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Jeunesse, vie associative : la différenciation prend forme en Bretagne

Après avoir expérimenté depuis 2016 une délégation de l’État relative à la culture, la région Bretagne se voit déléguer depuis le 1er janvier 2022 la gestion du soutien à la formation des bénévoles associatifs, à la mobilité internationale des jeunes et à l’information jeunesse. Dans ces trois domaines, la délégation prolonge une collaboration plus ancienne avec l’État et consacre également un investissement financier volontariste de la part de la région.   

La Bretagne devait être le "laboratoire" d’une "décentralisation de projets". C’est le vœu qu’avait émis Emmanuel Macron en 2018 à Quimper (voir notre article). Après la loi organique du 19 avril 2021 simplifiant les expérimentations (voir notre article) et alors que le projet de loi 3DS consacrant notamment la différenciation territoriale arrive au terme de son parcours (voir notre article), la région Bretagne vient de franchir une étape dans la mise en œuvre du contrat d’action publique qui la lie avec l’État depuis février 2019. Publié au Journal officiel du 19 décembre 2021, un décret prévoit en effet le démarrage, à compter du 1er janvier 2022, d’une délégation de compétences du ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports à la région Bretagne. Trois domaines sont concernés par cette délégation qui sera expérimentée pendant une durée de six ans : l'information jeunesse, la mobilité internationale des jeunes et la formation des bénévoles dans le cadre du fonds pour le développement de la vie associative (FDVA).

FDVA : des financements État et région, un guichet désormais unique pour les associations

"Il y a en Bretagne, sur nombre de politiques, une élaboration de stratégies et une gouvernance partagées qui permettent que, sur certains sujets, les collectivités, dont la région, fassent pour le compte de l’État", explique à Localtis Marie Lecuit-Proust, directrice générale adjointe de la région Bretagne ayant auparavant œuvré à ce partenariat côté services de l’État. La délégation confirme et prolonge aussi des initiatives et spécificités bretonnes, la région ayant en particulier fait le choix depuis 2014 de soutenir son tissu associatif en finançant la formation des bénévoles via le FDVA, à parité avec l’État. "Comme il y avait une enveloppe État, une enveloppe région et des gestionnaires des deux côtés, nous pilotions l’appel à projets une année sur deux. La délégation permet d’aller au bout du travail ensemble avec une gestion qui est désormais uniquement à la région et donc un guichet unique pour les associations, à la fois pour le compte de l’État et de la région", précise Marie Lecuit-Proust. L’État et la région continuent à financer le dispositif de la même manière et à coprésider la commission régionale du FDVA.

L’information jeunesse, un domaine stratégique pour le chef de filât des politiques jeunesse ?

Sur l’information jeunesse, assurée en Bretagne par le centre régional de l’information jeunesse (Crij) et l’association départementale information jeunesse 22 (Adij 22) pour le département des Côtes-d’Armor, le contexte de la délégation est similaire. "Comme pour la vie associative, l’information jeunesse était cofinancée par la région, à parité avec l’État. L’État va désormais déléguer ses crédits à la région qui sera donc guichet unique pour les subventions du Crij et de l’Adij 22", décrypte Marie Lecuit-Proust. Si l’information sur les métiers liée à l’orientation a fait l’objet d’un transfert de compétence à toutes les régions dans le cadre de la loi Avenir professionnel de 2018 (voir notre article d'octobre 2018), c'est dès 2017, avec la loi Égalité et Citoyenneté, que les régions se sont vu confier un rôle de coordination des initiatives des collectivités en matière d’information jeunesse (information qui concerne tous les domaines utiles aux jeunes : éducation, formation, santé, culture, accès aux droits, logement…). Mais cette compétence n'a pas été transférée entièrement, l'État ayant conservé la labellisation et le financement des structures d'information jeunesse. En Bretagne, la délégation du financement et de la labellisation permet donc de franchir une étape supplémentaire, l'État demeurant engagé dans la définition des orientations.

"Ce travail partenarial État-région s’inscrit dans un plan breton de mobilisation pour les jeunesses où l’on traite de tous les sujets pour la jeunesse : la santé, l’éducation, le logement, la jeunesse en milieu rural, la jeunesse en milieu urbain…", ajoute Marie Lecuit-Proust. En s’investissant dans cette mission de labellisation de l’information jeunesse, la région renforce ainsi son rôle de chef de file des politiques jeunesse, rôle également consacré par la loi Égalité et Citoyenneté.

Une recherche d’efficacité et de lisibilité de l’action publique

Concernant la mobilité internationale des jeunes, la délégation formalise un mode de fonctionnement qui existait déjà, la région animant le secrétariat d’une instance de coordination et de mise en réseau des acteurs, coprésidée par le président de région et le recteur.

S’il est trop tôt pour mesurer les effets de cette nouvelle délégation, la région peut se targuer d’avoir déjà expérimenté une délégation de l’État dans le domaine de la culture (voir notre article de 2016). "C’était une première aussi, il y a très peu de délégations de compétence, la Bretagne a été pionnière : on y va par petites touches mais c’est une façon de démontrer que l’on peut avoir une action publique plus efficace dans la confiance avec l’État", met en avant Marie Lecuit-Proust. Arrivée à son terme en 2021, cette délégation concernant le soutien au cinéma, à la librairie et au patrimoine immatériel est actuellement prolongée en attendant une décision pour la suite.

Depuis la loi organique d’avril 2021, une expérimentation arrivée à son terme peut donner lieu à une pérennisation dans le seul territoire concerné - alors que l’alternative était auparavant de généraliser à tout le territoire ou d’abandonner l’expérimentation -, ce qui permet, de l’avis de Marie Lecuit-Proust, d’"adapter l’action publique aux spécificités d’un territoire dans le respect des orientations nationales". Outre des économies, la région et l’État attendent de ces délégations une plus grande lisibilité des politiques publiques pour les usagers.