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Développement durable - L'Assemblée nationale dans le grand bain de l'"économie bleue"

L'Assemblée nationale a commencé le 2 février l'examen en première lecture d'une proposition de loi socialiste sur l'"économie bleue". Le texte, qui comporte de nombreuses mesures techniques et juridiques, entend accroître les bénéfices tirés par la France de l'activité maritime, tout en affichant le souci de l'environnement. Dotée du deuxième domaine maritime mondial (étendu de 579.000 km2 depuis fin septembre), l'Hexagone compte plus de 300.000 emplois directs dans l'économie maritime et en tire 60 à 70 milliards d'euros de chiffre d'affaires par an, autant que l'automobile et deux fois plus que l'aéronautique, ont souligné plusieurs élus.

Simplification et clarification

Mais des changements législatifs sont nécessaires "face à une concurrence internationale qui devient de plus en plus rude" et face à "un effacement maritime français préoccupant", avec "une réduction préoccupante du nombre d'emplois" dans certains secteurs ou une forte baisse du nombre de navires de commerce, selon le rapporteur, Arnaud Leroy, membre de la commission du développement durable. "Dans les pas" d'autres pays européens, la France travaille "par touches successives" à construire "une vraie politique maritime afin de tirer de ces espaces un bénéfice économique et stratégique, tout en prenant en compte les nécessités liés à la protection de l'environnement" et les "conflits d'usage", selon ce député PS des Français de l'étranger (Espagne, Portugal, etc.), spécialiste de sécurité maritime.
Des armateurs aux conchyliculteurs, le texte d'une vingtaine d'articles préparé de longue haleine par Arnaud Leroy - il est l'auteur du rapport "Osons la mer" remis en novembre 2013 - entend donc répondre aux besoins de "simplification, de clarification et de financement" de plusieurs secteurs. Il compte, entre autres, clarifier les procédures de jauge des navires, ouvrir le registre international français (RIF) à la grande pêche et aux lignes passagers internationales. Autre objectif affiché : poursuivre la modernisation de la gouvernance des ports, en renforçant la représentation de la région au sein du conseil de surveillance des grands ports maritimes, en créant une commission des investissements au sein du conseil de développement de ces ports et en assouplissant les conditions permettant de créer des conseils de coordination interportuaire. La proposition de loi vise aussi à modifier le régime d'emploi des gens de mer ou encore à favoriser l'essor de l'aquaculture ainsi que des énergies marines renouvelables.

Prévention des risques liés aux submersions marines

Parmi les dispositions intéressant les collectivités territoriales, les députés ont renforcé, lors de l'examen du texte en commission, la compatibilité des documents de planification – en l'occurrence les schémas de cohérence territoriale (Scot) - avec les mesures prévues dans les schémas régionaux de développement de l'aquaculture marine (SRDAM). Ils ont également ajouté des dispositions visant à mieux prendre en compte la prévention des risques naturels liés aux submersions marines dans la politique en faveur du littoral mais aussi dans les documents d'urbanisme pour la détermination des capacités d'accueil des espaces urbanisés ou à urbaniser. Ils ont aussi adopté un nouvel article pour permettre l'élargissement de la bande littorale de cent mètres en cas de risque de submersion marine et supprimer la limite des étiers et des rus, en amont de laquelle ne s'appliquent pas certaines dispositions de la loi Littoral.
Cette proposition de loi "ambitieuse" mais à "l'esprit d'équilibre" marquera "une étape importante" dans le sillage de l'action gouvernementale depuis 2012, a estimé le secrétaire d'Etat aux Transports, à la Mer et à la Pêche, Alain Vidalies, lors de la discussion générale, le 2 février. Il a aussi noté que le Premier ministre vient de mandater six parlementaires en mission, "répartis également entre majorité et opposition", "pour élaborer au cours des six prochains mois des propositions concrètes en faveur du développement des axes situés dans l'hinterland de nos trois principales places portuaires de trois grands ports : Le Havre, Marseille et Dunkerque." Décidés à s'abstenir sur le texte, les députés Les Républicains ont regretté "encore une occasion manquée" avec un texte relevant plus du "catalogue de mesures administratives", selon Christophe Priou, que de réformes structurelles, comme sur le "statut des marins" ou le "coût du travail", évoqués par Yannick Moreau. Au nom de l'UDI, favorable à un texte avec plusieurs mesures allant "dans le bon sens", Stéphane Demilly a cependant jugé la proposition de loi "loin du grand texte" attendu.
Satisfaits d'une "avancée majeure", les écologistes ont néanmoins regretté que la proposition de loi n'aille pas plus loin en faveur de l'environnement. Ils ont plaidé, en vain, pour une transparence accrue des subventions aux pêcheurs, le secrétaire d'Etat dénonçant une "suspicion choquante", riposte appréciée à droite. Plutôt contre, les élus Front de Gauche ont déploré "la continuité de la course à la compétitivité au détriment des gens de mer et des enjeux environnementaux". Les élus ultra-marins, comme Serge Letchimy, ont plaidé pour un effort accru pour les DOM-TOM, qui "captent trop peu d'emplois liés à la richesse halieutique", selon Erika Bareigts.