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Le Grenelle de l'éducation octroie des moyens aux enseignants mais oublie les collectivités

La conférence de clôture du Grenelle de l'éducation a dévoilé un train de mesures en faveur des personnels de l'Éducation nationale. Rien en revanche n'a été annoncé pour endiguer le "cloisonnement" de l'institution mis en évidence par les travaux.

Passer du mammouth au colibri. C'est avec cette formule – à cette nuance près qu'il s'évertue à ne jamais prononcer le nom du "pachyderme préhistorique" popularisé par l'un de ses prédécesseurs – que Jean-Michel Blanquer a résumé, lors de la conférence de clôture du Grenelle de l'éducation le 26 mai 2021, l'action qu'il entend mener à la tête de l'Éducation nationale à l'avenir. En d'autres termes, le ministre estime que l''on peut en finir avec les clichés sur l'Éducation nationale".
Lancé en octobre 2020, le Grenelle de l'éducation a permis "une concertation d’une ampleur inédite" réunissant syndicats, personnels, familles, élèves, élus, monde associatif et économique, chercheurs et professionnels d’autres pays. Son but ? "Définir des mesures concrètes capables de traduire ce besoin d’un ministère plus humain, plus ouvert, plus coopératif et plus protecteur." Résultat ? Douze engagements pour "transformer les relations humaines" au sein de l'institution qui s'appuient chacun sur un des quatre leviers suivants : attractivité du métier ; sentiment d’appartenance à l’institution ; efficience des procédures ; et besoin d’entraide.
Côté enseignants, on attendait bien évidemment des mesures de revalorisation salariale. Au total, une enveloppe globale de 700 millions d'euros sera mobilisée en 2022. À terme, Jean-Michel Blanquer fixe un objectif symbolique : plus aucun professeur ne devra émarger à moins de 2.000 euros par mois à l'horizon 2025. Le ministère précise également qu'"une revalorisation des carrières des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) sera portée dans les discussions des prochaines semaines".

"Carré régalien"

Autre mesure-phare du Grenelle de l'éducation : la création d'un "carré régalien" dans chaque rectorat. Ces cellules d'information et d'accompagnement autour de "quatre angles" – valeurs de la République, radicalisation, violences, harcèlement – devront permettre à chaque professeur ou membre de la communauté éducative de s'informer sur les dispositifs de protection en place et de savoir vers qui se tourner en cas de confrontation à l’une de ces quatre situations. Alors que les acteurs de l'éducation ont encore à l'esprit l'assassinat du professeur Samuel Paty le 16 octobre dernier, l'institution promet d'apporter "une réponse rapide à toute amorce de conflit grâce à un suivi plus fin des faits", d'assurer une protection fonctionnelle systématisée en cas d’agression d’un membre du personnel et d'accompagner les dépôts de plainte. Ces "carrés régaliens" seront généralisés en septembre 2021 dans toutes les académies.
Alors que la proposition de loi visant à créer la fonction de directrice ou directeur d’école doit encore être examinée en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, le ministère de l'Éducation nationale se propose par ailleurs "d’identifier de nouveaux leviers de valorisation de leurs fonctions et d’amélioration de leurs conditions de travail". Pour cela, il entend agir sur les indemnités et les décharges horaires. Ces deux leviers seront tour à tour actionnés d'ici à septembre 2022.

"Très fort cloisonnement"

On relèvera encore l'engagement visant à "donner plus d’autonomie aux équipes des collèges et lycées pour développer leurs projets". Ou encore celui posant le principe de la permanence pédagogique des élèves sur l’ensemble de leur temps scolaire en cas d’absence d’un professeur. Sur ce point, les collectivités seront directement concernées par deux mesures : l'optimisation des organisations actuelles de remplacement en s’appuyant sur les ENT (espaces numériques de travail), et le recours à des dispositifs de type "cours en ligne".
Ce catalogue d'engagements destiné aux personnels de l'Éducation nationale, et à eux seuls, donne un relief particulier à la position de la députée Cécile Rilhac. Lors de cette conférence de clôture du Grenelle de l'éducation, l'élue du Val-d'Oise a regretté "un manque de reconnaissance" des AESH et des Atsem (agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles) et plus largement un "très fort cloisonnement du système éducatif". Elle en appelle donc au développement du travail en "mode projet", à une plus grande autonomie des établissements ou encore à une collaboration avec les autres acteurs de l'éducation, dans le domaine du sport ou de la culture notamment, mais également avec les autres institutions. Le comité du suivi du Grenelle de l'éducation, qui sera mis en place en septembre prochain, pourrait être l'occasion d'entamer ce décloisonnement…