La Gironde protège ses nappes profondes

Les nappes profondes de Gironde assurent l'approvisionnement en eau de plus d'un million d'habitants. Pour les protéger, un Sage a été approuvé fin 2003.  Les premières mesures pour économiser cette ressource menacée viennent d'être adoptées.

Les Girondins ont de la chance. Sous leurs pieds, sur une superficie de 73.500 km², sommeille une réserve d'eau tellement importante qu'ils l'ont longtemps crue inépuisable. Aujourd'hui encore, ces nappes captives profondes assurent la moitié des besoins en eau du département. Elles fournissent chaque année 150 millions de mètres cubes d'eau potable et 40 millions de mètres cubes à l'industrie et à l'irrigation.
Mais cette réserve est très fragile. C'est pourquoi, dès 1996, le conseil général, la communauté urbaine de Bordeaux et l'agence de l'eau Adour-Garonne adoptent un schéma directeur de gestion des ressources en eau du département. En 1998, la décision d'élaborer un schéma d'aménagement et de gestion des eaux (Sage) est prise. Un Sage Nappes profondes, le premier du genre en France, est adopté par arrêté préfectoral le 25 novembre 2003, pour réglementer et préserver les nappes du département. Une mesure indispensable tant la ressource est menacée par une surexploitation, une mauvaise répartition des pompages et des risques de pollutions.

Economiser 30 millions de mètres cubes par an

"Ces nappes sont observées et surveillées depuis plus de 50 ans. Mais en 1995, il a fallu élaborer un schéma directeur des nappes et le constat a été suffisamment inquiétant pour décider de mettre en place une gestion concertée des nappes", raconte Bruno de Grissac, président du Smegreg (Syndicat mixte d'étude pour la gestion de la ressource en eau de la Gironde). Cet établissement public de coopération créé en 1998 à l'initiative conjointe du conseil général de la Gironde et de la communauté urbaine de Bordeaux a pour mission de proposer et d'étudier la faisabilité technique, économique, juridique et financière de solutions de substitution aux prélèvements dans les nappes d'eau souterraine profondes du département.
Ces solutions doivent permettre de diminuer le prélèvement dans les nappes de 30 millions de mètres cubes par an, d'ici à 2010. Une réduction estimée par des simulations pour restaurer l'équilibre - mais une lourde responsabilité qui, selon Bruno de Grissac, passe par "la recherche de nouvelles ressources, la chasse au gaspillage, la maîtrise de la demande et une répartition plus juste entre particuliers et industriels." Car en Gironde, les forages dans les nappes profondes existent par centaines, mais leur répartition, qui n'a été ni maîtrisée, ni gérée, peut conduire au déséquilibre des nappes.
L'objectif principal du Sage est avant tout de préserver la pression dans les nappes, pour éviter toute infiltration d'eaux polluées ou salines.

Maintenir la pression

Quatre couches géologiques constituent les nappes profondes du Sage de Gironde : le crétacé, l'éocène, l'oligocène et le miocène. "Les nappes s'écoulent d'est en ouest et se déversent dans l'estuaire, explique Bruno de Grissac. Le risque est donc que du fait d'un trop fort volume prélevé, la pression de la nappe s'inverse et l'eau salée contamine l'eau douce."
Une crainte partagée et confirmée par Pierre Marchet, spécialiste eau souterraine à l'agence de l'eau Adour-Garonne : "La première décision a été d'arrêter les pompages industriels dans les nappes de la presqu'île d'Ambès. Les prélèvements d'eau devenaient dangereux pour l'équilibre des nappes et on risquait une salinisation. En contrepartie, l'eau de la Garonne a été traitée et délivrée aux industriels."
Protéger les ressources et parvenir aux 30 millions de mètres cubes d'économies passe pour moitié par la maîtrise des consommations et pour moitié par l'utilisation de ressources de substitution (autres nappes et eaux superficielles). En sachant que l'eau des nappes est en outre menacée par la pollution dans les zones d'affleurements.
Le pari est donc ambitieux, d'autant plus que les nappes s'étendent au-delà de la Gironde, seul département concerné par le Sage pour des raisons d'efficacité administrative. Si les départements voisins (17, 24, 47, 40), régulièrement informés des progrès du Sage, décident de participer aux effort consentis, le projet aura encore plus de chance de réussir.

