Eau - La justice valide l'aide du département des Landes aux communes gérant l'eau en régie
La justice vient de donner raison au département des Landes, dans le bras de fer juridique qui l'oppose depuis des années aux professionnels de l'eau. Dans un arrêt du 3 mars 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé la légalité de délibérations datant de 2008 par lesquelles le conseil général, présidé par le socialiste Henri Emmanuelli, a réservé ses subventions pour les services de l'eau "aux seules communes rurales qui gèrent ces services en régie".
Dans ce dernier volet en date d'une guérilla juridique en plusieurs actes depuis 18 ans entre le département des Landes et les grands groupes de l'eau, la cour d'appel, saisie par la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E), représentant des groupes privés comme Suez, Veolia, Saur, a annulé un article du jugement du tribunal administratif de 2012, qui donnait partiellement raison à la FP2E. La cour a estimé que le département des Landes n'a pas entravé "la liberté des communes et de leurs groupements de choisir le mode de gestion" de l'eau, ni "méconnu le principe d'égale concurrence entre les opérateurs publics et privés", ni "introduit une distorsion des règles de concurrence nationales et communautaires qui ne serait pas justifiée par une nécessité d'intérêt général".
Dans un communiqué, Henri Emmanuelli s'est félicité le 5 mars que le choix du département "d'aider financièrement les communes optant pour une gestion publique de l'eau est désormais reconnu de plein droit". Il a dit espérer que cette politique "continuera d'essaimer sur le territoire national".
La FP2E a pour sa part déclaré le 5 mars "prendre acte de la surprenante décision" de la cour d'appel. Mais elle juge "incompréhensible" l'option du département, qui "consiste à priver consommateurs et administrés de l'effet bénéfique des mises en concurrence, en réservant les subventions départementales aux seules régies". La Fédération a ajouté se réserver le droit d'un recours devant le Conseil d'Etat, la plus haute juridiction administrative française : "C'est une bataille qui n'est pas finie", a affirmé à l'AFP son délégué général, Tristan Mathieu.
Un autre volet de cette "bataille de l'eau" s'était joué en 2011, au Conseil constitutionnel, où le département des Landes avait obtenu gain de cause. Il s'opposait à un article du Code des collectivités territoriales qui visait à interdire de moduler leurs subventions aux services municipaux d'eau, selon qu'ils sont gérés en régie ou délégués au privé.
Sur le fond, le bras de fer entre le département et la FP2E tourne en grande partie autour du coût de l'eau : le président du conseil général a rappelé que les "multinationales de l'eau" avaient "réalisé des profits importants sur la vente d'eau potable". L'argumentaire des Landes invoquait notamment une étude de 2003 de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt, selon laquelle les tarifs pratiqués par les services d'eau délégués au privé sont "très sensiblement supérieurs à ceux des services gérés en régie". Une étude qui n'est "pas utilement contestée", a estimé la cour d'appel dans son arrêt révélé par le quotidien Sud Ouest.
"L'étude date de 2003. En 11-12 ans, il y a beaucoup de choses qui ont évolué dans le secteur de l'eau et de l'assainissement" entre innovations et baisse des prix, a souligné Tristan Mathieu, qui a mis au défi le département de lancer un appel d'offres : "On verra bien qui est le moins cher." La FP2E a dit "ne pas penser" que la politique choisie par les Landes va faire école. "Cela reste un phénomène très circonscrit", a déclaré son délégué général. "C'est un peu le sens commun de dire: les subventions attribuées sont les mêmes, que l'opérateur choisi soit le privé A, ou le public B. Après, à l'élu local de choisir les meilleurs."