La Commission met le doigt sur le déclassement des régions françaises

Dans un rapport sur les résultats de la politique de cohésion 2021-2027, la Commission européenne escompte la création d'1,3 million d'emplois en Europe d'ici la fin de la programmation. Dans ses fiches par pays, elle pose les enjeux pour la France où les inégalités territoriales s'accroissent et où le risque de déclassement pèse sur de nombreuses régions.

La Commission européenne a publié un rapport, mardi 2 mai, qui ne tarit pas d'éloges sur la politique de cohésion 2021-2027. Tablant sur 545 milliards d'euros d'investissements engendrés par les 378 milliards d'euros de crédits de cohésion européens, elle escompte la création d'1,3 million d'emplois et un accroissement de 0,5% du PIB de l'UE d'ici la fin de la programmation. Et jusqu'à 4% dans certains États membres. Le tout engendrera une Europe "plus intelligente et compétitive", "plus verte et sobre en carbone", "plus connectée", "plus sociale et inclusive", en route vers une "transition juste". Terme qui désigne la conversion à la neutralité climatique des régions les plus dépendantes aux énergies fossiles. Plus de 39.000 entreprises seront accompagnées dans cette voie.

Voilà pour le tableau général, mais quand on regarde à la loupe les pronostics pour la France, l'image est moins idyllique. Le pays va bénéficier de 17,9 milliards d'euros au titre de cette politique, dont 9 milliards d'euros de Feder, 6,67 du FSE+, un milliard pour le fonds pour la transition juste et 1,1 milliard pour le programme Interreg (coopération territoriale). Dans ce cadre, ce sont les régions les moins développées qui bénéficient le plus de cette programmation : "l'intensité de l'aide" y croit de 9,4% alors qu'elle diminue de 31% dans les régions les plus riches et de 8,7% dans les neuf régions dites en transition (celles dont le PIB se situe entre 75 et 100% de la moyenne européenne).

"Piège du développement"

Seulement, "la France se caractérise par un accroissement des inégalités territoriales", constate la Commission. Le PIB par habitant varie de 176% en Île-de-France par rapport à la moyenne européenne à 28% à Mayotte. Et 23 des 27 régions françaises (périmètre d'avant la réforme de 2015) ont perdu du poids au cours de la dernière décennie par rapport à la moyenne européenne. Nombre des régions françaises sont passées du statut de régions développées à celui de régions en transition. La plupart d'entre elles sont confrontées au risque du "piège du développement". Cette expression provient du huitième rapport sur la cohésion publié l'an dernier, dans lequel la Commission se réjouissait du rattrapage de nombreuses régions des pays de l'Est mais s'inquiétait de la stagnation de nombreuses régions du Sud, en Grèce, en Italie et en Espagne notamment (voir notre article du 9 février 2022). Une tendance que l'indice de compétitivité régionale publié en mars dernier est venu confirmer (voir notre article du 27 mars 2023).

Alors que la programmation actuelle n'en est encore qu'à ses débuts, le Comité des régions prépare déjà l'avenir. Des rapporteurs ont été désignés pour remettre un premier avis sur l'avenir de la politique de cohésion d'ici fin novembre. Avant la publication du neuvième rapport sur la cohésion de la Commission européenne. "Nous ferons tout notre possible pour insuffler un vent nouveau dans les voiles d'une politique de cohésion plus forte", a déclaré le président du Comité des régions, Vasco Alves Cordeiro, dans un entretien publié le 3 mai sur le site de l'institution.