La vallée de la Seine, démonstrateur de la réindustrialisation

Le 4e Sommet de l’Axe Seine qui s’est déroulé à Paris le 10 octobre dernier a donné l’occasion pour les acteurs économiques du territoire de rappeler l’importance du tissu industriel dans l’équilibre économique d’un territoire qui tente de juguler préservation de l’environnement et création de richesse.

"La vallée de la Seine est un géant industriel à l’échelle de la France...et parfois les géants ont les tendons fragiles." Cette métaphore, c’est au délégué interministériel au développement de la vallée de la Seine, Pascal Sanjuan, qu’on la doit. Ce territoire à cheval entre l’Ile-de-France à l’amont et la Normandie à l’aval, a particulièrement souffert ces dernières décennies de la désindustrialisation, "plus qu’ailleurs", peut-être même. Et pourtant, la vallée de la Seine a tous les atouts pour jouer le rôle d’un "démonstrateur" tant en matière de réindustrialisation que de décarbonation, estime le préfet. Aujourd’hui, près de 10% de l’emploi répertorié est encore de nature industrielle. C’est deux fois moins que dans les années 60, souligne Isabelle Leriquier-Lajeunie, présidente de Paris-Seine-Normandie - émanation du réseau consulaire - mais cela constitue malgré tout un terreau favorable pour accueillir une réindustrialisation que beaucoup d’acteurs, économiques comme institutionnels, appellent de leurs vœux.

"On n’a jamais eu autant de projets industriels en France"

Mais pour implanter de nouvelles industries, encore faut-il avoir les moyens de les accueillir. L’enjeu, résume Stéphane Raison, le directeur général d’Haropa port, l’autorité portuaire qui réunit les ports de Paris, Rouen et Le Havre, est donc bel et bien celui du foncier disponible. Premier atout de l’axe Seine : sur le domaine portuaire, Haropa dispose de près de 1.000 ha qui échappent aux contingents régionaux en matière de zéro artificialisation nette. Utile dans un contexte où le développement économique risque d’être contraint par les objectifs de la loi Climat et Résilience alors même "que l’on n’a jamais eu autant de projets industriels en France", et qui plus est "des projets de décarbonation", explique Stéphane Raison. Mais pour transformer l’essai, il faut aller vite insiste le dirigeant d’Haropa, "car les projets qui sont là aujourd’hui ne le seront peut-être pas dans six mois".

Près de 2 milliards d’investissements confirmés sur la zone de Port-Jérôme

Entre Rouen et Le Havre, sur le territoire de la communauté d’agglomération Caux Seine Agglo, l’Américain Eastman et le Belge Futerro ont récemment confirmé des projets d’ampleur dans le domaine du recyclage des plastiques ainsi que dans la production de PLA recyclable qui vont nécessiter des investissements de près d’un milliard d’euros pour le premier et de 500 millions d’euros pour le second. Deux exemples parmi les plus récents de la vitalité industrielle de la vallée de la Seine qui a largement construit son modèle économique d’Après-Guerre sur les promesses de la pétrochimie et qui cherche désormais à s’orienter davantage vers des activités liées à la décarbonation. Toujours à Port-Jérôme, Air Liquide entame le chantier du plus important électrolyseur au monde (200 MW) qui servira à produire de l’hydrogène destiné, dans un premier temps, à décarboner les process industriels de son voisin TotalEnergie. Avant, pourquoi pas de servir d’ici quelques années les acteurs locaux des mobilités lourdes, transport fluvial en tête. Le projet d’électrolyseur, qui va nécessiter un investissement de l’ordre de 400 millions d'euros (dont près de 190 millions d'euros portés par la puissance publique) a dès l’origine reçu le soutien des collectivités concernées, précise Aude Cuni, responsable financement transition énergétique chez Air Liquide qui précise que le terrain, "identifié dès 2019", a ainsi pu être "sécurisé très en amont".

Mais avant de chercher à accueillir les industries de demain, il est important de conserver celles qui constituent le tissu industriel du moment : "il n’est pas question de fermer l’industrie du pétrole sans en avoir créé une autre avant !", résume Stéphane Raison, "sinon on affaiblit et on appauvrit les territoires".