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Entrepreneuriat social - L'Assemblée nationale adopte le projet de loi sur l'économie sociale et solidaire

Après les sénateurs, les députés ont adopté à leur tour, le 20 mai 2014, le projet de loi de développement de l'économie sociale et solidaire. Ils ont apporté des modifications concernant les missions des instances de l'économie sociale et solidaire, la définition de l'innovation sociale et du commerce équitable, ainsi que des mesures de simplification pour les associations. Les régions pourront contractualiser avec une agence de développement de l'ESS. En revanche, le rôle des maisons de l'emploi en matière de clauses sociales a disparu.

L'Assemblée nationale a adopté le 20 mai 2014 par 314 voix pour, 165 contre et 50 abstentions le projet de loi de développement de l'économie sociale et solidaire. Le texte a été examiné par la commission des affaires économiques, et six autres commissions* s'en sont saisies pour avis.
Les députés ont apporté quelques modifications au texte initial. Premier point : une répartition des missions plus claire entre la chambre française de l'ESS, créée par le projet de loi et les chambres régionales de l'ESS. Ainsi la chambre française de l'ESS sera chargée d'assurer la représentation politique de l'ESS, tandis que les chambres régionales continueront d'assurer les missions opérationnelles de développement. Le développement disparaît donc des missions de la chambre française de l'ESS. Par ailleurs, les députés ont souhaité retirer des missions de la chambre française de l'ESS celle consistant à consolider les données économiques et sociales recueillies par les chambres régionales de l'ESS, la mission relevant davantage du Conseil national des chambres régionales de l'ESS (CNCRES).
Autre modification apportée par les députés : la possibilité pour les régions de charger une agence de développement spécifique du développement économique territorial de l'ESS, dans le cadre d'une contractualisation. L'amendement gouvernemental précise que "dans plusieurs régions se sont mises en place, depuis de nombreuses années, en lien avec les différents réseaux et acteurs du territoire des agences régionales de développement chargées de l'animation et du développement de l'ESS sur leur territoire". L'amendement, résultat d'un travail effectué en lien avec l'Association des régions de France (ARF), propose que les régions s'appuient sur ces structures.

Les maisons de l'emploi et les clauses sociales

A l'inverse, les députés ont choisi de supprimer les maisons de l'emploi et les plans locaux pluriannuels pour l'insertion et l'emploi (Plie) de l'article 9, concernant les clauses sociales. La version initiale de l'article proposait que "dans chaque région soit conclue une convention entre le représentant de l'Etat et un ou plusieurs organismes, tels que les maisons de l'emploi ou les personnes morales gestionnaires des Plie". Ces structures ont pourtant réalisé un travail important pour favoriser le recours aux clauses concourant à l'intégration sociale et professionnelle de travailleurs handicapés ou défavorisés. Un réseau de facilitateurs de clauses sociales a ainsi été mis en place par Alliance Villes Emploi (AVE) depuis 2007. D'après l'exposé de l'amendement en question, cette mention "ne se justifie pas dans la mesure où l'efficacité réelle des maisons de l'emploi et des Plie est, pour le moins, sujette à discussion, comme l'a rappelé par exemple le rapport d'information de notre collègue Monique Iborra de juin 2013 consacré au service public de l'emploi".
Les députés ont aussi précisé les définitions concernant les entreprises sociales et solidaires, l'innovation sociale et le commerce équitable. Ils ont ainsi proposé de faire de la contribution au développement durable une condition à part entière pour qu'une entreprise puisse être considérée comme poursuivant un objectif d'utilité sociale, au même titre que la contribution au soutien à des personnes en situation de fragilité (contribution sociale), à la lutte contre les exclusions et les inégalités sanitaires, sociales, économiques et culturelles, à l'éducation à la citoyenneté et à la préservation et au développement du lien social.

Une réflexion sur le financement des entreprises de l'ESS

Les députés ont aussi souhaité préciser ce qu'on entend par innovation sociale. Cela concerne des projets d'une ou plusieurs entreprises consistant à offrir des produits ou services présentant l'une des caractéristiques suivantes : répondre à des besoins sociaux non ou mal satisfaits, ou répondre à des besoins sociaux par une forme innovante d'entreprise, par un processus innovant de production de biens ou de services, ou encore par un mode innovant d'organisation du travail. Pour le commerce équitable, les députés ont voulu préciser qu'il devait aussi se développer et être encadré entre pays développés. Une précision qui permet d'éviter de restreindre le commerce équitable aux échanges entre les pays du sud, pauvres, et les pays du nord…
En matière de financement de l'ESS, les députés donnent la possibilité à des fonds d'investissement solidaires de droit français, bénéficiant du nouveau label européen de fonds d'entrepreneuriat social, de collecter de l'épargne longue auprès d'investisseurs institutionnels. Ces fonds devront investir au moins 70% de leurs actifs dans des entreprises sociales. Les députés ont enfin proposé d'ajouter aux missions du conseil supérieur de l'ESS et de la chambre française de l'ESS une réflexion sur le financement des entreprises du secteur, "en lien avec la banque publique d'investissement". 500 millions d'euros sont censés être fléchés vers cette économie au sein de bpifrance.
Plusieurs mesures ont été adoptées concernant les associations. Les députés ont ainsi habilité le gouvernement à simplifier par ordonnances les démarches des associations et fondations auprès des administrations, pour les faire bénéficier du "choc de simplification" (sur le sujet, voir notre article du 16 mai 2014). Enfin, ils ont  transformé le volontariat de service civique, réservé aux plus de 25 ans, en volontariat associatif.
Le texte repassera en deuxième lecture au Sénat, à partir du 27 mai en commission des affaires économiques, puis les 4 et 5 juin en séance publique, pour une adoption avant la suspension des travaux en juillet.

Emilie Zapalski

* Commissions des affaires culturelles et de l'éducation, du développement durable et de l'aménagement du territoire, des affaires sociales, des affaires étrangères, des finances, et des lois constitutionnelles.