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Décentralisation - La Cour des comptes juge sévèrement l'"acte II" de la décentralisation

Une occasion manquée... C'est en substance le jugement sans appel que livre la Cour des comptes sur "l'acte II" de la décentralisation initié par le gouvernement Raffarin, dans un bilan d'ensemble de la réforme. L'équipe en place à l'époque semble complètement passée à côté de ses objectifs, au vu de l'analyse formulée par les magistrats financiers. La répartition des compétences entre les collectivités, qui manquait déjà de lisibilité, a-t-elle été simplifiée ? Au contraire, "on peut même dire qu'elle s'est aggravée" a répondu franchement Philippe Séguin, président de la Cour, lors de la présentation du rapport, le 27 octobre. Les exemples de ces enchevêtrements aux conséquences néfastes sont pléthore. Dans le domaine des transports, ils rendent "très difficile le développement souhaité de l'intermodalité". Concernant la gestion des aéroports, ils empêchent "tout aménagement cohérent". En matière d'aides économiques aux entreprises, ce sont plus de 6 milliards d'euros qui sont dépensés par les différentes collectivités territoriales, "sans coordination et sans évaluation satisfaisante des résultats obtenus". L'absence de spécialisation des compétences "alourdit le travail administratif", allonge les délais et, "au pire", suscite "des phénomènes de compétition et des doublons", a souligné Philippe Séguin. Les cofinancements sont le reflet de ces intrications. Ils ont atteint un volume jugé "remarquable". En 2007, les départements ont ainsi accordé 3 milliards d'euros de subventions d'équipement aux communes et à l'intercommunalité, les régions près de 1,3 milliard et l'Etat plus d'1,1 milliard.
Au final, l'action publique s'est rapprochée du terrain, mais ce mouvement s'est accompagné de nombreux recrutements, pointe la Cour, qui depuis plusieurs années appelle les collectivités locales à modérer leurs dépenses de personnels.

"Ministères frileux"

Le renforcement des régions voulu très clairement au départ par l'ancien président de la région Poitou-Charentes, aurait été un élément de rationalisation de la carte administrative, estime la Cour. Mais l'objectif est passé complètement à la trappe. Des "modes de régulation plus doux", respectueux de la clause générale de compétence, ont été préférés, comme les notions de "chef de file" et de "droit à expérimentation". "Ces timides tentatives d'ordre, novations délicates en raison de l'absence de tutelle entre collectivités (…) n'ont pas résisté au flou de leur concept".
Pour certains observateurs, la force du lobby des maires et des conseillers généraux n'est pas étrangère aux arbitrages rendus par l'exécutif et confirmés ensuite par les parlementaires. De son côté, la Cour des comptes insiste sur le rôle clé joué par les ministères et leurs administrations centrales. Ceux-ci "ont fonctionné en tuyaux d'orgue, certains acceptant ou encourageant des transferts importants (comme les ministères sociaux), d'autres, au contraire, s'organisant pour conserver leurs prérogatives (comme le ministère de la Culture par exemple). Résultat : les transferts ont été réalisés "par à-coups, sans cohésion d'ensemble ni dans le processus de transfert ni dans celui de suivi". Au final, "la vision pragmatique et administrative d'un simple réaménagement des compétences l'a emporté".
La méthode a son importance, rappelle donc la Cour, manière de signifier au gouvernement actuel qu'il ne faudra pas renouveler les erreurs d'hier, alors que la semaine dernière ont été dévoilés les projets de réforme des collectivités territoriales. Côté solutions, la Cour est peu imaginative. On notera que pour Philippe Séguin, les cofinancements sont légitimes et ne nuisent pas à la santé des comptes publics, dès lors que les compétences des collectivités sont davantage spécialisées.

Thomas Beurey / Projets publics

 

 

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