Archives

Minima sociaux - L'API et la Paje sont-elles des "trappes à chômage" ?

Alors que la question de la réforme des minima sociaux retrouve sa place au coeur de l'actualité - avec en particulier le débat parlementaire sur l'expérimentation du revenu de solidarité active (RSA) -, le Centre d'études de l'emploi (CEE) publie un rapport sur les familles monoparentales en France. L'originalité de l'approche du CEE - établissement public administratif placé sous la double tutelle des ministères chargés du Travail et de la Recherche - est de dépasser la seule dimension sociale de la question pour aborder ses implications en termes d'emploi.
L'étude rappelle tout d'abord que le nombre de familles monoparentales a plus que doublé en quarante ans, passant de 680.000 en 1962 à près de 1,5 million lors du recensement de 1999. A cette émergence quantitative a correspondu, au début des années 70, une reconnaissance des familles monoparentales en tant que catégorie de l'action publique, avec la mise en place de dispositifs spécifiques (allocation de parent isolé 'API'). Les familles monoparentales présentent un certain nombre de traits dominants : mères seules de plus de 35 ans avec peu d'enfants, niveau de diplôme inférieur à celui de l'ensemble des ménages et situation d'isolement consécutive, dans les trois quarts des cas, à une séparation. Ces caractéristiques les exposent à un risque élevé de pauvreté avec, pour certaines d'entre elles, des phénomènes de cumul de vulnérabilités : forte exposition au chômage, faible revenu, précarité du logement...
Ces éléments caractéristiques de la majorité des familles monoparentales sont déjà bien connus des caisses d'allocations familiales et des services sociaux des collectivités. Mais l'étude du CEE devient plus iconoclaste lorsqu'elle aborde la question de l'impact des prestations versées aux familles monoparentales. Tout en justifiant l'existence d'une garantie de revenu et en plaidant pour un rapprochement entre le RMI et l'API, les auteurs font valoir que "lorsque les ressources des parents seuls proviennent principalement des prestations sociales, le problème est bien de favoriser la sortie de ces prestations, ce qui implique un renforcement des dispositifs d'insertion et un accompagnement de ces parents vers l'emploi". Ce problème se pose notamment pour l'API, mais aussi pour la prestation d'accueil du jeune enfant-complément de libre choix d'activité (Paje-CLCA), "car l'incitation à l'activité professionnelle de ces dispositifs reste faible, et leur effet désincitatif important". L'étude souligne également l'effet pervers involontaire de ces prestations, qui aboutit à "envisager ces mères (éventuellement des pères) non comme des travailleuses, mais comme des mères pour lesquelles travailler devient une option, et élever ses enfants un 'choix' ou une 'solution' temporaire à la précarité".

 

Jean-Noël Escudié / PCA