La reconversion d'un site industriel textile en pôle culturel et économique

Créée en 1762 dans une vallée des Vosges, la manufacture d'impression de Wesserling (Haut-Rhin) est définitivement fermée en 2001. La communauté de communes de la vallée de Saint-Amarin l'acquiert rapidement et s'appuie sur le caractère patrimonial du site pour se lancer dans un vaste projet de relance de la filière textile locale.

Haut lieu de l'impression textile en France depuis le XVIIIe siècle, le site patrimonial de Wesserling occupe 70 hectares au centre de la vallée de la Thur, dans la partie méridionale du massif des Vosges. Amorcé dès les années 1960, le déclin de cette industrie conduit à la suppression de très nombreux emplois et à la fermeture de plus en plus probable de Wesserling. En 1986, pour éviter le futur démantèlement de la propriété, le conseil général rachète les 17 hectares de parc et jardins entourant le château (ancienne demeure des dirigeants), avec maison de maître, ferme "suisse" et une vieille bâtisse de l'usine, plus 29 hectares de prés et d'étangs. Il souhaite aménager les jardins et créer un écomusée de l'industrie textile alsacienne pour faire de Wesserling un lieu patrimonial et touristique (1).

Un conflit sur le choix économique de reconversion

Mais un conflit éclate très rapidement autour du projet du conseil général de transformer une partie des bâtiments en hôtel de luxe. Les cent cinquante à deux cents familles ouvrières qui y étaient logées autrefois se sentent encore un peu "propriétaires". Une association se constitue pour tenter de sauvegarder ces lieux, d'une grande valeur patrimoniale. Huit ans plus tard, en 1998, elle obtient l'inscription du parc à l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques. La même année, le conseil général change de majorité. Il reprend le dossier en main et fait immédiatement protéger le site. Conseiller général dans la nouvelle équipe, François Tacquard est également élu en 2001 président de la communauté de communes de Saint-Amarin sur laquelle est implanté le site. Lorsque, deux ans plus tard, l'usine ferme définitivement ses portes, il décide de réagir vite : "En tant que directeur d'un bureau d'études, je sais qu'il ne faut pas laisser à l'abandon des friches. Plus on attend, plus cela coûte cher pour démolir des bâtiments tombés en ruine, dépolluer, refaire la viabilisation. Sur le plan économique aussi, il fallait faire aussi vite que possible : 800 personnes avaient perdu leur emploi en trois ans, dont 230 emplois à la fermeture." En 2004, la communauté de communes rachète les 24 hectares de l'usine pour y créer un pôle économique cohérent avec le pôle culturel et touristique qui est en plein développement. Grâce à son partenariat avec le pôle textile Alsace, qui réunit les principaux industriels de la région, et à l'appui de l'association de gestion et d'animation du parc textile de Wesserling, elle met au point un projet très novateur qui comprend des espaces de production, industrielle ou artisanale, de création, d'animation et de commercialisation. Le budget de 12 millions d'euros est financé par la communauté de communes (loyers) et ses partenaires : Europe, Etat (dotation de développement rural et Fonds national d'aménagement et de développement du territoire), conseil régional, conseil général (2). La surface réservée aux locaux professionnels est de 35.000 m2, divisibles en petits lots. Plusieurs hôtels d'entreprises et pépinières sont créés, avec leurs nombreux services de gardiennage, entretien, secrétariat... Quelques ouvriers de l'ancienne usine sont réembauchés sur ces postes.

Stimuler la création et l'innovation dans le domaine textile

En six mois, 10.000 m2 trouvent preneurs auprès d'artisans locaux mais aussi de professionnels qui ont subi la crise du textile et cherchent à s'installer dans des "niches" commerciales. Le site, réputé, offre une image de marque et une palette de services fortement appréciés. Et bien que moyennement accessible, il attire aussi par sa beauté. "Les contraintes liées au patrimoine ont tourné à notre avantage et cela marche mieux que prévu, se félicite François Tacquard. Mais nous avons pris des risques en faisant le pari du développement local. IL fallait proposer un prix du mètre carré très accessible." Le bail est de 23 mois, à 1 euro le m2 dans l'ancien, puis à un tarif plus élevé une fois que les locaux ont été réhabilités. Au bout de six ans, les entreprises ont la possibilité de devenir propriétaires.
Le découpage des friches se fait de manière souple, en fonction des candidats qui souhaitent profiter de la proximité d'autres professionnels ou des synergies possibles avec l'écomusée, élément structurant du site. Progressivement, les hôtels se spécialisent et des "quartiers" d'artistes et créateurs, de bureaux d'études, d'artisans ou de petits industriels apparaissent, voire se réorganisent au fur et à mesure que les uns ou les autres se découvrent de nouvelles affinités. Comme le souligne le président de la communauté, la grande taille du site permet à "la partie concrète" du projet d'évoluer pour prendre en compte les demandes des locataires et stimuler les projets artistiques ou économiques. Une politique d'adaptation constante aux besoins qui se paie parfois de quelques erreurs : "Deux entreprises nous avaient demandé des grandes surfaces, mais elles sont reparties. Il va donc falloir réaménager 5.000 m2 en petits lots à nos propres frais puisque nous n'avons plus de subvention pour cette partie. Mais en même temps, nous avons appris à faire des lots adaptés aux métiers. Nous savons aujourd'hui qu'un bureau d'études a besoin de 30 m2, un artisan d'art 100 m2, un artisan entre 200 et 500 m2, un industriel 1.000 à 1.500 m2."

Le label "pôle d'excellence rurale"

Les occupants actuels sont représentés au sein de huit associations réunies au sein d'une même association fédératrice. La moitié des espaces loués (sur un total de 70 lots) sera réservée au secteur textile dans le cadre d'un système productif local (3), le reste de la surface pouvant accueillir des artisans ou des professionnels de tous secteurs. Quant à l'ensemble du projet économique, il a obtenu, au cours de l'été 2006, le label "pôle d'excellence rurale". Ce sauvetage du parc de Wesserling et de ses édifices industriels intervient dans un contexte de forte pression foncière due à la proximité de grandes villes et à une nouvelle densification de l'espace rural. Toutefois, ce réinvestissement des lieux est au prix d'une mutation sociale rapide de la vallée, génératrice de conflits entre anciens et nouveaux habitants. Cela n'est pas sans susciter l'inquiétude du président de Saint-Amarin : "Les conflits sont parfois très violents, mais à terme, ce sont 70 PME et 300 emplois directs qui sont espérés. L'avenir de toute une vallée était en jeu."

 

(1) En 2005, l'association de gestion du parc textile de Wesserling (créée en 1998), qui emploie 25 personnes, a accueilli plus de 50.000 visiteurs.
(2) Le projet comprend aussi un volet habitat et un volet culture. Pour l'habitat, il est prévu de réaménager 10.000 m2 pour construire une centaine de logements (dont une partie sera rénovée avec le soutien des Monuments historiques), avec un budget de 15 millions d'euros en provenance de fonds privés. Pour la culture, 5 millions d'euros restent à investir, dont une partie devrait servir à restaurer le château en ruines.
(3) Un système productif local désigne un groupement d'entreprises et d'institutions géographiquement proches et qui collaborent dans un même secteur d'activité. Depuis le premier appel à projets en 1998, se sont créés en France 97 systèmes productifs locaux labellisés par la Diact (Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires).

Communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin

Nombre d'habitants :

13200

Nombre de communes :

15
70 rue Charles de Gaulle
68550 Saint-Amarin
cc-stamarin@cc-stamarin.fr

Mathieu Aufauvre

Responsable du développement économique

François Tacquard

Président

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