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Tourisme - Le grand bazar des aides au tourisme

L'Observatoire des aides aux entreprises et du développement économique publie une étude très éclairante sur les aides financières publiques en faveur du tourisme. Celle-ci montre notamment que les collectivités multiplient depuis peu les dispositifs en affinant la finalité des aides, mais au risque de perdre en cohérence et en efficacité.

L'intérêt des collectivités territoriales pour le tourisme n'est évidemment pas sans fondement. Quelques chiffres suffisent à le démontrer. Première destination mondiale (pour encore peu de temps avant d'être rattrapée par la Chine), la France a accueilli l'an dernier 81,9 millions de touristes (dont 86,6% en provenance d'Europe). La consommation touristique - y compris le tourisme national - atteint 117,6 milliards d'euros, soit 6,2% du PIB. Enfin, cette activité génère 894.000 emplois salariés en moyenne sur l'année, correspondant à 661.000 emplois à temps plein.
La rapide montée en puissance des dispositifs des collectivités en faveur du tourisme intervient également dans un contexte particulier. Le secteur - et plus particulièrement l'hôtellerie - n'est en effet pas épargné par la crise. Cela se traduit, entre autres, par une baisse du montant global des investissements et par une plus grande appétence des acteurs pour les dispositifs d'aides publiques.

521 aides financières recensées

Le financement public du tourisme a représenté, en 2007, un total de 795 millions d'euros : 89 millions pour l'Etat, 86 millions pour les autres organismes publics, 248 millions pour les fonds européens et 371 millions pour les collectivités territoriales (126 pour les régions, 107 pour les départements et 138 pour les communes et intercommunalités). S'y ajoutaient également, en 2007, 1,87 milliard d'euros d'aides fiscales : TVA à 5,5% dans l'hôtellerie et l'hébergement dans les campings classés (1,71 milliard), soutien fiscal à l'investissement outre-mer (95 millions), réduction d'impôts pour les investissements touristiques (40 millions)... Il convient d'y ajouter désormais la TVA à 5,5% sur la restauration, qui représente une aide de plus de deux milliards d'euros.
Une étude de l'Observatoire des aides aux entreprises et du développement économique - un département de l'Institut supérieur des métiers (ISM) - se penche plus particulièrement sur les aides mises en œuvre par les collectivités territoriales. Elle recense 575 "dispositifs d'aide spécifiques identifiés", dont 521 correspondent à des dispositifs d'aide financière regroupés, selon leur finalité, en 21 grandes catégories, par l'observatoire. Ces aides se sont très fortement accrues, puisqu'en février 2008, seules 280 aides relevant de ces différents régimes étaient mises en œuvre, soit une progression de 86% en seize mois (même si des données manquaient pour certaines catégories dans l'étude de 2008, ce qui accroît artificiellement la progression). Si l'on tient compte des seules données déjà disponibles en 2008, la progression reste néanmoins de 61%. Cette répartition des aides en grands blocs, doublée d'une cartographie montrant les départements dans lesquels est mise en œuvre chacune des grandes catégories d'aide, donne une bonne idée de la stratégie des collectivités en matière d'aide au tourisme. 

