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Accès aux soins - L'Assemblée adopte une version très expurgée de la proposition de loi sur les déserts médicaux

L'Assemblée nationale a adopté, le 31 janvier, la proposition de loi pour des mesures d'urgence contre la désertification médicale. Mais, suivant en cela la position de sa commission des affaires sociales quelques jours plus tôt, la version adoptée n'a plus grand chose à voir avec le texte déposé par Guillaume Garot, député de la Mayenne, et le groupe Socialistes et apparentés. Les six articles initiaux ont en effet été réduits à un seul, le groupe LREM ayant notamment rejeté les articles qui instauraient des dispositions contraignantes pour l'installation des médecins. A ce titre, cette proposition de loi constitue un nouvel épisode de l'opposition tranchée et récurrente, en matière de lutte contre les déserts médicaux, entre les "coercitifs" et les "incitatifs".

Pas de conventionnement sélectif

Dans sa version initiale, la proposition de loi prévoyait l'instauration d'un dispositif de conventionnement sélectif pour les médecins libéraux, dans des zones définies par les partenaires conventionnels (assurance maladie et syndicats représentant les professionnels concernés), ou à défaut par les ARS après concertation des syndicats médicaux. Une mesure revenant à interdire de fait l'installation sur des territoires où existe déjà "une offre de soins à un niveau particulièrement élevé" (sauf pour remplacer un médecin déjà installé et partant en retraite). Cette disposition a été écartée en commission, comme en séance publique.

Au final seul demeure un article - incitatif - facilitant les aides apportées aux médecins exerçant dans les zones sous-dotées, par le biais de "médecins adjoints", de confrères exerçant dans des villes voisines ou d'étudiants en médecine. Un amendement du groupe LREM a ajouté une mesure permettant aux habitants de ces territoires de saisir le conciliateur de la caisse primaire d'assurance maladie (Cpam) pour trouver un médecin traitant. Une disposition qui laisse quelque peu sceptique au regard du positionnement et du rôle de ces conciliateurs.

Des "dispositions séduisantes", mais qui ne marchent pas

Lors de la discussion, Guillaume Garot, qui rapportait son texte, a estimé que les "inégalités criantes" en matière de désertification médicale font partie des sujets mis en lumière par la crise des gilets jaunes. S'appuyant sur le dernier "Atlas démographique" publié par le conseil national de l'Ordre des médecins (voir notre article ci-dessous du 6 décembre 2018), il a affirmé que "le problème n'est pas seulement aujourd'hui, il est devant nous". L'Atlas prévoit en effet une baisse du nombre de médecins généralistes de l'ordre de 7% d'ici à 2025.

Pour sa part, Agnès Buzyn a confirmé que la question "fondamentale" de l'égalité à l'accès aux soins résonne "avec force avec le contexte social que nous connaissons". Mais elle a affirmé que le projet de loi Santé - qui doit être présenté au conseil des ministres du 13 février et soumis au Parlement au printemps -, "est tout entier construit" en ce sens (voir notre article ci-dessous du 23 janvier 2019). Le projet de loi ne comporte pas de dispositions spécifiques sur les généralistes et la lutte contre les déserts médicaux, mais il prévoit une importante réforme des études médicales (suppression du "numerus clausus", du concours de fin de première année et mise en place d'un classement national des internes), ainsi que les grandes lignes de la réforme des hôpitaux locaux (qui fera l'objet d'une ordonnance).

La ministre des Solidarités et de la Santé s'est dite "sceptique" face aux mesures coercitives à l'installation "qui paraissent très séduisantes sur le papier", mais qui ne marchent pas et peuvent même avoir des effets "déstabilisants" (par exemple sur le coût de revente des cabinets médicaux et des clientèles dans les zones à forte densité, qui les rendraient inaccessibles aux jeunes médecins). A l'inverse, la ministre estime qu'il est "prématuré et excessivement sévère" de considérer les mesures incitatives comme inefficaces.

Cette position rejoint totalement celle de son prédécesseur durant tout le quinquennat de François Hollande, Marisol Touraine, qui a fait écarter à plusieurs reprises des propositions de loi du même type. A l'époque, le groupe Socialiste votait contre ces propositions de loi.

Références : Proposition de loi pour des mesures d'urgence contre la désertification médicale (adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 31 janvier 2019).
 

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