Le gouvernement lance la première étape de sa nouvelle stratégie d'adaptation au réchauffement climatique

Le gouvernement va donner ce 23 mai le coup d'envoi de la consultation devant définir une nouvelle stratégie pour adapter la France aux enjeux du réchauffement climatique qui, dans une "hypothèse pessimiste" pourrait aller jusqu'à 4°C d'ici 2100, a-t-il annoncé dimanche 21 mai.

A la veille de la présentation par Elisabeth Borne du nouveau plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030 devant le Conseil national de la transition écologique, Christophe Béchu a annoncé ce 21 mai la préparation d'un nouveau plan d'adaptation au changement climatique (PNACC). La première étape de ce plan, attendu pour la fin de l'année, est le lancement ce 23 mai d'une consultation publique qui se déroulera jusqu'à la fin de l'été pour définir la trajectoire de réchauffement de référence pour l'adaptation (TRACC), sur laquelle sera fondé le prochain PNACC.

"Eviter la mal-adaptation" 

"La réalité globale du réchauffement climatique s'impose (....) il faut donc se préparer concrètement à ses effets inévitables sur notre territoire et sur nos vies. C'est pourquoi nous voulons doter notre pays d'une trajectoire claire en termes d'adaptation (...) dont les implications seront déclinées dans tous les secteurs, à tous les niveaux dans tous les territoires", a expliqué le ministre de la Transition écologique dans un communiqué. Il s'agit selon lui de "construire un modèle de résilience de notre société au plus près des réalités du terrain et d'éviter la mal-adaptation".

Le précédent plan national, établi en 2011 et révisé en 2018, se fondait sur une augmentation de la température moyenne mondiale de 2°C par rapport à l'ère pré-industrielle, ce qui pour la France, où le réchauffement est environ 50% plus élevé, correspondrait à une hausse d'environ 3°C d'ici 2100. Mais, alors que la France en est aujourd'hui à environ 1,7°C, le gouvernement envisage désormais d'y ajouter un "scénario plus pessimiste" correspondant "à la tendance probable en l'absence de mesures additionnelles", dans lequel le réchauffement mondial serait de 3°C, et donc de 4°C en France métropolitaine, conformément à l'avis adopté le 4 mai par le Conseil national de la transition écologique (CNTE). L'une des questions soumises à la consultation est donc : "que pensez-vous d'une trajectoire de réchauffement de référence pour l'adaptation de la France dont les niveaux seraient de +1,5°C en 2030, +2°C en 2050 et +3°C en 2100 au niveau mondial, soit un niveau de réchauffement en France métropolitaine de +2°C en 2030, +2,7°C en 2050 et +4°C en 2100 ?"

Scénario pessimiste

Dans ce scénario, les canicules pourraient durer jusqu'à deux mois et certaines zones particulièrement exposées (arc méditerranéen, couloir rhodanien, vallée de la Garonne) pourraient connaître jusqu'à 90 nuits tropicales par an. Le gouvernement s'attend à des pluies extrêmes plus intenses, notamment sur une large moitié nord, et des épisodes de sécheresse de plus d'un mois l'été dans le Sud et l'Ouest. Les pénuries d'eau se multiplieront avec de "fortes tensions sur l'agriculture et la forêt" et la "quasi-totalité des glaciers français auront disparu".

La multiplication des inondations aura un "fort impact" sur les assurances, sur l'aménagement du territoire et sur les transports. Enfin, des "risques importants sur tous les bâtiments, les infrastructures de transport et les réseaux d'énergie, d'eau et de télécommunications" sont à prévoir avec des "effets marqués sur les zones côtières (érosion du trait de côte, submersions marines)".

A +3°C dans le monde, la baisse du produit intérieur brut (PIB) serait comprise entre 6,5% et 13,1%, estime le géant de la réassurance Swiss Re. Du côté des assurances, les dégâts pourraient augmenter de 30% à horizon 2050.

Des pertes de récoltes agricoles de 7,4% pour le blé et de 9,5% pour l'orge sont attendues en 2050, et pour la forêt, le rendement baisserait entre 4,6% à 11,6% pour le pin.

Plan d'accompagnement des collectivités locales

Face à cela, le gouvernement, outre les mesures déjà mises en oeuvre (plan Eau, Fonds vert...) propose la mise en place de trois chantiers.

Le premier visera à mettre à jour les différents référentiels (Drias, Drias Eau, Climadiag) sur lesquels s'appuient les autorités pour anticiper les effets du réchauffement climatique. Le deuxième sera un plan d'accompagnement des collectivités locales "en première ligne pour améliorer la résilience de leur territoire". La TRACC sera intégrée dans l'ensemble des documents de planification territoriaux - schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), plans climat air-énergie territoriaux (PCAET), schémas régionaux d'aménagement (SAR) des territoires ultramarins - comme base des études de vulnérabilité préalables à leur élaboration. Elle sera aussi intégrée dans les autres documents de planification encadrant l'action des collectivités territoriales qui ont une composante climatique - schémas de cohérence territoriale (Scot), plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi), schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage), etc. "L'accompagnement devra être adapté aux capacités de mise en oeuvre des collectivités, en métropole comme en outre-mer", souligne le document soumis à consultation.  Le troisième chantier mettra en place des études de vulnérabilité pour adapter l'activité économique. Dans tous les cas, la mise en oeuvre de la TRACC devra porter "une attention particulière à la préservation des écosystèmes et de la biodiversité face au dérèglement climatique". "Les mesures d'adaptation à mettre en place dès aujourd'hui, quelle que soit la trajectoire d'adaptation fixée, représentent au minimum 2,3 milliards d'euros additionnels par an", prévient déjà le gouvernement.