La Cour des comptes pointe les limites de la lutte contre les logements vacants

Alors que plus de trois millions de logements sont considérés comme vacants dans le parc privé en France, la Cour des comptes dresse un constat mitigé des politiques publiques menées. Malgré la mise en place de nouveaux outils de repérage, la fiabilité des données reste un défi majeur. Les leviers d'action, qu'ils soient incitatifs ou fiscaux, n'ont pas démontré leur efficacité pour réduire le volume de la vacance structurelle. Surtout, la Cour souligne un manque de mobilisation et de coordination entre l'État et les collectivités locales, pourtant essentielles pour adapter les réponses aux enjeux différenciés selon les territoires.

Selon les chiffres du gouvernement, la vacance des logements dans le parc privé touche plus de trois millions d'habitations en 2022, soit 9,3% du total. Un chiffre qui inclut la vacance dite "frictionnelle", normale sur le marché immobilier, et la vacance "structurelle", caractérisée par une inoccupation prolongée, souvent supérieure à deux ans. C'est cette vacance durable, estimée à environ 1,1 million de logements en 2022, qui mobilise les acteurs publics et a fait l’objet d’observations de la Cour des comptes, rendues publiques ce jeudi 22 mai.

Identifier précisément ce phénomène est complexe. D'abord, il n'existe pas de définition unique et partagée de la vacance, les données du recensement de l'Insee et celles issues des déclarations fiscales utilisant des méthodologies distinctes. Ensuite, la fiabilité des données disponibles est jugée incertaine. La suppression de la taxe d'habitation, source historique d'informations précises sur le parc, crée des difficultés. Le nouveau dispositif "Gérer mes biens immobiliers" (GMBI), censé collecter ces informations, a connu des dysfonctionnements et n'a pas encore prouvé sa fiabilité, estime la Cour des comptes. 

De nouveaux outils de repérage, mais des actions aux effets limités

Pour améliorer le repérage, l'État a mis en place la base de données Lovac en 2020, croisant plusieurs sources fiscales pour identifier et caractériser les logements vacants durablement. Adossé à Lovac, l'outil numérique Zéro logement vacant (ZLV) a été développé pour permettre aux collectivités de visualiser la vacance sur leur territoire et organiser les prises de contact avec les propriétaires. Ces outils sont jugés utiles par les acteurs de terrain et ZLV a permis d'identifier plusieurs milliers de logements sortis de vacance ou engagés dans une démarche de sortie.

Cependant, la Cour des comptes observe que la fiabilité de Lovac est limitée par celle des sources fiscales sous-jacentes, notamment avec les difficultés du dispositif GMBI. De plus, la connaissance et l'utilisation de ces outils par les collectivités resteraient insuffisantes. L'enquête de la Cour révèle que moins d'un quart des collectivités interrogées connaissent ZLV, bien que la majorité de celles qui le découvrent se déclarent intéressées.

Concernant les leviers d'action, le constat est également mitigé. Les mesures d'encouragement comme le dispositif fiscal Loc'avantages ou l'intermédiation locative, qui visent à inciter les propriétaires à remettre leur bien sur le marché locatif, n'auraient pas démontré leur efficacité globale. Le nombre de conventionnements Loc'avantages aurait même diminué sur certains territoires. Une nouvelle prime de sortie de la vacance en zone rurale a été instaurée en 2024 par l'Agence nationale de l’habitat (Anah), mais son impact reste à évaluer.

Les leviers fiscaux, principalement la taxe sur les logements vacants (TLV) en zone tendue et la taxe d'habitation sur les logements vacants (THLV) ailleurs, existent depuis plusieurs années et ont vu leur champ d'application et leurs taux augmenter récemment. Si ces taxes génèrent des recettes fiscales en forte augmentation, la Cour des comptes constate qu’elles n'ont pas eu d'effet significatif sur le volume global de logements vacants, qui a continué d'augmenter. Plusieurs rapports et études remettraient en question leur efficacité incitative et souligneraient les problèmes d'articulation avec la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, pouvant inciter à des "optimisations" déclaratives.

Un partenariat État-collectivités à renforcer

Le rapport insiste en outre sur le rôle central des collectivités territoriales dans la lutte contre la vacance, notamment via les outils d'urbanisme, l'aménagement, le contact direct avec les propriétaires et leur marge de manœuvre fiscale. Cependant, la mobilisation des collectivités sur les dispositifs nationaux demeure timide. Un appel à projets national en 2021 a suscité un faible nombre de réponses et de projets effectivement financés par l'Anah. Une plateforme d'échanges collaborative mise en place par l'État est largement méconnue des collectivités. L'enquête de la Cour des comptes confirme un manque de communication de l'État autour de ces dispositifs et outils, ainsi qu'un besoin de soutien en ingénierie et un renforcement des incitations pour les propriétaires. Les repérages de terrain et la connaissance des administrés restent les principales sources d'information pour les collectivités.

La Cour des Comptes estime ainsi que le succès de la lutte contre les logements vacants passera par une plus forte différenciation des politiques publiques, mieux adaptées aux réalités locales et aux divers déterminants de la vacance. Un renforcement du partenariat entre l'État et les acteurs locaux, intégrant également les acteurs privés de l'immobilier, semble indispensable pour parvenir à réduire la vacance structurelle. L'évaluation de l'impact des outils comme Lovac et ZLV, ainsi qu'un bilan des actions financées par l'Anah, sont par ailleurs recommandés par la Cour.

 

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