Le gouvernement confirme l'assujettissement des établissements scolaires privés à la taxe d'habitation
Par un revirement de doctrine, les établissements scolaires privés sont désormais assujettis à la taxe d'habitation. Mais cet assujettissement ne concerne qu'une partie de leurs locaux et peut faire l'objet d'une compensation par les collectivités. Des parlementaires dénoncent des "flux inutiles".
Les établissements scolaires privés sont bien assujettis à la taxe d'habitation pour leurs locaux qui ne sont pas explicitement exclus de l'assiette de cette taxe, confirme le ministère chargé des comptes publics dans une réponse, publiée au Journal officiel du Sénat du 9 mai 2024, à une question de François Bonhomme, sénateur du Tarn-et-Garonne.
Dans sa question, le parlementaire indique que certains établissements scolaires privés sous contrat ont, fin 2023, reçu pour la première fois des avis d'imposition au titre de la taxe d'habitation dont ils étaient jusqu'à présent exonérés. En effet, l'article 1407 du Code général des impôts dispose que les locaux destinés au logement des élèves dans les écoles et pensionnats ne sont pas assujettis à la taxe d'habitation, ce qui inclut les dortoirs, sanitaires et cantines. De plus, une instruction de 2012 retient qu'"il y a lieu, toutefois, d'admettre que les locaux affectés à l'instruction des élèves (salles de classe, études, etc.) peuvent être exclus des bases de la taxe d'habitation". En outre, comme le précise François Bonhomme, "l'usage qui prévalait jusqu'à présent [était] celui d'une exonération totale de l'ensemble des locaux scolaires".
Dégrèvement total pour 2023
Par sa réponse, le ministre chargé des comptes publics introduit un revirement dans la doctrine de l'administration fiscale qui conduit cette dernière à exiger que les établissements privés d'enseignement s'acquittent désormais de cette taxe. Il rappelle que la taxe d'habitation est due par les organismes privés, ce qui implique les établissements d'enseignement privés sous contrat d'association avec l'État ou non, au titre des locaux meublés occupés à titre privatif. Autrement dit, si les locaux meublés accessibles au public, et notamment ceux visés par l'article 1407 du Code général des impôts et par l'instruction de 2012, sont bien exonérés, cette exonération ne concerne pas les salles des professeurs et autres locaux affectés à l'administration des établissements.
Le ministère estime que "ces règles n'ont pas été modifiées par la réforme de la taxe d'habitation", mais reconnaît toutefois qu'"à la suite de la mise en œuvre du nouveau processus de taxation des locaux imposables à la taxe d'habitation, les déclarations d'occupation des établissements scolaires n'ont pas toujours permis de distinguer correctement les surfaces imposables", ce qui a pu conduire à surévaluer la surface des locaux déclarée au titre de l'année 2023 "en ne se limitant pas à celle de leurs seuls locaux imposables". La direction générale des finances publiques (DGFiP) devrait par conséquent procéder prochainement au dégrèvement de taxe d'habitation de l'ensemble des locaux occupés par des établissements d'enseignement au titre de l'année 2023.
Demande de compensation
Si la règle est désormais claire – et alors qu'un amendement sénatorial au projet de loi de finances pour 2024 qui entendait conforter l'exonération totale a été écarté de la version finale du texte –, des difficultés demeurent, que François Bonhomme soulève dans sa question. D'une part, les avis d'imposition sont "actuellement motivés par l'administration fiscale de façon trop disparate sur l'ensemble du territoire". Dans un courrier du 10 janvier, le secrétariat général de l'Enseignement catholique, qui regroupe 95% des établissements privés, évoquait certains établissements "toujours exonérés intégralement de taxe d'habitation", "d'autres [qui] ont reçu un avis de taxation portant sur tout ou partie de leurs surfaces qu'ils ont contesté avec succès et sont dégrevés" et "d'autres encore [qui], malgré leur contestation, ne sont pas exonérés". Sur ce point, le ministère chargé des comptes précise que "des travaux pour clarifier le droit applicable sur ce sujet seront menés dans les prochains mois".
D'autre part, le sénateur s'inquiète des conséquences d'une imposition partielle des locaux des établissements privés, lesquels "seraient en droit de s'adresser aux collectivités territoriales pour obtenir une compensation". Cette situation avait déjà été dénoncée par Sylvie Valente Le Hir. Dans une question écrite du 4 janvier 2024 restée sans réponse, la sénatrice de l'Oise estimait que "les collectivités qui refuseraient d'exonérer les établissements privés de la taxe d'habitation [au titre de l'article 146 de la loi de finances pour 2024, ndlr] seraient de toute façon forcées de leur en restituer le produit à travers les subventions qu'elles leur doivent légalement". Elle dénonçait ainsi une "logique d'inutiles flux croisés" qui, finalement, pourrait bien s'instaurer.