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Salon des maires - La ville intelligente, une affaire enfin rentable ?

Dans le cadre du Salon des maires, la Caisse des Dépôts a présenté mercredi 22 novembre une étude permettant de mieux apprécier le "rendement socio-économique" de la transformation numérique des services publics locaux. Ce travail intervient dans un contexte où, si les projets de ville intelligente séduisent un nombre grandissant de collectivités, ils sont encore souvent appréhendés comme des investissements hasardeux et des paris politiques. A l'aide de cinq études de cas précises, l'étude vient montrer les gains de long terme que l'introduction du numérique dans la ville pourrait engendrer pour les collectivités.

L'ouverture des données publiques, le soutien aux start-up, les données massives, les applis citoyennes... les stratégies de ville intelligente sont incarnées par des projets souvent séduisants et dont chacun sent l'intérêt prospectif, mais qui manquent d'éléments tangibles pour attester de leur rentabilité. En se focalisant sur cinq solutions numériques très concrètes mises au service des collectivités, la Caisse des Dépôts, le Syntec numérique, et les pôles Advancity et Systematic, ont souhaité rappeler, dans une étude dévoilée au Salon des maires le 22 novembre, que la digitalisation des territoires pouvait aussi répondre à des besoins essentiels des administrés. Avec un titre qui plante d'emblée le décor : "Smart city : gadget ou création de valeur collective ?".

Les projets d'économie d'énergie sont les plus rentables

L'étude met en œuvre des techniques d'évaluation socio-économique qui sont d'habitude plutôt réservées aux grands projets d'infrastructures de transport. La gestion intelligente des fluides dans les collèges du département du Nord, le ramassage intelligent des déchets dans le Grand Besançon, la connaissance des usages du stationnement à Strasbourg, la dématérialisation des services publics dans les Hautes Alpes, l'éclairage intelligent à Rillieux-la-Pape : cinq terrains de jeu constitués par des projets finalisés, ou encore en lancement, qui permettent de balayer des situations territoriales et des enjeux techniques très divers.
Dans l'ensemble, l'évaluation fait ressortir des impacts très positifs, quoique variables. Deux initiatives présentent même un retour sur investissement financier conséquent à moyen terme : il s'agit de la mise en place de l'éclairage intelligent et de la gestion optimisée des fluides dans les collèges. De fait, ces dispositifs qui permettent de réaliser des économies d'énergie sont parmi les plus attractifs dans les villages et petites villes. Pour exemple, Saint-Amand-Montrond (10 000 habitants) avait mis en place des capteurs dès 2012 pour suivre et réduire sa consommation de gaz, puis d'eau. Dans la métropole de Rennes, Saint-Sulpice-la-Forêt (1 400 habitants) s'était également fait remarquer en implantant des capteurs sur ses bâtiments publics, reliés à un réseau sans fil d'internet des objets.
Les autres projets examinés dans l'étude sont également jugés positivement, dans la mesure où ils évitent des coûts sociaux importants et possèdent un bon impact environnemental. Par exemple, l'observatoire des stationnements de Strasbourg, s'il induit un report de revenus des automobilistes aux collectivités, capables de mieux gérer le forfait de post-stationnement, crée un surplus de bien-être en permettant de réaliser des gains de temps et une amélioration de la santé publique. En effet, ce qui optimise le stationnement épargne pollution et attente.

Qui paye, qui gagne ?

L'étude n'en pose pas moins des questions très pertinentes, et parfois dérangeantes, sur le montage des initiatives analysées. Ainsi en est-il des "visioguichets" mis en place, depuis 2012, dans le département des Hautes-Alpes, pour favoriser l'accès aux formalités administratives des territoires les plus reculés. Le projet présente des avantages intrinsèques, tels que la possibilité de rester non loin de chez soi tout en honorant son entretien régulier à Pôle emploi. Cependant, les visioguichets n'ont pas atteint une masse critique d'utilisateurs permettant de juger leur impact comme réellement positif. Même quand le projet atteste d'un rendement positif, il est essentiel de comprendre pourquoi, et pour qui, de manière à adapter la gouvernance du projet.
Par exemple, quand le Grand Besançon a mis en place, à partir de 2012, la redevance incitative dans la collecte des déchets ménagers, l'intercommunalité a consenti à des dépenses d'investissement, et consacre encore un budget annuel à la communication autour de la démarche. Pourtant, c'est le Sybert, qui traite les déchets de la région, qui a pu effectuer des économies en voyant la masse de déchets à prendre en charge diminuer.
Dans le cas de l'implantation, à Rillieux-la-Pape, d'un éclairage LED à détecteur de présence, le schéma est plus simple : c'est la ville qui réalise des économies substantielles, de l'ordre de près de 5 millions d'euros. L'impact socio-économique total de l'opération est encore majoré si on prend en compte les vertus d'un éclairage adapté à l'environnement urbain. Ainsi, les auteurs chiffrent à plusieurs millions d'euros les bénéfices issus d'une hypothétique baisse de la criminalité. Preuve que l'évaluation socio-économique, malgré sa rigueur, n'est pas exempte de jugements subjectifs.
Malgré les cautions méthodologiques à apporter et l'impossibilité de vraiment généraliser ces conclusions à l'ensemble des projets de smart city, une constante se dégage : le rendement de ces opérations est souvent réel et conséquent, et plus facilement démontrable que dans le cas des grands projets d'infrastructures de transport qui, pourtant, semblent encore disposer d'une aura supérieure. L'étude nous invite donc à réajuster nos perceptions et à prendre au sérieux la révolution numérique qui investit les territoires.