La France et l'Espagne signent à Barcelone un traité "d'amitié et de coopération"

La France et l'Espagne ont scellé le 19 janvier à Barcelone un "traité d'amitié et de coopération". Pour la France, c'est le troisième du genre après le traité de l'Élysée de 1963 et le traité du Quirinal de 2021 avec l'Italie. Les deux partenaires ont mis en haut de leur l'agenda la réforme du marché européen de l'électricité et la réponse à l'Inflation Reduction Act américain.

Le président français, Emmanuel Macron, et le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, ont paraphé, jeudi 19 janvier, sous la coupole du Musée national d'art de Catalogne, un "traité d'amitié et de coopération" portant la relation entre les deux pays au plus haut niveau. Pas question de faire cavaliers seuls, les deux parties rappellent au contraire "que leur amitié et leur coopération prennent leur sens dans, par et pour l’Europe". Au plan institutionnel, ce traité se traduira par l'organisation d'un "Sommet bilatéral annuel" au cours duquel sera élaborée une "feuille de route opérationnelle, pluriannuelle et révisable régulièrement". "Au moins une fois tous les trois mois et par alternance", un membre du gouvernement de l'un des pays assistera au conseil des ministres de l'autre.

Pour la France, il s’agit du troisième traité de la sorte signé avec un pays de l’Union européenne, après celui de l’Élysée de 1963 avec l’Allemagne et le traité du Quirinal signé en 2021 avec l’Italie. Quant à l'Espagne, elle est liée avec le Portugal.

Hasard du calendrier, le traité de l’Élysée, complété récemment par le traité d’Aix-la-Chapelle (voir notre article du 24 janvier 2019), fêtera son 60e anniversaire ce dimanche, avec un conseil des ministres franco-allemand qui, initialement programmé en octobre, avait dû être reporté suite à une série de différends entre les deux pays, notamment sur les questions de défense.

D’ailleurs pour Paris, le traité de Barcelone est aussi le moyen de se rapprocher d’un allié de taille, alors que la relation franco-allemande bat de l’aile. Si les échanges entre les deux pays ont aussi connu des coups de froid, Paris et Madrid ont récemment enterré un désaccord important avec l'abandon du projet de gazoduc MidCat auquel la France était opposée. C’est finalement un pipeline d'hydrogène vert reliant Barcelone à Marseille et baptisé "H2Med" qui a été retenu. La question énergétique et les interconnexions planaient sur cette rencontre bilatérale, les deux pays ayant pris l’initiative d’une réforme du marché européen de l’électricité. Lors d’une conférence de presse, Emmanuel Macron et Pedro Sanchez ont assuré avoir une "vision très proche", ne nécessitant pas de "position commune" à ce jour. Après que l’Espagne a récemment envoyé à la Commission un non-paper sur le sujet (voir notre article du 16 janvier 2023), celle-ci présentera sa proposition de réforme "début mars", a précisé Emmanuel Macron. "Il faut faire une réforme en profondeur du marché de l’électricité qui permette à nos compatriotes comme aux entreprises de payer un coût de l’électricité qui corresponde au coût de production et qui ne soit plus dépendant d’un ‘ordre de mérite’", a-t-il déclaré. Emmanuel Macron souhaite que ce chantier aille "vite" et soit "effectif cette année".

Coopération transfrontalière

Au-delà de l’énergie, le traité prévoit un renforcement des relations bilatérales sur des sujets tels que la justice, la jeunesse, la diplomatie avec le contexte de la guerre en Ukraine, la défense (coopération capacitaire et opérationnelle), le transport ferroviaire, l'agriculture, la santé ou sur les questions migratoires… Le traité encourage par exemple la création de campus des métiers franco-espagnols dans certains secteurs prioritaires tels que les industries du futur, l’économie verte, le tourisme innovant et l’agriculture. Il s'agit aussi de favoriser la reconnaissance des parcours de formation. En matière de santé, la coopération repose par exemple sur "un échange de bonnes pratiques sur le maillage sanitaire territorial et l’accès aux soins en zone rurale". Les deux parties rappellent "l’importance qu’elles attachent au bon fonctionnement de l’hôpital binational de Cerdagne et à sa capacité à regrouper des professionnels des deux pays au sein d’une même structure". D'ailleurs le traité consacre un titre entier à la coopération transfrontalière. Il est prévu de doter "les collectivités frontalières et organismes de coopération frontalière de compétences appropriées pour dynamiser les échanges et la coopération, y compris pour la création et prestation de services publics communs, en matière sociale, sanitaire, environnementale, énergétique, éducative, culturelle et de transports". Une stratégie de coopération transfrontalière sera arrêtée. Un comité de coopération frontalière à caractère consultatif sera créé pour en assurer le suivi et proposer des projets concrets.

Stratégie "Made in Europe"

En matière économique, les deux parties s'accordent sur "la mise en œuvre d’une politique industrielle européenne ambitieuse, visant à renforcer l’autonomie stratégique et la résilience de l’Union européenne". Lors de leur conférence de presse, les deux chefs d’État et de gouvernement ont ainsi appelé l’Union européenne à une réponse "très volontariste" concernant le Inflation Reduction Act (IRA) voté par les États-Unis cet été. "Nous nous félicitons que les États-Unis rentrent dans la transition verte mais nous devons trouver un accord afin que cet engagement dans la transition verte ne signifie pas la désindustrialisation de l'Europe", a affirmé Pedro Sanchez. "Si l’Europe ne réagit pas, l’accélération du verdissement de l’économie signifiera la désindustrialisation de notre continent", a abondé Emmanuel Macron. Les deux pays "partagent la volonté de bâtir une plus grande ambition pour répondre à ce triple défi : la transition énergétique et climatique, l’industrialisation de notre continent, l’autonomie stratégique", a-t-il poursuivi appelant à une stratégie du "Made in Europe". La France s'est déjà fendue d'un non-paper sur le sujet, transmis à la Commission le 12 janvier (voir notre article du 17 janvier 2023). Cinq jours plus tard, à Davos, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a présenté les grands axes de ce qu'elle appelé le "Net-Zero Industry Act" dont le but serait d'accélérer les investissements productifs dans la transition climatique, via notamment un nouveau "fonds de souveraineté européen". Reste à savoir comment il sera financé. Dans une déclaration conjointe adoptée le 19 janvier, la France et l'Espagne disent vouloir prendre appui sur l'expérience de l'instrument "Sure" mis en place pour répondre à la crise du Covid et financer des mesures de chômage partiel, en ayant recours à des emprunts communs. Elles "attendent avec intérêt les discussions et les décisions, qu’elles espèrent fructueuses, relatives à cette stratégie européenne lors du Conseil européen extraordinaire les 9 et 10 février 2023". D'ici là, Emmanuel Macron tentera de convaincre le chancelier allemand, Olaf Scholz, ce dimanche à Paris, que ce soit sur le financement de la stratégie du Made in Europe ou de la réforme du marché européen de l'électricité.

 

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