L’abandon à la commune de terrains régulièrement inondés jugé conforme à la Constitution

Le Conseil constitutionnel a été saisi par la municipalité de Nice d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur la procédure à l'initiative des contribuables d’abandon au profit de la commune de terrains improductifs, en raison notamment d'inondations régulières. Il a jugé ce 25 mai que ce mécanisme était conforme à la Constitution. 

Dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel a considéré, ce 25 mai, que l’abandon à la commune de certains terrains habituellement inondés ou dévastés par les eaux dans le but pour le propriétaire de s'affranchir de la taxe foncière et de se décharger de leur entretien, sans que celle-ci ne puisse s'y opposer, était bien conforme à la Constitution. Au coeur du litige, un régime ancien désormais figé à l'article 1401 du code général des impôts - dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-428 du 27 mai 2013 modernisant le régime des sections de commune - qui permet un transfert gratuit de propriété à la commune à l’initiative d’un contribuable des taxes foncières par une simple déclaration écrite à la mairie.
En l’espèce, cette procédure d’abandon perpétuel avait été mise en oeuvre par un syndic propriétaire d’une parcelle incluant une paroi rocheuse dangereuse, pour laquelle le maire le sommait de prendre les mesures de prévention nécessaires pour éviter que l’eau des surfaces imperméabilisées de la copropriété n’aggrave le ravinement. Le Conseil constitutionnel a ainsi été saisi, le 18 mars dernier, par le Conseil d’Etat d’une QPC posée par la commune de Nice à l’appui de son pourvoi contre le jugement par lequel le tribunal administratif de Nice a jugé que le silence gardé par le maire sur la déclaration d'abandon de terrain de ce syndicat n'avait pas fait naître une décision implicite de rejet. 

Atteinte au droit de propriété en lien avec un objectif d’intérêt général

Les griefs soulevés par la municipalité de Nice tiennent notamment de l’atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales, au droit de propriété de la commune ainsi qu'à l'objectif de valeur constitutionnelle de bon usage des deniers publics.
Et pour cause, cet abandon n'est pas subordonné à l'acceptation par la commune. "En imposant ainsi à la commune de devenir propriétaire de ces terrains, ces dispositions portent atteinte au droit de propriété", reconnaît le Conseil constitutionnel avant d’écarter l’ensemble des griefs. Dès lors, quelle finalité d’intérêt général se cache derrière ce mécanisme ? Pour les juges de la rue de Montpensier, "le législateur a entendu que des terrains improductifs et délaissés par leur propriétaire puissent, en entrant dans le patrimoine de la commune, trouver un usage conforme à l'intérêt de la collectivité". Il a ainsi poursuivi "un objectif d'intérêt général". 

Terrains improductifs

Ces dispositions "ne s'appliquent, sous le contrôle du juge, qu'aux terres vaines et vagues, aux landes et bruyères ou aux terrains habituellement inondés ou dévastés par les eaux", explique le Conseil constitutionnel. Il se fonde en outre sur une jurisprudence constante du Conseil d'État, selon laquelle "parmi ces terrains, seuls ceux qui ne comportent aucun aménagement particulier de nature à les rendre propres à un usage agricole, industriel, commercial ou à des fins d'habitation, peuvent faire l'objet d'un transfert de propriété à la commune" (CE, Sect., 18 juin 1965, Commune de Brassempouy, n° 58.749 ; CE, 27 novembre 1974, Sieur de Pas de Lancquesain, n°86.982, cités dans les conclusions du rapporteur public). La commune requérante reprochait d’ailleurs également à ces dispositions d'accorder un avantage fiscal aux seuls propriétaires de terrains improductifs, sans en faire bénéficier d'autres propriétaires, en particulier ceux d'immeubles menaçant ruine ou en état de péril. Un grief là encore balayé par le juge constitutionnel.
Enfin, les autorités communales "sont tenues de s'opposer à l'abandon de terrains qui n'entreraient pas dans le champ ainsi défini", relève-t-il. La déclaration d’abandon est en effet un acte unilatéral qui ne requiert pas l’acceptation de la commune. Toutefois cette dernière peut s’y opposer en faisant valoir explicitement que le terrain ne répond pas aux conditions légales. Il appartiendrait alors au tribunaux de trancher. 

 
Référence : décision n° 2022-995 QPC du 25 mai 2022 [Abandon de terrains à une commune], conformité. 

 

 

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