Archives

Le député Gilles Carrez invite le ministère de la Culture à descendre un peu dans les villes moyennes

Considérant qu'Action Cœur de ville ne peut se faire sans le ministère de la Culture, le député Gilles Carrez propose qu'il dispose de crédits spécifiques au programme, qu'il mandate explicitement les Drac pour qu'elles dispensent leurs conseils en ingénierie aux collectivités et qu'il adapte le dispositif Malraux à la revitalisation des centres-villes des villes moyennes en complément du "Denormandie dans l'ancien".

Le ministère de la Culture prendrait-il de haut les villes moyennes, y compris celles dont les centres-villes sont pourvus d'un riche patrimoine ? Le député Gilles Carrez avait déjà souligné l'année dernière, dans deux rapports spéciaux, "la disproportion entre les crédits du ministère de la culture dirigés vers l’Île-de-France et ceux qui irriguent le reste du territoire national" (rapport dans le cadre du PLF 2019 ; et dans le cadre de l'approbation des comptes 2018). Il réitère cette année en s'intéressant tout particulièrement "à l’utilisation de la politique patrimoniale (de l'État) comme outil de lutte contre la fracture territoriale, en particulier à travers le soutien apporté aux villes moyennes et à la redynamisation de leur centre-ville". Son rapport se situe dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018, en annexe 12, dans un chapitre intitulé "Revitalisation des centres-villes : un levier patrimonial à renforcer". 
À lire Gilles Carrez, le ministère de la Culture serait bien avisé de mettre le nez dans les projets de revitalisation engagés dans le programme Action Cœur de ville, pour préserver sa philosophie de préservation-valorisation du patrimoine, et éviter qu'ils ne lui échappent tout à fait.

Vers des crédits spécifiques "Coeur de ville ?

Mais d'abord un constat encourageant : "Alors que la protection du patrimoine a longtemps été considérée comme un frein à l’adaptation des centres anciens aux besoins des habitants, elle est de plus en plus vue comme un levier pour la revitalisation des centres-villes", se réjouit le député du Val-de-Marne.
Dans ce contexte, il considère que l’action du ministère de la Culture serait plus efficace pour soutenir les projets de revitalisation s’il "disposait de crédits spécifiques à cette fin". Ces crédits "permettraient d’investir prioritairement là où une action concentrée et concertée, avec tous les partenaires, peut permettre d’obtenir des résultats rapidement, en évitant les risques de saupoudrage", estime Gilles Carrez. 
Il s'inquiète à ce propos que le ministère de la Culture ne figure pas parmi les financeurs du programme Action Cœur de ville. Selon lui, cette situation est "de nature à fragiliser sa position dans le dispositif, et avec elle la prise en compte de la spécificité des villes patrimoniales". 

Douze villes à la fois "patrimoniales" et "cœurs de ville"

Pour autant, le ministère n'est pas absent des politiques de revitalisation patrimoniale de centres-villes. Pour preuve, l’expérimentation "Villes patrimoniales", lancée par l'État en 2017 suite à la remise du rapport d’Yves Dauge (voir nos articles ci-dessous) avec l'objectif de "mettre en valeur les quartiers anciens pour favoriser la revitalisation des territoires, la mixité sociale et la lutte contre l’étalement urbain".
L'expérimentation concerne 17 communes* (sur les 600 repérées par Yves Dauge) dont 12 sont d'ailleurs incluses dans le programme Action Cœur de ville (qui en compte 222). Il s'agit de Gien, Romorantin-Lanthenay, Sedan, Chaumont, Lunéville, Longwy, Bar-le-Duc, Saint-Dié-des-Vosges, Guebwiller, Figeac, Villefranche-de-Rouergue et Mende. 
Et sur l'ensemble des 222 villes "Cœur de ville", le ministère de la Culture est bien partie prenante dans la mesure où 30 % ont leur cœur de ville situé en abords de monuments historiques et près de 60 % sont dotées de sites patrimoniaux remarquables (SPM). Celles qui n'ont pas de SPM bénéficient d'une contribution financière du ministère pour la mise en œuvre du programme et les études relatives aux documents de gestion, rapporte le député mais il craint que le volet patrimonial du projet de ces villes ne soit "dilué" dans le dispositif global.

