La taxe de séjour forfaitaire est bien conforme à la Constitution, y compris avec un régime mixte

Saisi d'une QPC, le Conseil constitutionnel juge conforme à la Constitution le fait pour des communes, notamment touristiques, d’instaurer une taxe de séjour forfaitaire uniquement pour certaines catégories d’hébergement. Les collectivités sont toutefois peu nombreuses à recourir à cette taxe de séjour forfaitaire.

Par une décision du 8 février, le Conseil constitutionnel juge conforme à la Constitution la taxe de séjour forfaitaire instaurée par les communes ou intercommunalités. Il avait été saisi par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) émanant de la société Marissol, exploitante d'un terrain de camping sur le territoire de la communauté de communes de Mimizan (Landes) qui s'était vu assujettir à une taxe de séjour forfaitaire sur la base des articles L. 2333-26 et suivants du code général des collectivités territoriales.

En effet, dans les communes touristiques, littorales, de montagne ou qui réalisent des actions de promotion en faveur du tourisme ou de protection et de gestion de leurs espaces naturels, "une taxe de séjour ou une taxe de séjour forfaitaire peut être instituée par délibération prise par le conseil municipal ". Par ailleurs, "la taxe de séjour forfaitaire est assise sur la capacité d'accueil de l'hébergement […] et le nombre de nuitées comprises […] dans la période d'ouverture de l'hébergement". En d'autres termes, la commune peut instaurer, soit une taxe de séjour au réel fixée selon l'activité économique effective de l'hébergeur, soit une taxe de séjour forfaitaire décorrélée de l'activité économique effective.

Une taxe peu plébiscitée

Par ailleurs, si le choix d'instituer une taxe de séjour au réel ou forfaitaire est libre, le conseil municipal ne peut appliquer qu'une seule forme à chaque nature ou catégorie d'hébergement (hôtels, résidences, meublés de tourisme, terrains de camping, etc.). Un régime différent peut donc coexister au sein d'une même commune.

Instauré en 1988 à des fins de simplification, le recours au forfait n'a pas eu le succès attendu. Selon le représentant du Premier ministre à l'audience, 89% des délibérations qui ont institué une taxe de séjour soumettent tous les types d'hébergement à la taxe au réel, 9% ont opté pour un régime mixte et seulement 2% pour une taxe forfaitaire appliquée à l'ensemble des hébergements. À Mimizan, la communauté de communes a instauré un régime mixte : seuls des terrains de camping sont soumis à la taxe forfaitaire.

Lutte contre la fraude ?

Pour contester la constitutionnalité de la loi, la société Marissol avance deux griefs : l'atteinte au principe d'égalité devant la loi et l'atteinte à l'exigence de prise en compte des facultés contributives. Sur l'atteinte à l'égalité devant la loi, son représentant fait valoir que si "un palace n'est pas un terrain de camping, en quoi cette différence justifie-t-elle une différence d'assujettissement à la taxe de séjour ?" et évoque une "différenciation à l'aveugle" sans rapport direct avec l'objet de la loi, à savoir une simplification administrative.

Alors que des raisons d'intérêt général peuvent justifier une exception à l'égalité devant la loi, la société Marissol estime qu'"on ne saurait invoquer le recours à une taxe forfaitaire pour lutter contre la fraude, comme cela a été soulevé durant l'instruction", notamment parce que "ce serait entériner l'idée que certains types d'hébergement seraient par nature sujets à des comportements frauduleux".

Forfait "surdimensionné"

Sur le grief relevant de la prise en compte des facultés contributives, la société Marissol fait valoir que "la capacité d'accueil correspond à une potentialité d'occupation et [que] la nuitée est une période d'exploitation théorique", et en conclut que la taxe forfaitaire est "tendanciellement surdimensionnée par rapport à la fréquentation effective" et que, pour la commune, une fréquentation théorique serait "plus profitable qu'une fréquentation effective soumise aux aléas et fluctuations saisonnières".

Le représentant du gouvernement va balayer ces arguments. Pour justifier une exception à l'égalité devant la loi pour des raisons d'intérêt général, il argue que "la taxe forfaitaire a été instaurée compte tenu des difficultés de contrôle de certaines catégories d'hébergement en fonction des circonstances locales", tout en prenant soin de préciser que cela "ne sous-entend pas une fraude" de certaines catégories d'hébergeurs.

"Circonstances locales"

Le Conseil constitutionnel reprend cet argument en concluant que la différence de traitement entre hébergeurs "est fondée sur une différence de situation et est en rapport direct avec l'objet de la loi qui est de permettre aux communes de choisir le régime d'imposition le plus adapté en vue d'assurer, pour chaque nature d'hébergement et au regard des circonstances locales, le recouvrement de la taxe de séjour". On n'en saura toutefois pas plus sur les difficultés qui peuvent naître, en matière de recouvrement de la taxe, de la nature de l'hébergement ou des circonstances locales.

Sur la prise en compte des facultés contributives, le représentant du gouvernement estime qu'"en retenant comme base de la taxation les capacités d'accueil et une période de taxation, le législateur s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels permettant de déterminer les facultés contributives du contribuable", ce que retient la Conseil constitutionnel avant d'ajouter qu'en retenant comme critère de la capacité contributive de l'hébergeur, outre les nuitées, les unités de capacité d'accueil, "les dispositions contestées n'ont pas pour effet d'assujettir le contribuable à une imposition dont l'assiette inclurait une capacité contributive dont il ne disposerait pas". Là encore, on aimerait comprendre comment la capacité d'accueil d'un hébergeur entraîne de facto sa capacité contributive…