Social - La CEDH valide le refus des allocations familiales pour des enfants étrangers entrés hors regroupement
Dans une décision du 1er octobre 2015, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) juge non discriminatoire le refus de deux CAF d'accorder le bénéfice des allocations familiales à trois ressortissants congolais installés de longue date en France, mais qui ont fait venir leurs enfants sur le territoire sans respecter la procédure du regroupement familial. Cette décision - prise à l'unanimité - de rejeter les recours déposés par les intéressés revêt un caractère définitif. Elle devrait donc faire jurisprudence et mettre un terme à un contentieux qui a connu un parcours juridique chaotique.
Des décisions contradictoires
En l'espèce, les trois requérants - un couple et une mère isolée - résident régulièrement en France, respectivement depuis octobre 2000 et janvier 2005. Le couple a fait venir ses deux enfants en France en 2002 et la mère isolée a fait venir sa fille en 2008. Le couple a eu, en outre, deux autres enfants depuis sa venue en France, pour lesquels ils ont obtenu sans difficulté des allocations familiales. En revanche, les CAF d'Ille-et-Vilaine et de Haute-Garonne ont refusé d'attribuer ces prestations aux autres enfants, au motif que les parents n'étaient pas en mesure de justifier de la régularité de la situation des enfants par la production d'un des documents énumérés aux articles L.512-2 et D.512-2 du Code de la sécurité sociale. Les recours exercés par les intéressés ont suscité des décisions contradictoires selon les instances, tandis que la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) prenait, en septembre 2009, une délibération considérant que le refus des prestations familiales constituait bien, dans le cas d'espèce, une discrimination.
En revanche, dans un arrêt du 3 juin 2011 - concernant le premier couple - la Cour de cassation a donné raison à la CAF en estimant que "les articles L.512-2 et D.512-2 du Code de la sécurité sociale, subordonnant le versement des prestations familiales à la production d'un document attestant d'une entrée régulière des enfants étrangers en France et, en particulier pour les enfants entrés au titre du regroupement familial, du certificat médical délivré par l'OFII, revêtaient un caractère objectif justifié par la nécessité dans un état démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants et ne portaient pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la Convention [européenne des droits de l'homme, ndlr] ni ne méconnaissaient les dispositions de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant".
Une justification "objective et raisonnable"
Dans sa décision, la CEDH rejoint la position de la Cour de cassation. Elle "relève que les requérants se sont vu refuser les allocations familiales en raison du caractère irrégulier de l'entrée en France de leurs enfants. Elle en conclut que la mesure est la conséquence d'un comportement volontaire des requérants contraire à la loi". Toutefois, pour étayer cette position, la Cour "accorde une grande importance à l'existence d'une faculté de régularisation effective permettant aux personnes s'étant vu refuser des prestations de les obtenir finalement", démarche que ne semblent pas avoir entrepris les intéressés.
La CEDH "en conclut que le refus d'attribuer les allocations familiales aux requérants était dû, non pas à leur seule nationalité ou à tout autre critère couvert par l'article 14, mais au non-respect par eux des règles applicables au regroupement familial prévues par le livre IV du Ceseda [Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ndlr], ces dernières constituant une différence de traitement reposant sur une justification objective et raisonnable".
Jean-Noël Escudié / PCA
Références : Cour européenne des droits de l'homme, décision du 1er octobre 2015, Okitaloshima Okonda Osungu c/ France et Selpa Lokongo c/ France (requêtes n°76860/11 et n°51354/13).