aussi ce qui est recherché.

Cette expérimentation, d'une durée de deux ans, fera l'objet d'une évaluation, conduite notamment par des sociologues. Comment allez-vous y participer ?

Nous serons interrogés par ces chercheurs, ainsi que les équipes éducatives, les parents et les enfants, au fur et à mesure de ces deux années. Mais nous n'aurons pas un tableur Excel à remplir. Nous verrons donc s'il y a une incidence sur les comportements et les relations à l'adulte, ce qui est aussi important, et sur le sentiment d'appartenance à un groupe.

À partir de quand comptez-vous mettre en place l'uniforme dans vos écoles ?

À la rentrée de septembre 2024. Il faut un peu de temps pour s'y préparer même si les documents que l'on nous a remis nous donnaient le choix de démarrer dès le mois de mars. Il faut notamment modifier le règlement intérieur des écoles pour y mentionner que l'absence de port de l'uniforme entraînera des sanctions prévues par le ministère de l'Éducation nationale… même si ça n'arrivera pas dans nos petites écoles. Si l'uniforme est généralisé en 2026, alors nous serons déjà prêts, et si ce n'est pas le cas, nous aurons participé à une expérience et les enfants garderont un souvenir avec cette tenue à l'effigie de l'école.