 

Caroline Idoux / Victoires-Editions, pour Localtis
 
 

 

Protéger pour mieux équilibrer


 

Rencontre avec Pierre Marchet, conseiller technique "Eaux souterraines" de l'agence de l'Eau Adour-Garonne.

Quelles sont les priorités du Sage ?

La première urgence est vraiment de maintenir l'équilibre des nappes profondes. On doit garantir que l'eau de l'estuaire ne pénètre pas dans la nappe. La deuxième urgence est de répartir de manière plus juste les forages car malheureusement, ils sont pratiquement tous au même endroit ce qui menace l'équilibre des nappes.

Quelles sont les mesures à prendre au niveau des usagers ?

D'abord une meilleure prévention. L'enjeu est de faire une économie d'eau de 30 millions de mètres cubes d'ici à 2010. Pour moitié, cette économie viendra de la maîtrise des consommations et donc de la modification des comportements des habitants.

Quels sont les moyens mis à votre disposition ?

Pour trouver de nouvelles sources d'approvisionnement et protéger les nappes, il a d'abord fallu interdire leur utilisation à certains industriels et leur proposer une eau d'origine différente. Pour financer la mise en oeuvre de ressources de substitution, nous avons mis en place une redevance spécifique calculée selon le volume prélevé dans les nappes.

Comment protège-t-on les affleurements des nappes ?

Ce sont des zones évidemment très fragiles et très sensibles à la pollution. L'usage du sol dans ces zones est donc à surveiller. Pour les affleurements d'oligocène, nous avons quelques soucis d'infiltrations mais pour l'éocène en Gironde, les affleurements se trouvent heureusement dans des zones forestières peu propices à la culture. Le contrôle des activités humaines passe par la réglementation.
 
 

Ressources alternatives : les premières mesures soumises à la commission locale de l'eau


La commission locale de l'eau (CLE) a été créée en 1999 pour élaborer le Sage. Elle est composée de 24 membres : élus locaux, représentants d'usagers, d'associations, de représentants de l'Etat et de ses établissements publics et d'organisations professionnelles. Elle agit comme un véritable parlement de l'eau pour assurer le suivi du Sage, et évaluer les mesures adoptées.
La CLE est notamment partie prenante dans l'accord-cadre signé en décembre 2003 entre les collectivités locales, les industriels, les agriculteurs et l'agence de l'eau Adour-Garonne portant sur un programme d'économies reposant sur l'utilisation de ressources de substitution.
Ces ressources de substitution doivent atteindre 30 millions de mètres cubes. C'est le Smegreg qui est chargé de les rechercher et de les proposer à la CLE.
Les principaux projets concernent pour l'instant les plans d'eau d'Ambarès et les eaux superficielles. Pour protéger les nappes, les nouvelles demandes de prélèvement ou les renouvellements d'autorisation de prélèvement devront dorénavant faire la preuve qu'aucune autre solution n'est possible.


 
 

 Le quadrillage du Sage


La priorité du Sage est de conserver le niveau et la qualité des eaux des nappes. Sur l'ensemble du Sage, les économies d'eaux seront réalisées en mettant en place un volume maximum prélevable objectif (VMPO) pour chaque unité de gestion (Centre, Médoc Estuaire, Littoral, Nord, Sud) et en fonction de chaque nappe. Ce système devra permettre de prélever l'eau de manière plus équilibrée.
Une piézométrie établira une valeur plancher à ne pas atteindre, pour se prémunir d'un risque physique ou chimique pour les nappes. Aujourd'hui, les deux risques identifiés sont l'épuisement des aquifères et l'intrusion saline.
Dans un an, la CLE arrêtera un atlas évolutif des zones à risque, précisant pour chacune d'elles : des réseaux de points de contrôle et les usages industriels, domestiques et agricoles qui y correspondent ; une liste des communes touchées ; la description du risque ; les valeurs de piézométrie de crise (PCR) et d'objectif (POE).
Le passage sous la POE déclenchera la mise en application de mesures de sensibilisation ou de limitation des usages, avec un comptage systématique des volumes prélevés. Si elles existent, des ressources de substitution pourront être mises en place pour l'eau (potable ou non).
En matière de pollution, une cartographie des risques de pollution des nappes permettra de favoriser une prise de conscience des relations entre l'activité humaine de surface et le bon état qualitatif des ressources en eau souterraine.
 

Smegreg

74 Rue Georges Bonnac
33000 Bordeaux
contact@smegreg.org

Pierre Marchet

Bruno De Grissac

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