Le logement neuf reste embourbé dans la crise
Les chiffres de la Fédération des promoteurs immobiliers présentés à la presse ce jeudi 15 mai confirment les inquiétudes du secteur. Entre effondrement de l’offre, désintérêt des investisseurs et envolée des délais de commercialisation, les promoteurs peinent à voir le bout du tunnel et attendent beaucoup des travaux de la mission parlementaire Daubresse-Cosson. Un quart des logements commercialisés seraient désormais retirés de la vente.

© Observatoire immobilier de la FPI et Adobe stock
Pour le logement neuf, les premiers mois de 2025 sont loin d’apaiser les inquiétudes des promoteurs. En d’autres termes, les chiffres ne sont pas bons. "Le contraire nous aurait étonnés", déclare Pascal Boulanger avec lassitude. Jeudi 15 mai, le président de la Fédération des promoteurs immobiliers, assisté de Didier Bellier-Ganière, délégué général, faisait un point devant la presse. Les gages de confiance donnés aux professionnels du secteur par le gouvernement et la timide embellie des permis de construire enregistrée en tout début d’année (+4,9% par rapport à début 2024) ne suffit pas à ranimer un marché profondément affaibli. Les 84.600 logements autorisés au premier trimestre (tous segments confondus) restent bien en deçà des niveaux nécessaires, loin derrière les quelque 113.300 autorisations trimestrielles observées entre 2015 et 2018. Cette faiblesse chronique, notamment dans les zones tendues, pèse lourdement sur l’offre disponible.
Des mises en vente historiquement basses
Le constat est sans appel : seulement 12.339 logements ont été mis en vente au premier trimestre 2025, soit -16,5% comparé à la même période en 2024. Un chiffre qui s’inscrit dans une baisse continue de l’offre nouvelle depuis 2019, accentuée par le retrait de nombreux projets (26% des logements commercialisés ont été retirés des ventes). Ces annulations de programmes, stables à un niveau inédit depuis plus d’un an, illustrent les difficultés des promoteurs à fiabiliser ou à viabiliser leurs opérations. "Les promoteurs n’atteignent pas le niveau de commercialisation imposé par les banques pour obtenir une garantie financière d’achèvement et préfèrent jeter l’éponge", résume Didier Bellier-Ganière.
Côté demande, la dynamique reste négative. Le nombre total de réservations (logements au détail, en bloc et résidences services) atteint 19.621 unités sur le trimestre, en recul de 10,3% sur un an. Une proportion qui représente la moitié du chiffre d’une année "normale", selon Pascal Boulanger qui affirme que les promoteurs "ont adapté leur vitesse à la qualité de la route".
Si les ventes aux propriétaires occupants progressent légèrement (+9,8%), portées par des taux d’intérêt en baisse et un élargissement du prêt à taux zéro (PTZ), elles sont largement insuffisantes pour compenser l’effondrement des ventes à investisseurs particuliers (-41,1%), consécutif à la fin du dispositif Pinel.
“Les prix ne baisseront pas !”
Le stock de logements neufs reste difficile à écouler : le délai moyen de commercialisation atteint 21,9 mois au niveau national. Certaines métropoles comme Strasbourg (28,7 mois), Bordeaux (23,1 mois) ou Lyon (22 mois) sont particulièrement touchées. À l’inverse, Rennes, Brest ou Dijon affichent des équilibres relatifs (moins de 10 mois), mais principalement en raison d’une demande extrêmement faible.
Contrairement aux espoirs exprimés par l’exécutif, la contraction de la demande ne fait pas chuter les prix. "Cela ne fait que confirmer ce que l’on s’est évertué à dire et que les précédents gouvernements n’entendaient pas : la formation du prix d’un logement neuf n’est pas régie par les mêmes règles que les prix des logements anciens. Le neuf, c’est un prix technique, avec des normes de plus en plus exigeantes, des réglementations fortes, des coûts de matériaux élevés. On voudrait vendre moins cher, mais on ne le peut tout simplement pas", explique Didier Bellier-Ganière. "Nous pensons aussi que les prix sont trop élevés, abonde Pascal Boulanger, mais ce n’est pas du fait des promoteurs. Aujourd’hui, plusieurs d’entre nous sortent des opérations à marges négatives. Les prix ne baisseront pas !"
Le mètre carré dans le neuf se maintient donc à un niveau élevé, à 5.197 euros au premier trimestre. Une stabilité portée par des coûts de production toujours orientés à la hausse : pression réglementaire, fiscalité, rareté du foncier et lenteur des autorisations pèsent lourdement sur les prix de sortie. Dans le trio de tête : Nice Métropole, où le mètre carré frôle les 6.550 euros, la communauté d’agglomération d’Annecy (6.331 euros/m2) et la région francilienne (5.685 euros/m2).
Dernier espoir pour les promoteurs : que les travaux de la mission Daubresse-Cosson se concrétisent (très) rapidement. "Nous remercions Valérie Létard qui affiche son ambition de relancer l’offre locative privée et nous sommes confiants en la capacité de la mission parlementaire en cours pour proposer un statut du bailleur privé pérenne, lisible et efficace", déclare Pascal Boulanger qui y voit la perspective de relancer la production d’au moins 40.000 logements locatifs neufs supplémentaires par an. Mais la réponse à la crise supposera une action résolue sur d’autres leviers structurels, tels que la simplification des normes et la relance des permis de construire. Un enjeu crucial, à moins d’un an des élections municipales. En toute fin de conférence, Pascal Boulanger glisse par ailleurs avoir soumis à François Bayrou l’idée d’un projet de loi de finances rectificative pour accélérer la sortie du fameux statut du bailleur privé ; une suggestion qui aurait été rapidement balayée par le Premier ministre.