La Cour des comptes se penche sur les impacts de la réforme des retraites sur la compétitivité et l’emploi
Pierre Moscovici était auditionné mardi 6 mai par les membres de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. En jeu, le récent rapport de la Cour des comptes relatif aux impacts du système des retraites sur la compétitivité et l’emploi.

© Capture vidéo Sénat/ Audition de Pierre Moscovici devant la commission des affaires sociales le 6 mai 2025
C’est le second rapport publié ces dernières semaines par la Cour des comptes dans le cadre de la mission flash qui lui a été confiée par le Premier ministre, François Bayrou, afin d’éclairer les débats en cours sur la réforme des retraites. Une "remise en chantier", a rappelé le premier président de la Cour, Pierre Moscovici, qui devra déboucher sur un accord entre les partenaires sociaux et le gouvernement qu’il appelle de ses vœux car, prévient-il, "le statu quo est impossible". C'est dans ces conditions que la Cour des comptes a mené ses travaux sur l’impact économique sur la compétitivité et l’emploi de la réforme des retraites, en portant une attention particulière à la question de l’emploi des seniors, a précisé Pierre Moscovici dans son propos introductif. Afin de bien cerner les enjeux, le premier président de la Cour rappelle trois critères essentiels à prendre en compte : le taux de cotisation, l’âge effectif de départ à la retraite et la question de l’indexation des pensions.
Le manque de compétitivité, "une anomalie française durable"
Afin de mieux caractériser les difficultés françaises en la matière, la Cour a comparé la situation hexagonale avec celle de partenaires européens dont les systèmes "sont finalement relativement proches de la France", à savoir l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. En matière de compétitivité la Cour observe en premier lieu "des effets ambivalents" du financement du système des retraites. Une compétitivité qui s’est structurellement dégradée depuis les années 2000, souligne Pierre Moscovici, qui cite "un déficit de la balance des biens et services constant depuis 2006" qui a atteint en 2024 21,5 milliards d’euros, soit 0,7 points de PIB. Alors que dans le même temps, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne affichaient des excédents. Pierre Moscovici y voit le signe "d’un recul de compétitivité indéniable" qu’il qualifie même d’"anomalie française durable". C’est clairement, selon lui, la conséquence de la désindustrialisation de la France : en 2023, la part de l’industrie dans l’emploi total s’établissait à 10% contre 17% en Italie et 18% en Allemagne. Circonstance aggravante : cette perte de compétitivité françaises s’inscrit dans un contexte plus vaste de décrochage européen : l’écart de PIB entre l’Union européenne et les États-Unis qui était 15% en 2002 est passé à 30% en 2023. En résumé, avance le premier président de la Cour des comptes, la France est une économie peu compétitive dans un système européen qui perd en compétitivité face à ses principaux concurrents.
Et le lien entre compétitivité et système des retraites est clair : le financement des dépenses liées aux retraites à travers les cotisations sociales pèse sur le coût du travail "et donc sur la compétitivité" de l’économie française dans sa globalité, rappelle Pierre Moscovici. Des cotisations qui représentent 9,5 points de PIB en France, soit 5,5 points d’écart avec l’Allemagne. "Mais, enchaîne-t-il, la compétitivité-coût n’est plus le principal sujet en France." Elle s’est d’ailleurs améliorée depuis 2013 en lien avec la mise en œuvre de politiques de baisse du coût du travail, constate le premier président de la Cour des comptes. "Le plus préoccupant, c’est la faiblesse de la compétitivité hors coûts" qu’il qualifie même "d’exception française" sur les 25 dernières années. Il évoque notamment le coût de l’énergie, les taux de change... ou encore la question remise au centre du jeu des droits de douane. Il pointe enfin le fait que les cotisations sociales soient plus importantes sur les hauts revenus que sur les plus modestes, "ce qui permet de préserver les emplois peu qualifiés mais qui pourrait peser sur la compétitivité hors coûts".
Des liens entre taux d’emploi et recul de l’âge de départ à la retraite
Dans ce contexte, la Cour constate que les réformes successives du système des retraites ont entraîné une augmentation du taux d’emploi des 55+. Un taux qui reste néanmoins inférieur à celui de nos voisins européens et dont le redressement est jugé "essentiel". En 2024, rappelle Pierre Moscovici, le taux d’emploi des 15/64 ans était de 68,4%. Seuls 5 pays européennes faisant moins bien. Et cette faiblesse est "notable chez les 55+", souligne-t-il. Un alignement du taux d’emploi hexagonal avec celui de l’Allemagne représenterait un gain net de 7 milliards d’euros. Mais comment atteindre un tel niveau de performance ? Pierre Moscovici observe que les pays européens qui ont progressé en la matière ont reculé l’âge de départ à la retraite. "Les phénomènes sont liés", assure-t-il, rappelant que la réforme de 2010 faisant reculer cet âge de départ de 60 à 62 ans s’est traduit "par une augmentation très nette du taux d’emploi". L’enjeu, "ce n’est pas l’âge des individus mais la distance qui les séparent de l’âge légal du départ à la retraite qui influence leur comportement". L’ancien ministre reconnaît cependant que ce même allongement de l’âge de départ à la retraite "peut se traduire par une augmentation du nombre de personnes ni en emploi, ni en retraite".