L'Assemblée nationale dit non à l'"objectif d'évolution des dépenses locales"

Examinant le 11 octobre jusque tard dans la nuit le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027, les députés ont majoritairement rejeté les deux articles instaurant un "objectif d’évolution des dépenses locales de fonctionnement" des collectivités.

Les oppositions parlementaires ont détricoté le projet de loi de programmation budgétaire 2023-2027 lors de l'examen du texte en séance à l'Assemblée mardi 11 octobre au soir, avec le rejet de plusieurs articles clé. Dont les articles 16 et 23 portant sur la maîtrise de l'évolution des dépenses de fonctionnement des collectivités locales. Le vote solennel est prévu le 25 octobre.

"Ce qui s'est passé ici ce soir est grave !", s'est indigné le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, au terme du débat dans un tumulte général, jugeant qu'une "coalition de l'irresponsabilité a renvoyé l'image d'un pays qui est incapable de se fixer comme objectif de maîtriser sa dépense publique". "Vous n'avez pas de leçon à nous donner !", a par exemple rétorqué la députée LR Véronique Louwagie qui avait pourtant proposé à l'exécutif "un plan de sobriété bureaucratique", indiquant que son groupe avait voté contre certains articles car "la trajectoire de baisse de la dépense publique est insuffisante". Le rapporteur général du budget, Jean-René Cazeneuve, avait pour sa part assuré que ce texte permettait de ne pas "ralentir trop brutalement notre trajectoire" pour éviter une hausse du chômage et un ralentissement de la croissance.

Le débat sur ce projet de loi de programmation des finances publiques, qui avait été rejeté par la commission des finances il y a une semaine – c'est donc le projet de loi initial qui était présenté en séance –, avait pourtant commencé sans accroc pour la majorité, qui a rejeté dans un premier temps tous les amendements de l'opposition et approuvé la trajectoire de réduction du déficit sous les 3% d'ici 2027. La tendance s'est inversée après la reprise des débats à 21h30, les revers pour le gouvernement se succédant article après article, souvent sous les hourras de l'opposition. Sept sur 26 ont été rejetés, un huitième ayant purement et simplement été supprimé par les députés.

Le premier article rejeté, par 157 voix contre 149, fixait la stabilité des effectifs de la fonction publique sur le quinquennat. La trajectoire de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) n'a pas trouvé grâce non plus auprès des députés (190-188). La majorité a également été mise en minorité (184-194) sur l'article fixant les budgets alloués aux missions de l'État, puis sur trois articles concernant les collectivités.

"Vous déclarez la guerre aux collectivités locales", s'est emporté le PCF Sébastien Jumel. "En refusant l'article 16, l'Assemblée nationale dira son attachement aux collectivités territoriales de la République", a renchéri le PS Philippe Brun. "Cessons d'opposer l'État aux collectivités", a répondu Gabriel Attal. "La réalité c'est qu'ils sont là l'un pour l'autre (...). Pendant la crise Covid, les collectivités étaient bien contentes que l'État puisse venir les soutenir ! Dix milliards d'euros de soutien direct", a-t-il rappelé.

C'est cet article 16 qui prévoit un "objectif d’évolution des dépenses locales de fonctionnement" pour l’ensemble des collectivités sur la période 2023-2027, avec une trajectoire correspondant à l’inflation anticipée, minorée de 0,5 point chaque année. Autrement dit une baisse en volume des dépenses réelles de fonctionnement de 0,5% par an. Le score de cet article : 194 voix pour, 215 voix contre.

Même sort pour l'article 23, qui vient compléter l'article 16 en déclinant les modalités prévues pour chaque strate de collectivités : comment est assuré le suivi de l'objectif, ce qui se passe en cas de non‑respect de cet objectif pour une catégorie donnée…

En commission des finances déjà, les critiques étaient venues de toutes parts. Charles de Courson (LIOT) avait "pris le pari" qu'après "l'échec" des contrats de Cahors, "le dispositif prévu par l’article 23 sera aussi un échec". "Les dépenses de fonctionnement ne sont pas des dépenses inutiles : elles permettent de faire fonctionner les services publics locaux, à un moment où la crise exacerbe les besoins en matière de solidarité. Vous allez mettre les collectivités en difficulté, alors qu’elles le sont déjà grandement", avait argué Marianne Maximi (LFI). "Le processus, qui accorde du temps aux collectivités, n’est pas du tout coercitif mais collaboratif", avait contre-argumenté Jean-René Cazeneuve.

Même teneur en séance. "L’article 23 pose les relations entre l’État et les territoires sur un mode que nous n’apprécions nullement. Que chacun participe à l’effort budgétaire commun, cela se comprend. Mais poser le débat en termes de sanctions et de contraintes ne me semble pas la meilleure formule", a par exemple déclaré Michel Castellani (LIOT). S'en sont suivis des débats houleux, des présentations d'amendements… et un vote dans le brouhaha.

Le gouvernement avait pourtant fait plusieurs pas pour répondre aux demandes des collectivités concernées par le dispositif de maîtrise des dépenses. Ainsi, Gabriel Attal avait pris l'engagement que les dépenses liées aux allocations individuelles de solidarité seraient retirées des dépenses de fonctionnement prises en compte. Et avait laissé entendre que d'autres dépenses pourraient de même être "retraitées", dépenses dont la liste ferait l'objet d'un décret.

 

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