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Marchés publics - La faute de l'entreprise n'empêche pas son indemnisation sur le terrain quasi-contractuel

Un arrêt du 9 juin 2017 a été l'occasion pour le Conseil d'Etat de rappeler l'articulation entre les différents régimes de responsabilité. Se posait ici la question de savoir si, alors que le litige ne pouvait être réglé sur le fondement du contrat, la société titulaire pouvait, malgré ses erreurs, demander une indemnisation sur le terrain de l'enrichissement sans cause.

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat était saisi d’un litige relatif à des factures impayées. En l’espèce, la commune de Goyave avait conclu un marché de fournitures de bureau, d’entretien et décoration avec la société Pointe-à-Pitre Distribution. Cette dernière a exécuté onze bons de commande mais la commune n’a que partiellement payé ces prestations. La société a donc saisi le tribunal administratif (TA) de Basse-Terre en vue de réclamer le reste du paiement. Ce dernier a fait droit à sa demande sur le fondement des responsabilités quasi-contractuelle et quasi-délictuelle. Toutefois, la cour administrative d’appel (CAA) de Bordeaux ayant annulé ce jugement, la société a saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation.

Pas d’application du contrat en cas de vice du consentement

Le Conseil d’Etat a tout d’abord confirmé la position du TA et de la CAA en écartant la responsabilité contractuelle de la commune. En vertu de sa jurisprudence Béziers 1 (CE, 28 décembre 2009, n°304802), il a rappelé que les vices du consentement impliquaient que le litige ne puisse être réglé sur le terrain de la responsabilité contractuelle. En l’espèce, le conseil municipal n’avait pas autorisé le maire à signer le marché litigieux. De plus, aucun élément ne permettait "d’estimer que le conseil municipal avait ensuite donné son accord à la conclusion du contrat" qui, en tout état de cause, n’avait fait l’objet d’aucune mesure de publicité et de mise en concurrence. Dès lors, la Haute Juridiction administrative a confirmé que le vice de consentement de la commune était clairement établi. La société ne pouvait se prévaloir du principe de l’exigence de loyauté des relations contractuelles pour demander le règlement du litige sur ce terrain.

Enrichissement sans cause et faute de l’entreprise

Lorsque le contrat est écarté, l’enrichissement sans cause permet à une société de demander, sur le terrain quasi-contractuel, le remboursement de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité.
En l’espèce, la CAA avait jugé que les fautes de la société faisaient obstacle à ce qu’elle demande une indemnisation au titre de l’enrichissement sans cause. L’arrêt d’appel indiquait en ce sens que la société avait "commis une faute grave en se prêtant à la conclusion d’un marché dont, compte tenu de son expérience, [elle] ne pouvait ignorer l’illégalité". De plus, les prix proposés par la société étant manifestement excessifs, la CAA a jugé que la société ne pouvait se référer à la notion de "dépenses utiles", fondement de l’enrichissement sans cause.
Cependant, le Conseil d’Etat a infirmé la position de la CAA sur ce point. Il a rappelé que "la faute du co-contractant est en principe sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l’enrichissement sans cause de la collectivité". Concernant la surfacturation des prestations, il a également précisé "que l’utilité des dépenses effectuées par l’entrepreneur pour la collectivité ne peut être appréciée en prenant en compte les prix stipulés par le contrat".
Le Conseil d’Etat a donc annulé l’arrêt de la CAA, rappelant ainsi que les fautes du cocontractant n’avaient pas d’incidence sur son droit à indemnisation sur le terrain de la responsabilité quasi-contractuelle.

Référence : CE, 9 juin 2017, n° 399581
 

 

 

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