La Cour des comptes fait des propositions pour revivifier le contrôle de légalité

Utile aux acteurs locaux, et perçu comme tel pour faire cesser une illégalité ou un dérapage budgétaire, le contrôle des actes des collectivités territoriales en préfecture accuse le coup, notamment, de la baisse des effectifs dédiés. La Cour des comptes, qui vient d’y consacrer un rapport rendu public ce 21 novembre, appelle à conforter cette mission prioritaire alors même que de nouveaux sujets sensibles émergent, comme la protection de l’environnement ou la régulation des interventions économiques des collectivités

Aujourd’hui bien rodé, le contrôle de légalité des actes réglementaires des collectivités territoriales - et des actes budgétaires -, mission constitutionnelle confiée au préfet, apparaît néanmoins de plus en plus atrophié du fait de l’attrition de ses moyens et de l’absence de réformes effectives. Dans un rapport public dévoilé ce 21 novembre la Cour des comptes entend donner un coup de pied dans la fourmilière. D’autant que dans un précédent rapport de 2016, elle avait déjà esquissé des pistes de modernisation qui n’ont pour la plupart pas été suivies d’effet.

L’effort de professionnalisation a en particulier été insuffisant, en l’absence d’un robuste système de formation de niveau "approfondissement", estime la rue Cambon. L’administration centrale assure trop peu son rôle d’animation et les outils informatiques (logiciels Actes) qu’elle développe sont encore décevants. De nombreuses préfectures ont ainsi atteint "un point de rupture" en matière de ressources humaines consacrées à ces contrôles, malgré les promesses du Plan Préfectures Nouvelle Génération (PPNG), constate la Cour, relevant "un effet de ciseau" entre la croissance des actes reçus chaque année (+22% sur six ans) et des effectifs globalement en baisse et mal répartis entre les départements, couplé à des services déconcentrés des ministères aux abonnés absents. Un tiers des préfectures consacre moins de six agents au contrôle de légalité et 37 d’entre elles affectent moins de deux équivalents temps plein au contrôle budgétaire. L’effort nécessaire est évalué par la Cour à 190 postes supplémentaires. 

La qualité de contrôle se dégrade

Les conséquences sont palpables. "La qualité du contrôle de légalité est variable selon les départements tandis que le contrôle budgétaire est en difficulté quasi partout", observe la Cour. Dans certaines préfectures, des priorités nationales - la commande publique, l'urbanisme et la fonction publique territoriale - ne sont plus contrôlées, faute d’expertise. Une partie des contrôles réalisés sont par ailleurs "superficiels ou interviennent trop tardivement, ce qui affaiblit la portée de la mission constitutionnelle des préfets", remarque-t-elle. La dématérialisation accrue de la transmission - 73% des actes réglementaires et 50% des actes budgétaires - n’arrange rien à l’affaire bien au contraire. Et pour cause, elle génère des failles sur des actes à risques, notamment en matière d’urbanisme, du fait de l’architecture de l’application Actes. 

Une certaine frilosité du corps préfectoral à utiliser l’outil contentieux (le déféré ou la saisine de la chambre régionale des comptes) face à une collectivité refusant de donner suite aux recours gracieux, se confirme également, en particulier quand il s’agit des grands projets d’infrastructures. La logique partenariale sur de nombreuses politiques partagées, comme en témoigne l’accroissement de la contractualisation avec les collectivités (contrat de relance et de transition écologique, contrat de Cahors, contrat de sécurité intégrée, etc.) n’y est sans doute pas étrangère. 

La piste d’un contrôle de légalité interdépartemental ou régional

L’un des axes de recommandations du rapport vise à accroître l’offre de soutien au réseau des administrations territoriales de l’État (ATE). Un des seuls progrès enregistrés depuis le précédent focus de la Cour réside dans le pôle interrégional d’appui au contrôle de légalité (PIACL) - constitué de 22 agents - qui permet d’épauler efficacement les préfectures lorsque des difficultés d’analyse juridique ou budgétaire apparaissent. La Cour propose donc de lui confier trois nouvelles missions : l’élaboration de nouveaux outils d’appui au contrôle, l’appui aux autres services de l’Etat intervenant dans le contrôle de légalité, et un rôle de chef de file en matière de formation.

De nombreuses pistes du rapport font écho au plan "Missions prioritaires des préfectures 2022-2025" (lire notre article de mai dernier). La Cour envisage ainsi l’expérimentation au niveau des préfectures de région de plateformes d’appui spécialisées en matière d’interventions économiques et de commande publique. De telles bonnes pratiques existent déjà en partie au niveau interdépartemental en Bretagne. 

Enfin, le caractère interministériel de cette mission doit être rappelé, insiste la Cour, en la confiant formellement pour certaines thématiques aux directions départementales des territoires (actes d’urbanisme) et aux directions départementales des finances publiques (délibérations fiscales) pour le compte du préfet. La DGCL (direction générale des collectivités territoriales) pourrait également jouer son rôle de chef de file en animant un comité de pilotage annuel sur le contrôle de légalité et des actes budgétaires, afin d’assurer la fixation d’objectifs communs, un partage des responsabilités et la mise en adéquation avec les moyens humains et financiers.