La PPL sur les meublés de tourisme mise entre parenthèses à l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a entamé l'examen de la proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif sans pouvoir l'achever. Parmi les articles en suspens, celui touchant à la fiscalité des meublés touristiques devrait être examiné après la remise d'un rapport de mission, pas avant février ou mars 2024.

L'examen de la proposition parlementaire de loi (PPL) visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif n'a pas pu aller à son terme, faute de temps, lors de la séance publique de l'Assemblée nationale le 6 décembre. L'adoption de ce texte transpartisan est donc repoussée à plusieurs mois, puisque les députés ne devraient pas en reprendre l'examen avant le 29 janvier 2024.

Largement adoptée le 28 novembre en commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, le texte porté par Annaïg Le Meur, députée du Finistère, et Iñaki Echaniz, député des Pyrénées-Atlantiques, est destiné à faire face à l'essor des locations touristiques de courte durée et aux pénuries de logements de longue durée qu'elles entraînent sur de nombreux territoires.

Lors de cette première lecture en séance publique, les articles 1er, 1er bis et 2, visant respectivement à généraliser le numéro d’enregistrement des meublés de tourisme, à créer une obligation de DPE (diagnostic de performance énergétique) pour les locations de courte durée et à donner aux communes la possibilité d’abaisser le nombre maximal de jours de locations touristiques des résidences principales entre 90 et 120 jours, ont été adoptés. En revanche, les députés n’ont pas pu se prononcer sur la création d’outils de régulation à la main des communes et sur l’alignement des avantages fiscaux entre locations courte durée et longue durée.

Matignon soutient le texte...

Sur ces différents points, l'intervention en début de séance du ministre délégué au Logement, Patrice Vergriete, a permis d'y voir plus clair sur l'attitude du gouvernement face à ce texte. On savait déjà que Matignon en soutenait la philosophie générale. Le ministre en a ainsi appelé à "une loi qui crée un dispositif d’ensemble cohérent en vue de limiter efficacement sur le terrain le développement de l’offre de locations touristiques, voire de le bloquer".

Grâce à la généralisation du numéro d’enregistrement pour tous les meublés touristiques, "il sera possible pour une commune d’anticiper et de prévenir une éventuelle hausse préjudiciable du nombre des meublés de tourisme, par la mise en place ou la modification du règlement de changement d’usage, lorsqu’il aura été instauré", s'est réjoui Patrice Vergriete. Quant à l'obligation de rénovation énergétique étendue aux meublés touristiques, toujours selon le ministre, "elle réduira considérablement les phénomènes de bascule de logements locatifs à titre de résidence principale vers le parc de locations touristiques, en mettant sur un pied d’égalité ces deux usages en matière de décence énergétique".

La possibilité de créer des quotas d’autorisations de changement d’usage temporaire, et donc de réguler le développement des locations touristiques, "répond aux difficultés rencontrées sur le terrain", et la mesure visant à permettre aux collectivités de fixer un plafond de nuitées compris entre 90 et 120 jours pour les locations touristiques de courte durée "paraît également proportionnée", selon Patrice Vergriete. Enfin, la possibilité d’instaurer une servitude de résidence principale en zones tendues, dans les communes qui comportent plus de 20% de résidences secondaires, est aux yeux du ministre "un apport précieux".

… mais lance une mission sur la fiscalité…

Le principal point noir à venir devrait donc porter sur la réforme de la fiscalité. Sur cette question, l'opinion du gouvernement ne serait pas encore faite. C'est la raison pour laquelle la Première ministre a confié il y a quelques semaines aux députées Annaïg Le Meur, par ailleurs co-auteure de la PPL, et Marina Ferrari une mission temporaire sur la fiscalité locative.

On se souvient qu'en commission, les députés avaient opté pour un abaissement de l'abattement fiscal micro-BIC (bénéfices industriels et commerciaux) dont bénéficient les meublés de tourisme de 71% à 30% dans la limite d'un plafond de revenus de 30.000 euros (contre 188.700 euros actuellement). Une mesure qui permettait d'aligner les meublés de tourisme sur la fiscalité de la location de longue durée. Pour les meublés de tourisme classés situés en zone rurale très peu dense ou en station classée de sport d'hiver, l'abattement de 30% étant complété par un abattement supplémentaire de 41% (soit 71% au total) dans la limite d'un plafond de 50.000 euros.

… et craint des "conséquences en chaîne non maîtrisées"

Or ces dispositions allaient bien au-delà des mesures inscrites dans le PLF pour 2024, lequel prévoit une diminution de 71 à 50% de l'abattement sur les revenus des meublés touristiques (pour un seuil abaissé à 77.700 euros) dans les zones en tension. Le reste du territoire continuant de bénéficier d'un abattement de 71% (et d'un seuil abaissé à 50.000 euros).

"Une réforme de la fiscalité locative des bailleurs privés est nécessaire, dans le but de rééquilibrer la fiscalité en faveur de la location de longue durée et de mettre fin à des niches fiscales jugées injustifiées, a estimé Patrice Vergriete. Toutefois, déplacer un curseur peut entraîner des conséquences en chaîne non maîtrisées. De plus, différents régimes, tels que le micro-BIC et le réel, cohabitent. Modifier l’un sans toucher l’autre peut se révéler inefficace."

Selon nos informations, les premières conclusions de la mission sur la fiscalité locative devraient intervenir durant la navette parlementaire, au cours du mois de février, et ses conclusions définitives devraient être rendues en mars. Autrement dit, l'article 3 de la PPL portant sur la réforme de la fiscalité des meublés de tourisme pourrait être modifié très tardivement.