Loi sur l'eau - La récupération des eaux de pluie en plein flou juridique
Face aux récentes sécheresses et alors que la situation hydraulique est de plus en plus préoccupante, les dispositions relatives à la récupération des eaux pluviales sont présentées comme des mesures phares. Pourtant, un flou juridique persiste et les collectivités comme les particuliers doivent attendre la publication des deux textes d'application de la loi sur l'eau du 30 décembre 2006 pour y voir plus clair.
Outre les enjeux environnementaux, la gestion des eaux pluviales induit des conséquences financières et sanitaires importantes. Le financement de toutes les dépenses inhérentes à cette gestion pose de plus en plus de problèmes pour les budgets communaux et d'assainissement collectif. Sur ce sujet, la loi sur l'eau autorise les communes à instaurer une taxe sur la collecte, le transport, le stockage et le traitement des eaux pluviales (art. L. 2333-97 et suivants du Code général des collectivités territoriales), afin de leur permettre de financer la création, l'exploitation, le renouvellement et l'extension de toutes les installations liées à la gestion des eaux pluviales. Cette taxe doit également financer l'entretien de ces ouvrages ainsi que le contrôle des dispositifs évitant ou limitant le déversement de ces eaux dans les ouvrages publics.
La création de cette taxe spécifique doit permettre d'alléger la charge supportée par les contribuables communaux et les consommateurs et d'inciter les propriétaires des terrains et immeubles responsables des déversements à développer des dispositifs de rétention à la source des eaux de ruissellement, afin de réduire la taxe à laquelle ils seront soumis. Toutefois, sa mise en oeuvre n'est pas sans poser de difficultés et les parlementaires ont souligné notamment la complexité inhérente à la détermination de son assiette.
C'est à la commune ou à son groupement que revient la responsabilité d'établir cette assiette au vu des éléments fournis par le maire ou le président du groupement en charge de la collecte des eaux pluviales. Son montant tiendra compte notamment de la liste des immeubles raccordés au réseau, de la superficie et de l'identité du propriétaire des immeubles imposables.
Un crédit d'impôt pour les équipements de récupération
En plus de cette taxe, la loi prévoit un crédit d'impôt de 25%, dans la limite d'un plafond de 8.000 euros, en faveur de l'établissement par les particuliers de systèmes de récupération et de traitement des eaux de pluie (art. 200 quater du Code général des impôts modifié). Ces ouvrages permettront à la fois d'économiser la ressource en eau et d'alléger les systèmes d'assainissement collectif en cas de fortes précipitations.
Paradoxalement, alors que ces installations comportent des risques sanitaires, l'arrêté qui doit fixer la liste des équipements, matériaux et appareils et la nature des travaux ouvrant droit au crédit d'impôt ne comportera pas la signature du ministre de la Santé, écartée par un amendement.
Ce texte aura également à préciser les conditions d'usage de l'eau de pluie dans l'habitat et les conditions d'installation, d'entretien et de surveillance de ces équipements. Pour le moment, il n'existe pas de document technique unifié (DTU) pour la mise en oeuvre de ces équipements, ni de système de contrôle de ces installations.
Dans l'attente de cet arrêté, qui relève des seuls ministres chargés de l'environnement et du logement (le ministre du budget ayant également été écarté), le flou juridique demeure. L'argument sanitaire sera-t-il finalement privilégié ? S'agira-t-il de limiter ce dispositif aux usages externes à l'habitation ou de permettre également certains usages internes (lave-linge, chasse d'eau...) ? La position ministérielle semble favorable à la première hypothèse. Si bien que les députés à l'origine de l'amendement ont dénoncé la frilosité de l'administration française et relevé le peu d'intérêt d'une limitation du champ d'application aux usages externes. La publication de ces deux textes réglementaires est prévue pour l'année 2007.
Philie Marcangelo et Sophie Besrest / Victoires Editions