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La Caisse des Dépôts en ordre de bataille face à la crise

La Caisse des Dépôts entend activer tous les leviers pour jouer son rôle face à la crise liée au Covid-19, que ce soit par des mesures immédiates ou, plus encore, lors de la phase de sortie de crise. Son directeur général, Éric Lombard, l'a largement évoqué ce 8 avril en présentant les résultats annuels de la Caisse des Dépôts. Des résultats 2019 solides qui offrent aujourd'hui une forte capacité à prêter et à investir.

La Caisse des Dépôts "sera en première ligne pendant et, plus encore, après la crise" liée au Covid-19, a assuré son directeur général, Éric Lombard, en présentant en visioconférence ce 8 avril à la presse les résultats annuels de la Caisse des Dépôts. "La Caisse des Dépôts est née d'une crise", s'est "construite pour aider le pays à traverser les crises", avait-il auparavant rappelé.

Ce rôle, la Caisse des Dépôts l'a d'ores et déjà endossé "avec réactivité, pour nous adapter en permanence", a-t-il assuré, citant entre autres les garanties développées par Bpifrance et les fonds de soutien au tissu économique local que viennent de constituer plusieurs régions (Grand Est, Région Sud, Pays-de-la-Loire), soutenues par la Banque des Territoires (lire notre article du 7 avril). Au niveau du bloc local, la Banque des Territoires est par ailleurs "attentive à ce qu'il n'y ait pas de rupture" du fait du report du second tour des municipales, par exemple sur les 222 villes engagées dans le programme Cœur de ville, cette "grande réussite" qui a permis de "mobiliser l'ensemble des acteurs" (230 millions d'euros engagés fin 2019). Le directeur général a aussi mentionné l'action immédiatement mise en place par la Caisse des Dépôts en direction des notaires - sachant que nombre d'offices notariaux sont pratiquement "à l'arrêt" -, avec l'apport d'une ligne de trésorerie de 500 millions d'euros ayant déjà fait l'objet de "1.100 demandes".

"La phase actuelle de la crise demande de mettre du cash à disposition des acteurs, mais en sortie de crise, il s'agira de réinjecter du capital, la question des fonds propres sera décisive", prévient Éric Lombard. Interrogé sur les actions qui pourraient être celles de la Caisse des Dépôts lors de la phase de sortie de crise, il a mentionné "le financement des hôpitaux publics", en soulignant d'ailleurs que dès 2019, la Sfil, en lien avec la Banque postale, a accordé 650 millions de prêts à ce secteur : "Entre les financements à taux fixe de la Sfil et les financements de très long terme, nous pourrons jouer un rôle important." Les hôpitaux… et les Ehpad, sachant notamment qu'une nouvelle foncière dédiée a été créée par CDC Habitat.

Le secteur du logement toujours solide

Côté logement, Éric Lombard a souligné la solidité du secteur, qui "n'est pas trop touché" par la dimension économique de la crise sanitaire. Grâce au maintien du versement des prestations sociales et aux différentes dispositions prises par l'État – notamment la généralisation du chômage partiel –, les locataires les plus modestes devraient pouvoir continuer de payer leur loyer. Le secteur a, en outre, bénéficié des effets du plan Logement 2 de la Caisse des Dépôts lancé il y a tout juste un an. Les remises d'intérêts de 150 millions d'euros consentis à cette occasion aux organismes HLM expliquent d'ailleurs pour partie et comme prévu le repli du résultat courant des fonds d'épargne (la dépense correspondante ayant été provisionnée - voir encadré ci-dessous).

Conséquence : il n'y a donc pas de tension sur la trésorerie des organismes HLM. Seules sont à noter quelques rares demandes de report d'échéances d'emprunt. Autre élément positif : la collecte sur le livret A se maintient et les Français ont même légèrement accru leurs dépôts, sans doute en raison de la réduction des occasions de dépense. 

Les propos d'Éric Lombard confirment ainsi la note du 2 avril de Fitch Ratings, indiquant "que les notes des bailleurs sociaux français ne sont pas directement affectées par les conséquences économiques de la crise sanitaire actuelle, bien qu'un abaissement de la note de l'État français pourrait en affecter certaines". Fitch note en effet huit bailleurs sociaux, dont CDC Habitat et trois entités du Groupe Action logement. Dans son communiqué, Fitch "ne s'attend pas à ce que la crise actuelle entraîne une révision des scores de soutien et de son approche de notation. Ceux-ci intègrent notamment le profil de liquidité robuste du secteur, notamment soutenu par la CDC qui a historiquement assuré sa liquidité et qui demeure de loin son principal prêteur".

Éric Lombard a également souligné le bon accueil du plan de relance de la construction lancé par CDC Habitat et portant sur 40.000 logements (voir notre article du 1er avril 2020). Une cinquantaine de promoteurs se sont en effet déjà manifestés en vue d'un rachat en Vefa (vente en l'état futur d'achèvement) de certains de leurs programmes immobiliers.

Pour une nouvelle "répartition des chaînes de valeur"

Plus globalement, "il faut qu'on réfléchisse à notre organisation industrielle et publique en termes d'indépendance nationale et de gestion des grands risques", considère le directeur général. Compte tenu des "inconvénients importants" présentés par "la répartition des chaînes de valeur sur l'ensemble du globe", "nous allons certainement devoir (...) réimplanter en France des filières de fabrication de médicaments, de produits médicaux, de respirateurs et d'autres choses", a-t-il détaillé, jugeant "nécessaire" la relocalisation de "la filière industrielle santé".