Les aides aux lieux d'hébergement dominent

Grand vainqueur de cette radiographie : les aides aux chambres d'hôtes, gîtes ruraux et meublés de tourisme. Alors que ces formes de tourisme pèsent d'un poids économique limité, l'étude recense 68 dispositifs de ce type en juin 2009, contre seulement 40 en février 2008 (+60%). Ces aides sont mises en œuvre - comme on pouvait s'en douter - majoritairement dans des territoires ruraux (une quarantaine de départements), et sont peu présentes sur le littoral ou sur les départements de sports d'hiver. L'observatoire recense également 68 dispositifs d'aide de collectivités en faveur de la création, la modernisation, l'extension ou la reprise d'hôtels uniquement. La progression de ces aides - présentes exclusivement à l'ouest d'une ligne Le Havre-Toulon - a toutefois été moins rapide que pour les gîtes, avec une progression de 30% sur la période considérée. On peut cependant y ajouter 23 dispositifs ayant le même objet, mais portant de façon indifférenciée sur les hôtels, restaurants, hôtels-restaurants et autres entreprises touristiques. La troisième marche du podium est occupée par les aides aux projets touristiques structurants. Correspondant à la montée en puissance de la réflexion stratégique sur le tourisme, elles sont en forte progression, passant de 28 dispositifs recensés en 2008 à 53 en juin 2009 (+89%). Elles sont présentes dans près de 70 départements, à l'exception notable du grand Sud-Est, du Nord, de la Lorraine et de la Basse-Normandie.
La quatrième place est occupée par les aides aux hébergements de groupes, gîtes d'étape, villages de vacances et parcs résidentiels de loisirs. L'observatoire recense 50 dispositifs de ce type, sans toutefois pouvoir mesurer leur progression faute de données disponibles en 2008. Ils sont présents dans une cinquantaine de départements, essentiellement autour d'un axe Amiens-Toulouse, auquel s'ajoutent la Bretagne et la Franche-Comté. Enfin, la cinquième place revient aux aides à l'hôtellerie de plein air, un secteur qui se porte pourtant très bien et tire profit de la crise économique pour accroître ses parts de marché. Au nombre de 45, ces aides - dont l'évolution par rapport à 2008 n'est pas non plus mesurable - sont très présentes dans le grand Est et autour d'une double diagonale Le Havre-Strasbourg-Toulouse. Certaines destinations phares du camping, comme la Vendée, les Landes, les Pyrénées-Orientales ou les Bouches-du-Rhône ne mettent pas en œuvre ce type de dispositif.

Une forte dispersion

Derrière ces cinq grands blocs, on trouve 237 dispositifs répartis en 16 grandes catégories. Ce résultat témoigne à l'évidence d'une certaine dispersion, d'autant plus que chaque catégorie est elle-même l'agrégation de plusieurs types d'aides. Parmi ces aides figurent notamment les dispositifs en "amont" de l'activité touristique : aides aux équipements touristiques (34 dispositifs, +54%), aides au conseil et aux études stratégiques (31 dispositifs, +82%), aides à l'amélioration de l'information et de l'accueil touristique (16 dispositifs, +166%), actions collectives en faveur du tourisme (14 dispositifs, +40%) et aides à la certification ou à la labellisation touristique (14 dispositifs, +600%). Sur un plan géographique, les plus présentes sont les aides au conseil et aux études touristiques, qui couvrent près des deux tiers des départements, à l'exception du grand Bassin parisien, du Nord-Picardie, de l'Alsace-Lorraine et du Languedoc-Roussillon.
D'autres dispositifs visent davantage certaines formes particulières de tourisme. Ecologie oblige, les grands vainqueurs en la matière sont les aides à l'agritourisme, à l'écotourisme, au camping à la ferme et aux fermes-auberges. L'observatoire recense en effet 27 dispositifs de ce type, présents dans une trentaine de départements à dominante rurale, avec toutefois quelques exceptions (Gironde, Var ou Meurthe-et-Moselle). Les autres dispositifs sont plus marginaux, à l'image des aides au tourisme fluvial (11 dispositifs dans une trentaine de départements, dont tous ceux d'Ile-de-France), des aides au tourisme équestre (5 dispositifs dans une douzaine de départements, essentiellement dans l'Ouest), des aides au thermalisme (4 dispositifs dans les départements d'Alsace, Auvergne et Midi-Pyrénées) et des aides au tourisme de découverte économique (3 dispositifs en Midi-Pyrénées et en Normandie).
Parmi les quelques catégories d'aides restantes, on signalera en particulier la forte montée en charge (+150% entre février 2008 et juin 2009) des aides à l'accessibilité des personnes handicapées dans les établissements touristiques, conséquence directe de la loi Handicap du 11 février 2005. Avec 15 dispositifs recensés, les 35 départements "bons élèves" en la matière se situent quasiment tous à l'est d'une ligne Rennes-Nîmes.

 

Jean-Noël Escudié / PCA