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Politique publique de l'eau - Le CESE plaide pour plus de transparence en faveur des usagers

Un projet d'avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) présenté ce 12 mai formule une série de propositions pour que la politique publique de l'eau réponde mieux aux besoins des usagers domestiques.

Factures trop souvent difficiles à décrypter pour les usagers, méconnaissance des indicateurs de performance sur les différentes étapes du cycle de l'eau, problèmes de gestion de la ressource dans certains territoires, retards en matière d'assainissement, débat récurrent sur le prix du service de l'eau... : dans un projet d'avis examiné ce 12 mai en séance plénière, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a passé au crible plusieurs points sensibles de la politique de l'eau restés en suspens depuis l'adoption de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques (Lema) de décembre 2006.
Centré sur les usages domestiques de l'eau, le texte qui doit être voté ce 13 mai propose d'abord de "renforcer l'évaluation, la transparence et la gouvernance au bénéfice de l'usager". "La Lema précise que les collectivités doivent fournir un rapport annuel sur le service de l'eau s'appuyant sur 29 indicateurs de performance qualitatifs et quantitatifs, a expliqué Paul de Viguerie, rapporteur du projet d'avis au nom de la section cadre de vie du CESE. Malgré cette analyse de plus en plus fine, le consommateur garde une impression de flou et a toujours du mal à lire la facture qu'il reçoit."
Le CESE incite donc les collectivités organisatrices à s'investir dans la collecte de ces indicateurs pour obtenir une vision homogène dans la durée et à veiller à l'homogénéité des procédures pour parvenir à un diagnostic partagé entre acteurs permettant un vrai débat public sur l'eau. De son côté, l'usager doit être en mesure d'évaluer l'état de son réseau privatif et de ses équipements. Le CESE propose donc de mettre en place un diagnostic "réseau domestique" portant sur l'état des réseaux privatifs, obligatoire pour toute cession immobilière à compter de 2011 et finançable par crédit d'impôt. Le Conseil préconise aussi d'introduire dans la facture d'eau un indicateur moyen de consommation à l'échelle du territoire de la collectivité maître d'ouvrage et de faire figurer sur cette même facture la répartition du montant facturé entre collectivités, opérateurs et autres organismes bénéficiaires. Toujours dans l'optique d'améliorer la transparence et la gouvernance au bénéfice de l'usager, il insiste sur la nécessité de généraliser la création de commissions consultatives des services publics locaux (CCSPL) dans toutes les collectivités gestionnaires de services d'eau. Il souhaite également que les missions de la Commission nationale du débat public (CNDP) soient élargies à la gestion des usages comme de la ressource et que le débat public soit organisé à partir de cette instance, avec le concours et l'appui de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema) et du Comité national de l'eau. Pour obtenir une réversibilité effective des modes de gestion, le Conseil recommande que les assemblées délibérantes procèdent, au regard des indicateurs, à chaque renouvellement de mandat, à un examen des contrats de délégation de service public ou de fonctionnement des régies.

 

Soutiens accrus aux Spanc

Au chapitre de la préservation de la ressource en eau, le CESE s'est penché sur l'utilisation domestique de l'eau de pluie. Du fait de l'interconnexion des réseaux et des risques de contamination, la question fait aujourd'hui débat pour des raisons sanitaires. Le Conseil préconise donc d'évaluer le rapport coût/efficacité du crédit d'impôt finançant les installations de récupération et de veiller à assurer la contribution des utilisateurs au financement du réseau collectif où ils rejettent l'eau après usage. Dans les opérations importantes d'urbanisme, il suggère en outre d'étudier l'opportunité de prévoir un réseau spécifiquement dédié à la récupération des eaux de pluie en vue de leur utilisation.
Le Conseil estime que les eaux usées constituent la ressource en eau alternative la plus intéressante à exploiter, en particulier outre-mer et dans tous les territoires confrontés à la rareté de l'eau. Mais il faut pour cela fixer des normes et prévoir des financements affectés pour les collectivités intéressées. Toujours en termes de gestion quantitative de l'eau, le CESE est favorable à l'extension du réseau des retenues collinaires en milieu rural, à condition de les inscrire dans le cadre de véritables projets de gestion concertée des territoires.
Mais la question essentielle aux yeux du CESE reste l'amélioration de la qualité de l'eau. Selon lui, les agriculteurs ont aujourd'hui adopté des pratiques plus favorables et les dispositions du plan "Ecophyto 2018" de réduction des usages de pesticides vont dans le bon sens. Mais d'autres sources de pollutions diffuses - résidus médicamenteux, perturbateurs endocriniens, dérivés d'usages domestiques - sont très préoccupantes et le Conseil soutient la mise en oeuvre des propositions formulées récemment dans le rapport préparatoire du plan national Santé-Environnement (PNSE2).
Il propose par ailleurs d'accompagner la montée en charge des services publics d'assainissement non-collectif (Spanc) qui constituent pour plus de 20% des habitants aujourd'hui, dans les zones rurales et outre-mer, la seule solution d'accès à l'assainissement. Les installations étant coûteuses, le Conseil préconise qu'elles puissent faire l'objet d'un crédit d'impôt spécifique. Il réaffirme en outre la nécessité d'une égalité de traitement entre les systèmes d'assainissement collectif et non-collectif qui doivent pouvoir bénéficier des mêmes taux de subvention de la part des agences de l'eau. Les fonds européens devraient aussi pouvoir être mobilisés, en particulier le Feader au titre de l'axe 3 qui porte sur l'"amélioration de la qualité de la vie". Le CESE propose aussi que les collectivités organisatrices puissent créer des services publics d'assainissement unifiés entre le collectif et le non-collectif afin d'élargir les missions du service et de garantir ses objectifs de protection du milieu récepteur de ses rejets par une gestion mieux coordonnée.

 

Contribution au Fonds de solidarité logement

Concernant la fixation du prix du service public de l'eau et de l'assainissement, véritable serpent de mer de la politique de l'eau, le CESE se contente de réaffirmer quelques principes et de tracer des pistes d'évolution. Il considère ainsi que le prix du service de l'eau fixé par les collectivités locales organisatrices doit demeurer territorialisé. A priori, l'échelon intercommunal s'avère être le niveau de gestion le plus adapté pour la recherche du meilleur prix,  et ce afin de mutualiser de façon aussi efficace que possible la charge des coûts fixes et de fixer clairement les missions et performances du service qui sont les plus adaptés à l'échelon local. L'évolution des missions d'intérêt général confiées aux opérateurs des services d'eau conduit à la remise en question de leur modèle économique, estime par ailleurs le Conseil. Définition plus précise du périmètre du service, mode de rémunération en fonction des performances exigées de l'opérateur, dissociation des volumes vendus des volumes prélevés (dans le cadre de la réutilisation des eaux usées, par exemple) : le projet d'avis présente plusieurs pistes d'évolution. Il recommande aux collectivités et à l'ensemble des parties prenantes d'initier une réflexion  pour mettre en place de nouveaux modes de rémunération des services d'eau et d'assainissement "qui soient cohérents avec l'ensemble de leur mission d'intérêt général". Car cette mission d'intérêt général "ne peut pas être rémunérée par un accroissement des volumes consommés et facturés", insiste-t-il. Enfin, le CESE recommande de mettre en oeuvre la proposition d'André Flajolet, député du Pas-de-Calais et président du Comité national de l'eau prévoyant d'instaurer une contribution au Fonds de solidarité logement (FSL) de l'ordre de 1% du prix du service de l'eau afin de pouvoir financer une aide directe personnalisée aux personnes démunies pour garantir leur accès à l'eau.


Anne Lenormand

 

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