Le soutien de la Caisse des Dépôts "aux collectivités locales qui accompagnent le développement industriel va nous permettre de contribuer à ces relocalisations". Bpifrance va également "jouer, aux côtés du secteur bancaire français, un rôle important pour financer tous ces développements", a-t-il ajouté. "L'ensemble de la place" financière, acteurs publics comme privés, est en train de s'organiser pour l'après-crise et "nous réfléchissons avec l'ensemble des investisseurs institutionnels pour mobiliser des fonds propres et remuscler notre économie", a-t-il poursuivi. Avec, pour la Caisse des Dépôts, un leitmotiv : celui de tendre vers "une société plus durable et plus inclusive".

Des résultats 2019 à la hauteur des enjeux inédits de 2020

2019 peut sembler "très loin" et la présentation des résultats de cette année-là apparaître "baroque", comme étant ceux "du monde d'avant", reconnaît Éric Lombard. Pourtant, a-t-il relevé, ce sont bien les "très bons résultats" 2019 qui donnent précisément à la Caisse des Dépôts "les moyens" d'assurer aujourd'hui plus que jamais le rôle "contracyclique" qui lui est traditionnellement attribué : "Notre capacité de prêteur est considérable, tout comme notre capacité à investir".

La Caisse des Dépôts affiche, pour l'exercice 2019, un résultat agrégé de 2,7 milliards d’euros au titre de son exercice 2019, contre 3,3 milliards en 2018. Le résultat de la section générale a progressé de 16,2 %, à 2 milliards d’euros, intégrant l’impact du rapprochement avec La Poste. Si celui des fonds d’épargne a, lui, chuté de 56 %, à 679 millions, il faut principalement y voir la conséquence de la baisse de l’inflation, qui a provoqué une baisse de 627 millions d’euros des revenus des obligations de la Caisse des Dépôts indexées sur l’inflation. La hausse de la rémunération versée par la Caisse des Dépôts à la Banque postale, au titre de sa mission d’accessibilité bancaire, a également pesé, à hauteur de 50 millions d’euros. À quoi s’est ajoutée la provision de 150 millions d’euros au titre des remises d’intérêts dans le cadre du plan Logement 2.

Le fléchissement du résultat des fonds d’épargne a pesé sur celui de la Banque des Territoires (652 millions d’euros en 2019, contre 1,02 milliard en 2018). En sachant en outre que la Banque des Territoires a "volontairement baissé ses exigences de rentabilité". Éric Lombard a notamment évoqué une année de "forte activité" avec, notamment, le doublement des investissements, à 1,4 milliard d’euros, un montant supérieur à l'objectif fixé il y a un an. Le volume des prêts est quant à lui "à peu près stable" et a marqué "une hausse récente", que ce soit sur le champ du logement social ou celui des collectivités locales. S'agissant des collectivités, "nous intervenons aujourd'hui beaucoup par types de territoires", a relevé le directeur général : Territoires d'industrie, Cœur de ville… Au sujet d’Action cœur de ville, la Caisse des Dépôts a pour l’heure engagé 77 millions d’euros d’investissements, 81 millions d’euros de prêts et débloqué 13 millions d’euros de crédits d’ingénierie.

Éric Lombard considère le bilan des titres participatifs de la Banque des territoires comme un "grand succès." Pour ce nouvel outil de financement à destination des organismes de logement social, deux tranches de 400 millions d’euros chacune sont prévues, l’une en 2020, l’autre l’année suivante. "Nous avons décidé d’élargir la première tranche à 600 millions d’euros afin de répondre à la demande d’une cinquantaine d’organismes", se félicite-t-il.

Le volume des prêts engagés sur les fonds d’épargne a atteint 13,2 milliards d’euros en 2019, contre 12,8 milliards l’année précédente, ce qui porte leur encours à 190 milliards. Sur ce volume de 13,2 milliards d’euros, 93% ont été consacrés au logement social et à la politique de la ville, soit un montant de 12,3 milliards d’euros, contre 11,7 milliards en 2018. Ce qui représente une augmentation de 5%.

Quant à CDC Habitat, qui gère 510.000 logements, son résultat est passé de 90 millions d’euros en 2018 à 107 millions l’an dernier.

Les prestations d’expertise de la Scet ont représenté 11,6 millions d’euros en 2019, soit une hausse de 7 % par rapport à 2018.

Enfin, la branche Retraites et Solidarités affiche "un très fort développement" (+3,4%) avec, parmi les points saillants de l'année, le lancement et le succès de Mon Compte Formation.

2019 restera aussi naturellement l'année marquant la genèse d'un "nouveau groupe" : la Caisse des Dépôts est devenue début mars l'actionnaire principal du groupe La Poste, chapeautant ainsi un grand pôle public financier comprenant La Banque postale, CNP Assurances et la Sfil. Cette opération donne "une capacité d'action accrue", a insisté Éric Lombard, en permettant de coordonner les différents modes de financement et d'investissement publics à destination des entreprises et des collectivités. Du fait du contexte actuel, "c'est une très bonne chose que ce groupe soit constitué maintenant", a-t-il conclu.

C.M. (avec AEF)

 

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