Se poser en amont la question de l’utilisation future des bâtiments 

Gilles Carrez estime qu'il est "indispensable de mener un diagnostic patrimonial dès le début (Ndlr : de toute opération de revitalisation de centre-ville), afin d’identifier ce qui doit être conservé, ce qui peut évoluer ou ce qui peut disparaître et réfléchir à l’utilisation future des bâtiments, à la réintégration des commerces et des logements, sans altérer ce qui fait le caractère patrimonial d’un immeuble". Selon lui, "cette question de l’utilisation future des bâtiments est primordiale dans une démarche de revitalisation" et "il est indispensable qu’elle soit prise en compte dans les analyses des ABF" (voir aussi notre article Un décret met en œuvre les nouveaux pouvoirs des collectivités en matière de périmètres protégés du 24 juin 2019).
Il conseille aux villes, pour "pérenniser la dynamique impulsée par la requalification du bâti et favoriser le tourisme", de s'appuyer sur les nombreux labels délivrés par le ministère : label de la Fondation du patrimoine, réseau de villes Sites et Cités remarquables, labels "ville ou pays d’art et d’histoire", "jardin remarquable", "maisons des illustres", "architecture contemporaine remarquable". "Ces labels peuvent être utilisés par les élus comme des outils de mobilisation de la population", souligne-t-il.

Un rôle de conseil aux collectivités à renforcer

Concernant l'ingénierie de projets patrimoniaux, Gilles Carrez milite pour "préserver, voire renforcer les effectifs des Udap (NDLR : unités départementales de l’architecture et du patrimoine, au sein des Drac), afin que les architectes des bâtiments de France (ABF) retrouvent l’essence de leur rôle, qui est de mener des projets à bien". Les Udap ont selon lui un rôle "primordial" à jouer dans les projets de revitalisation reposant sur une stratégie de mise en valeur du patrimoine. "Elles ont une capacité à apporter des analyses globales, tenant compte de l’ensemble des problématiques, des servitudes de protection à la qualité architecturale", rappelle-t-il. 
Il serait également judicieux, selon lui, que l’administration centrale "exerce davantage un rôle d’impulsion", citant un rapport de mai 2017 de l’inspection générale des affaires culturelles regrettant que "les Drac ne se sentent pas pleinement missionnées sur le sujet de l’urbanisme et de la revitalisation urbaine par leur administration centrale". Un situation qui fait que les Drac "fonctionnent donc pour beaucoup par autosaisine".
Lors de son audition, le président de l’Association nationale des architectes des bâtiments de France (ANABF) aurait d’ailleurs pointé un défaut de pilotage et de diffusion de l’information sur ces questions par l’administration centrale et, d’une manière plus générale, un manque de relations entre l’administration centrale et les Udap.

Adapter le Malraux, en complément du Denormandie 

Le dispositif fiscal "nouveau Malraux" entré en vigueur en 2009 ne serait que "partiellement adapté à la problématique de revitalisation des centres dégradés des villes moyennes", observe Gilles Carrez. D’une part, parce qu'il n’y a pas de correspondance entre les secteurs de rénovation urbaine et les zones éligibles au Malraux qui a avant tout une vocation patrimoniale. D’autre part, parce que le Malraux "ne concerne que les opérations les plus rentables, qui ne se situent pas nécessairement en centres dégradés".
Le rapporteur spécial conseille de "libérer les usages du locatif nu après restauration", autrement dit : ne pas obliger à faire du logement locatif au motif que "les centres-villes concernés ont davantage besoin d’activités commerciales ou de services que de logements". Motif discutable, du moins dans la plupart des villes du programme.
Enfin, il considère que le dispositif de défiscalisation "Denormandie dans l'ancien", créé en loi de finances pour 2019, constitue un rééquilibrage bienvenu, complémentaire du Malraux en ce qu’il ne concerne pas nécessairement les mêmes zones (son bénéfice est limité aux 222 villes Cœur de ville, ainsi qu’à la vingtaine de villes ayant aujourd'hui signé une opération de revitalisation du territoire/ORT) et n’implique pas une restauration complète de l’immeuble.

* Les cinq villes qui ne sont pas "Cœur de ville" (La Châtre, Sancerre, Lauzerte, Lodève et Pont-Saint-Esprit), en raison de leur taille ou d’une fonction de centralité réduite, continueront à être accompagnées dans le cadre de l’expérimentation "Villes patrimoniales".
 

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis