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La collectivité européenne d'Alsace sur les rails

Née officiellement le 1er janvier 2021, la collectivité européenne d'Alsace (CEA) a élu le lendemain à Colmar son premier président, Frédéric Bierry. Cette "collectivité territoriale d'un nouveau type" récupère les compétences des deux anciens départements et se saisit de nouvelles compétences. "Le temps de la reconquête, de la reconnaissance institutionnelle de l'Alsace, ne s'arrêtera pas là", a averti Frédéric Bierry.

"Maintenant, c'est parti. L'Alsace est de retour !" : la collectivité européenne d'Alsace (CEA), née officiellement le 1er janvier, a élu samedi 2 janvier à Colmar le premier président de son histoire, le LR Frédéric Bierry, seul candidat en lice. Jusque-là président du conseil départemental du Bas-Rhin, qui a fusionné avec celui du Haut-Rhin au sein de cette nouvelle collectivité, Frédéric Bierry a été élu haut la main par 75 voix pour et quatre bulletins blancs sur 79 votants. On rappellera que le Bas-Rhin était pour sa part présidé depuis août dernier par Rémy With, élu pour succéder à Brigitte Klinkert, nommée ministre déléguée à l'Insertion et qui présidait le département depuis 2015. Elle a été élue vendredi matin première vice-présidente du département.

"La nouvelle collectivité européenne d'Alsace est née du refus d'une loi stupide, la loi Notr, qui a fait disparaître notre région historique, l'Alsace", a-t-il fustigé lors de son discours inaugural. Une "grande majorité d'Alsaciens ont refusé ce diktat", a encore souligné Frédéric Bierry sans mentionner une seule fois la région Grand Est au sein de laquelle la CEA demeure toutefois ancrée.

"Collectivité territoriale d'un nouveau type", la CEA, a-t-il rappelé, récupère les compétences des deux anciens départements alsaciens, Bas-Rhin et Haut-Rhin : gestion des collèges, aide sociale et aux séniors, services d'incendie et de secours... mais elle se saisit aussi de nouvelles compétences. Elle aura ainsi les coudées franches en matière de bilinguisme, pouvant recruter de son propre chef des intervenants pour enseigner l'allemand, en complément des programmes nationaux. Elle se verra transférer les routes départementales, nationales ainsi que les autoroutes non concédées, sur lesquelles elle pourrait par exemple instaurer à terme une redevance poids lourds afin de réguler leur transit. De la même manière, la CEA aura la haute main sur le tourisme, un pan important de l'économie locale qui génère 2,5 milliards d'euros de revenus et 39.000 emplois. Cette CEA "doit permettre de placer l'Alsace au premier plan national avec près de 2 millions d'habitants et deux milliards de budget". "Mais le temps de la reconquête, de la reconnaissance institutionnelle de l'Alsace, ne s'arrêtera pas là", a-t-il averti, promettant de "saisir de toutes les opportunités pour récupérer des compétences" nouvelles.

Une collectivité, mais deux préfectures...

L'actuelle préfète de la région Grand Est, Josiane Chevalier, invitée à s'exprimer à la tribune, a évoqué sa "fierté que le gouvernement ait su répondre au désir d'Alsace en écoutant les territoires". La CEA, a-t-elle assuré, trouvera "sa juste place" dans une "région Grand Est compétitive" dont elle a "souligné l'implication constructive et bienveillante", relevant par ailleurs que les deux préfectures de Strasbourg et Colmar demeureraient en dépit de la réunification de l'Alsace. En effet, si les conseils départementaux disparaissent, les entités administratives, à savoir les départements Bas-Rhin et Haut-Rhin demeurent… Ce qui suscite quelques interrogations. "Un département, deux préfets : l’incompréhension gagne l’Alsace", titrait ainsi le 30 décembre le quotidien DNA.

En juin prochain, a-t-elle encore rappelé, les 80 "conseillers d'Alsace" seront élus avec un mandat de six ans. Dans l'intervalle, le "Conseil d'Alsace" est formé des conseillers départementaux sortants du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Puis il faudra trancher l'épineuse question du siège de la CEA que se disputent Strasbourg, capitale de l'Europe, et Colmar, la riche cité haut-rhinoise, éternelles rivales.

Ni conseil régional, ni super-département… la CEA sera bien, du moins pour l'heure, une structure unique en France, aux compétences spécifiques. La création de cette collectivité hybride répond à une revendication forte des Alsaciens dont beaucoup jugeaient l'identité alsacienne diluée depuis 2015 dans la région Grand Est. Certes, en 2013, un référendum visant à consacrer sa création n'y était pas parvenu. L'idée d'acter administrativement une certaine "spécificité" alsacienne continuera toutefois de faire son chemin et, en juin 2018, le préfet de région de l'époque, Jean-Luc Marx, remet au Premier ministre un rapport qui privilégie la création d'un "département unique d'Alsace". En juillet 2019, la loi sur les compétences de la CEA porte cette nouvelle collectivité sur les fonts baptismaux. Du "cousu main", déclare alors la ministre de la Cohésion des territoires Jacqueline Gourault.

La CEA, ce sera 2 milliards d'euros de budget. Une part importante (450 millions) ira à l'aide aux personnes âgées et aux handicapés, tandis que 285 millions seront dédiés à l'insertion et au retour à l'emploi. Les 147 collèges alsaciens, gérés jusqu'à présent par les départements, vont entrer dans son périmètre avec 144 millions d'euros injectés dans la "réussite éducative". Elle récupère également 6.410 km de routes et 4.550 itinéraires cyclables.

Tout un symbole : les automobilistes pourront apposer sur leurs plaques minéralogiques le "Acoeur", symbole figurant un "A" dans un coeur qui évoque également un bretzel, choisi à l'issue d'une consultation en octobre dernier.