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Habitat - Le Conseil d'État valide la définition du "logement décent"

Dans un arrêt très attendu du 20 décembre 2018, le Conseil d'État valide la définition du "logement décent", telle qu'elle a été précisée par le décret du 9 mars 2017 modifiant le décret 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour application de l'article 187 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi SRU). Le Conseil d'État avait été saisi d'un recours émanant à la fois d'associations de défense de l'environnement (France Nature Environnement, Cler - Réseau pour la transition énergétique), d'acteurs de la solidarité (fondation Abbé-Pierre) et d'associations de consommateurs (UFC Que Choisir).

Une méconnaissance de la loi de 1989 ?

Les requérants réclamaient l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 9 mars 2017 et demandaient au Conseil d'État d'enjoindre au Premier ministre et aux ministres concernés de prendre un nouveau décret pour l'application de l'article 12 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Ils faisaient valoir pour cela deux arguments principaux. D'une part, le décret du 9 mars 2017 méconnaîtrait les dispositions de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 (dans sa rédaction résultant de l'article 12 de la loi du 17 août 2015). Cet article précise en effet que "le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent [...] répondant à un critère de performance énergétique minimale [...]" et qu'"un décret en Conseil d'Etat définit le critère de performance énergétique minimale à respecter et un calendrier de mise en œuvre échelonnée".

D'autre part, les requérants invoquaient la méconnaissance de la directive européenne du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des bâtiments, prévoyant notamment que "les États membres prennent les mesures nécessaires pour garantir que des exigences minimales en matière de performance énergétique des bâtiments ou des unités de bâtiment soient fixées en vue de parvenir à des niveaux optimaux en fonction des coûts [...]".

Pas d'obligation d'un indicateur unique et quantifiable

Dans son arrêt, le Conseil d'État ne suit pas ces arguments et valide ainsi le décret du 9 mars 2017. Il considère en effet que "contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les dispositions législatives [...] n'imposaient pas au pouvoir réglementaire de définir le critère de performance énergétique permettant de qualifier un logement donné à bail de décent par référence à un indicateur unique et chiffré ou quantifiable ; qu'il lui était loisible de retenir à cette fin plusieurs critères qualitatifs [...]".

Le Conseil d'État juge également "que les critères qualitatifs ajoutés par le décret attaqué, qui visent à garantir une étanchéité à l'air et une ventilation minimales du logement, ne sont pas étrangers à la garantie de l'effectivité du droit à un logement décent ; que le décret attaqué a pu légalement retenir, pour définir le 'critère de performance énergétique' [...], un parti différent de celui retenu par le pouvoir réglementaire pour assurer l'application de l'article 13 de la même loi, qui prévoit que les organismes d'habitations à loyer modéré ne peuvent céder que les logement répondant à des 'normes de performance énergétique minimales' fixées par décret".

Ne pas confondre la définition du logement décent et les normes HLM

Sur le moyen relatif à la directive européenne, l'arrêt reconnaît certes que "les États membres sont tenus d'imposer le respect de normes minimales de performance énergétique lors de la construction des bâtiments neufs et de la rénovation des bâtiments existants". Mais, en l'espèce, le décret du 9 mars 2017 "n'a pas pour objet de définir les normes de performance énergétique applicables en cas de construction ou de rénovation de bâtiments, mais de définir les critères de performance énergétique dont la satisfaction permet à un logement donné à bail d'être regardé comme décent au sens de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 ; que, dès lors, et en tout état de cause, les requérantes ne peuvent utilement soutenir que ce décret méconnaîtrait les objectifs de la directive faute de recourir à la méthode de calcul de la performance énergétique qu'elle prévoit en son article 3".

Référence : Conseil d'État, 5e et 6e chambres réunies, arrêt n° 414123 du 20 décembre 2018.