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Concertation - Le Conseil d'Etat dresse le bilan de l'efficacité du débat public

Le Conseil d'Etat a organisé le 27 avril une conférence sur la procédure de débat public, instituée il y a quinze ans par la loi Barnier. Philippe Deslandes, président de la Commission nationale de débat public (CNDP), a rappelé les évolutions qui ont été apportées au fonctionnement de cette structure par la loi de 2002 sur la démocratie de proximité (transformation en une autorité administrative indépendante) puis par la loi Grenelle 2 (élargissement de sa composition, gouvernance à cinq). "La première loi négligeait la période de l'après-débat mais la seconde a précisé les suites qui peuvent être données aux débats." Dans son déroulement, le débat se traduit par des réunions publiques - une dizaine en moyenne - rassemblant de 2.000 à 3.000 participants. Record battu avec le débat sur le Grand Paris, qui a donné lieu à 67 réunions, coûté 6 millions d'euros (contre 1 million en moyenne) et réuni plus de 17.000 participants dont de nombreux élus. "Ils monopolisaient quelque peu le débat, si bien qu'on a dû leur rappeler que ce n'était pas un débat entre élus !", a souligné Philippe Deslandes.
Roland Peylet, président adjoint de la section Travaux publics du Conseil d'Etat, a rappelé que ces débats publics s'inscrivent dans un plus vaste champ de procédures participatives, "qui sont encore jeunes et prendront de l'ampleur dès l'an prochain". Selon lui, la souplesse permise dans l'organisation des débats a pour revers de "laisser peu de prise au juge, un peu plus de formalisme pour renforcer le dispositif serait donc bienvenu". Les deux intervenants s'accordent en tout cas sur le progrès qu'a apporté la procédure en termes de démocratie participative. "Seule une petite partie de la population y participe mais, malgré tout, tout débat apporte de précieuses indications sur l'acceptabilité sociale d'un projet", précise Philippe Deslandes.

"Un arbitre sans sifflet"

"La commission a un rôle d'arbitre. Mais c'est un arbitre sans sifflet, qui ne peut se prononcer sur le fond du projet. Un débat public est une sorte de forum où le maître d'ouvrage tient le rôle du chef d'orchestre, qui décide in fine", a critiqué Alexandre Faro. Cet avocat associé au cabinet Faro & Gozlan est intervenu dans plusieurs débats dont celui sur le projet d'aéroport Grand Ouest de Notre-Dame-des-Landes. Il regrette que des débats s'organisent alors que des décisions sont déjà actées. "Qu'ils prennent l'allure d'exercices de communication publique est une entorse au principe de neutralité de la CNDP." Pour lui, l'instance rate le coche de débats sociétaux importants, par exemple sur les gaz de schiste. "La loi l'autorisait à intervenir sur des plans ou programmes environnementaux mais aucun décret d'application ne l'a confirmé. C'est resté lettre morte, alors que pour les plans régionaux de la qualité de l'air ou les plans départementaux d'élimination des déchets, organiser un débat serait sûrement pertinent."
Un point de vue que Cécile Blatrix, professeur de science politique à AgroparisTech, ne partage pas. "Loin d'être une simple formalité, ces débats font évoluer certains projets." Elle ajoute : "Le débat public s'est forgé à partir des lacunes des enquêtes publiques. Sa souplesse tranche avec leur formalisme. Dans la recherche en sciences sociales et politiques, il y a un certain désintérêt pour ces enquêtes qui sont pour ainsi dire jugées ringardes. La loi Grenelle 2 a simplifié le cadre du débat public. Mais attention à ce que la procédure ne perde pas sa substance. Il est important que la CNDP reste une institution forte, visible et lisible."

 

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