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Le Conseil d'État encadre l'autorisation de changement d'affectation des locaux d'habitation

Un arrêt du Conseil d'État apporte des précisions sur l'autorisation, délivrée par les communes, de changement d'affectation d'un local d'habitation : "en l'absence d'autorisation de changement d'affectation ou de travaux postérieure, un local est réputé être à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970".

Dans un arrêt du 5 avril 2019, le Conseil d'État apporte des précisions sur la mise en œuvre de la réglementation applicable au changement d'affectation des locaux à usage d'habitation. Celle-ci est prévue par l'article L.631-7 du Code de la construction et de l'habitation (CCH), précisant notamment que "constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L.632-1 ou dans le cadre d'un bail mobilité [...]". Le même article précise aussi qu'"un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve".

Un courrier du maire qui fait échouer la vente

Dans l'affaire jugée par le Conseil d'État, M. B., avait signé une promesse de vente pour le rez-de-chaussée d'un immeuble dont il était propriétaire à Neuilly-sur-Seine. Consulté par le notaire chargé de la vente, le maire de Neuilly avait alors indiqué "qu'il s'agissait d'un bien à usage de remise et de garage qui n'était pas à usage professionnel, commercial ou industriel, précisant que ce local avait fait l'objet le 11 mars 1982 d'un procès-verbal à raison de sa transformation sans autorisation en local commercial et que l'affectation de ce local ne pouvait être modifiée". Une réponse qui avait mis un terme à la tentative de vente et incité M. B. à saisir la justice administrative en vue de condamner la commune de Neuilly à lui verser une indemnité de 400.380,17 euros majorée des intérêts au taux légal en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait des informations erronées mentionnées dans la lettre du maire.

Dans un premier temps, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise rejette la demande. Mais, par un arrêt du 23 février 2017, la cour administrative d'appel de Versailles annule ce jugement et condamne la commune de Neuilly à verser à M.B. la somme - nettement plus modeste - de 78.237 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2012.

Une présomption d'affectation à usage d'habitation

Saisi par la ville de Neuilly, le Conseil d'État annule l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles. La décision commence par  rappeler que l'autorisation préalable à un changement d'affectation d'un local à usage d'habitation est, selon l'article L.631-7 du CCH (créé par l'ordonnance du 8 juin 2005 relative au logement et à la construction), "applicable aux communes de plus de 200.000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne".

Ce même article précise que "les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés [...]". Or, pour le Conseil d'État, "il résulte des termes mêmes de cet article qu'en l'absence d'autorisation de changement d'affectation ou de travaux postérieure, un local est réputé être à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sans qu'il y ait lieu de rechercher si cet usage était fondé en droit à cette date. En revanche, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'attacher pareilles conséquences au constat, au 1er janvier 1970, de l'affectation d'un local à un autre usage que l'habitation".

Pour donner raison à M.B., la cour administrative d'appel de Versailles s'était fondée sur les circonstances que le local litigieux était affecté à un usage commercial depuis 1963, qu'il avait été répertorié comme local à usage commercial lors de la révision foncière de 1970 et qu'il n'avait pas été réaffecté à l'habitation après cette date. Mais, "en se fondant ainsi sur le seul constat de l'affectation du local à un autre usage que l'habitation au 1er janvier 1970, et en écartant le moyen tiré de l'absence de régularisation de l'affectation sans autorisation à usage commercial de ce local initialement destiné à l'habitation, la cour administrative d'appel a méconnu la portée des dispositions de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation [...] et entaché son arrêt d'erreur de droit".

Référence : Conseil d'État, arrêt n°410039 du 5 avril 2019, M. B., commune de Neuilly-sur-Seine (mentionné dans les tables du recueil Lebon).