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La juxtaposition des smart services fait-elle la smart city ?

Smart city. Le terme continue de susciter des interrogations chez les élus des villes moyennes qui ne voient parfois qu’un changement d’emballage à des produits qu’ils utilisent déjà. Si le numérique est déjà omniprésent dans leurs services, le projet global et transverse qu’implique le concept de smart city reste cependant largement balbutiant.

La journée organisée par Villes de France autour de la smart city (lire notre article) a été l’occasion d’une revue des stratégies locales en matière de smart city. "Quand on a lancé notre étude smart city, la première chose qui nous a sauté aux yeux est que nous faisions de la smart city sans le savoir", explique Jacques Lamblin, maire de Lunéville. Téléservices administratifs, fibre à domicile, capteurs de chaleur, numérique à l’école… la plupart des domaines associés à la smart city étaient investis et il s’agit plutôt aujourd’hui de compléter pour donner de la cohérence. Un monsieur Jourdain de la smart city dans lequel beaucoup d’élus de villes moyennes se retrouvent. A Bourg-en-Bresse, la smart city relève aussi de l’évidence… budgétaire. "Quand j’ai été élu, j’ai trouvé une mairie avec une épargne négative et les économies n’étaient pas une option. C’est donc naturellement que nous avons opté pour des solutions 'intelligentes' permettant de délivrer un meilleur service à moindre coût. Ensuite je relève que l’expression smart city fait surtout peur", relate son maire, Jean-François Debat.

Autofinancer la smart city

Les économies générées peuvent elles-mêmes jouer un rôle moteur dans les projets smart city. "À Saint-Amand-Montrond (11.000 habitants), nous avons commencé par optimiser notre réseau d’eau en plaçant des capteurs pour détecter les fuites. Avec les 35% d’économies réalisées sur les factures d’eau, nous avons pu lancer d’autres projets qui génèrent eux-mêmes un retour sur investissement. Nous déployons désormais des poubelles connectées, proposons du stationnement intelligent ou encore une place de marché local", énumère fièrement son maire, Thierry Vinçon. Des projets dont le fil rouge est la création d’une "zen city" au service de la qualité de vie de ses habitants. Une approche que certains pourront trouver un peu gadget mais qui s’inscrit aussi dans une logique de "living lab", la ville n’hésitant pas à se rapprocher de la métropole lyonnaise pour dénicher les meilleures innovations.

Créer un écosystème ouvert à l’international

C’est du reste un point commun avec Nevers qui a fait du développement économique un axe central de son projet. L’enjeu ? Faire du numérique une filière pour changer son image de capitale du Charolais et regagner les habitants perdus par des décennies de désindustrialisation. Si le projet passe par des infrastructures de qualité - les zones d’activité de l’agglomération de Nevers sont par exemple encore loin d’être toutes desservies en très haut débit – et des services publics optimisés par le numérique, le maire insiste sur la nécessité de l’inscrire dans un écosystème qui dépasse les frontières administratives, voire national. "Pour aider nos entreprises à connecter avec des clients et partenaires, nous leur proposons un bureau à Paris et nous serons en janvier prochain au CES de Las Vegas aux côtés de nos champions", a annoncé le maire de Nevers, Denis Thuriot.

Donner une coloration locale au projet

Chaque territoire gagne ensuite à créer un projet smart city en adéquation avec son ADN. À La Baule, la collectivité promeut ainsi un projet de "smart bay". De la bouée connectée au comptage des plagistes en temps réel en passant par des bracelets connectés ou "e-services à la serviette", La Baule décline la smart city à la sauce balnéaire. Et au-delà de nouveaux services fondés sur les objets connectés, l’analyse de la "data" et autre chatbot, l’ambition du territoire est d’attirer des start-up pour expérimenter des services ayant vocation à se développer dans n’importe quelle ville balnéaire. Boulogne-sur-Mer a également donné une coloration maritime, version port de pêche, à son projet smart city. Le tiers-lieu ouvert récemment, le Bouda – Boulogne Urban Data - ambitionne ainsi de devenir un lieu d’expérimentation dédié à l’innovation maritime. 

"Cœur de ville" oblige à la transversalité

Et quand on n’a pas la mer, la montagne ou une filière locale à valoriser, force est de constater que les projets "Cœur de ville" jouent un rôle structurant dans la version "ville moyenne"  de la smart city. Les projets "Cœur de ville", qui croisent urbanisme, services publics, commerce, mobilité et tourisme ont en effet pour première conséquence de contraindre les villes à l’"approche systémique" qui constitue l’ADN de la smart city. De nouveaux profils ont ainsi fait leur apparition, les chargés de mission Cœur de ville, avec souvent la smart city dans leur champ de compétence. "La personne que nous avons recrutée a une mission de veille sur ces sujets technologiques mais aussi de faire de la pédagogie auprès de l’ensemble des services et de la population pour embarquer tout le monde", fait valoir le maire d’Arras, Frédéric Leturque. 

Dans le maquis des solutions smart city

Cette approche globale décloisonnée est aussi celle promue par les acteurs industriels de la smart city, de Veolia à Engie en passant par La Poste, Orange et EDF. "La smart city conduit ces grands groupes à élargir considérablement leur offre, bien au-delà de leur secteur de confort. Mais les collectivités ont-elles vraiment à gagner avec ces partenariats globaux ?", s’est interrogé ce représentant de Louviers. "Nous ne prétendons pas tout faire mais sélectionnons les meilleures start-up en privilégiant celles qui ont un ancrage local",  s’est défendu ce représentant d’un grand groupe. Une sélection qui s’avère il est vrai nécessaire car pour les élus, il est particulièrement difficile de faire le tri dans le maquis des offres "smart". La Banque des Territoires a du reste élaboré un annuaire sélectionnant un millier de solutions pour aider les collectivités à s’y retrouver. Et face à des engouements soudains pour des dispositifs qui n’ont pas encore fait leur preuve, comme par exemple les plateformes locales d’e-commerce, elle proposera bientôt un guide pour dégager les bonnes pratiques. 

 

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