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Le numérique apporte une plus-value aux élèves, en tout cas à Chenôve

La ville de Chenôve en Côte-d’Or a fait expertiser par des scientifiques le bien-fondé des équipements numériques dans ses écoles. La question a resurgi avec acuité à l’issue du confinement dans la mesure où l'enseignement à distance a plus que jamais fait appel aux outils numériques et où l'école du futur pourrait ne plus s'en passer. 

L’étude ne date pas d’hier mais elle mérite l'intérêt sachant que l’Education nationale vient de traverser, de mars à juin, des cours plus numériques que jamais, contraints par le confinement, et que la rentrée des classes 2020 s’annonce pour le moins incertaine, dans ses modalités d’organisation.  
Il y a quatre ans, la ville de Chenôve votait un plan d’investissement de 300.000 euros pour doter, dans les trois ans, l’ensemble de ses écoles d’outils numériques : six groupes scolaires dont quatre relevant de l’éducation prioritaire (REP +). Dans ce contexte, la ville s’est posé la question du bien-fondé des outils. La mairie a donc fait appel à la Maison des sciences de l’homme (MSH) de Dijon, associée à trois laboratoires de l’Université de Bourgogne (1), afin de mener une étude sociologique "inédite" sur le numérique à l’école et les inégalités sociales en termes de réussite. C’est lors d’une webconférence organisée par Paroles d’élus, début juillet 2020, que le maire de Chenôve, Thierry Falconnet, a eu l’occasion de citer les résultats de cette recherche scientifique, tandis qu'il tirait un bilan local des usages du numérique en éducation durant le confinement (lire notre actualité du 15 juillet 2020). 

Des résultats plutôt "encourageants" et "novateurs"

Livré en 2019, le copieux rapport de 150 pages fait état de résultats plutôt "encourageants" et "novateurs". Pour commencer, un constat rassurant : tous les élèves ayant participé aux différents protocoles ont progressé, “même ceux qui n’ont eu recours ni aux tablettes ni au tableau blanc interactif”. Ouf. Le rapport relève avec intérêt que les progrès des élèves semblent "un peu plus importants dans certains domaines travaillés avec l’outil numérique”. Re-ouf.  L’exemple souvent cité est celui de l’apprentissage avec l’application Mathador. “On rappellera la progression un peu plus forte des CM1 et CM2 en calcul mental suite à l’utilisation de l’application Mathador sur tablette comparée à l’utilisation du jeu de plateau ou aux séances de calcul mental plus traditionnelles”. Un autre concerne l’apprentissage plus rapide des élèves de CP du lexique des animaux de la ferme via l’utilisation du tableau blanc interactif (TBI) comparé à une séquence d’enseignement plus traditionnelle. 

Pas "la solution miracle"

Pour autant, on s’en serait douté, “le recours au numérique n’est pas la solution miracle”. “Il ne faut pas oublier que ce qui compte est ce qui est mis dans l’outil, ce qui est fait avec l’outil et à qui cet outil est destiné”, soulignent les auteurs. Et ce, d’autant plus que leurs travaux mettent le doigt sur le “hiatus” qui existe “entre les pratiques personnelles et scolaires” des fameux “digital natives”, parce que "nés dans cet environnement numérique". Le rapport cite les travaux menés par Florian Dauphin en 2012 allant même jusqu’à évoquer une “contradiction” entre ces deux types d’usage. Ce dernier constate que les élèves ont “principalement un rapport consumériste aux TICE (technologies de l'Information et de la communication pour l'enseignement, Ndlr) et des usages ludiques peu transférables au domaine scolaire”.
Raison de plus pour, “surtout, réfléchir à la formation et à l’accompagnement des enseignants”, insistent les sept chercheurs avant de rappeler que “la plupart des enseignants interrogés n’utilisaient le TBI et les tablettes que depuis peu [...]". 

Effets positifs concernant la motivation

C’est surtout en ce qui concerne la motivation des élèves que les résultats sont le plus positifs : "Les élèves rapportent avoir moins peur d’échouer, être plus joyeux, moins s’ennuyer et avoir de meilleures relations avec l’enseignant lorsqu’ils travaillent sur la tablette que lorsqu’ils travaillent sur le cahier”. 
Les résultats montrent l’influence positive de la tablette sur la conation des élèves (la notion de "conation" renvoie à la motivation et à sa mise en action qui se mesure par les stratégies utilisées des élèves, ainsi qu'à ses effets). Et là, les résultats font systématiquement apparaître des effets en faveur du travail sur la tablette décrits : “moins de rumination, davantage d’émotions positives, meilleure relation avec l’enseignant". 

Transformation de la relation élève-enseignants 

Quid du TBI, le tableau blanc interactif, qui remplace progressivement des générations de tableaux noirs ? Passé au filtre des scientifiques, il s’avère être “un outil intéressant d’un point de vue plus collectif”. “Son utilisation semble conduire les enseignants à collaborer entre eux dans une large majorité des cas (80%) et ces derniers reconnaissent l’existence d’une dynamique collective dans l’école liée au TBI (82,9%)”, concluent les chercheurs. Cet outil numérique permettrait également, selon une large majorité d’enseignants, de favoriser un rôle actif de l’élève en classe, ainsi que son apprentissage de certains concepts, sa compréhension et son attention. Un peu plus de la moitié des enseignants déclarent également un effet positif sur la concentration des élèves, leur capacité à résoudre des problèmes et la recherche d’informations.  
Concernant la tablette, “tout se passe comme si, pour les enfants, la tablette était en mesure d’offrir un espace psycho-social plus pertinent”, selon l’étude. Autrement dit, la tablette permet aux enfants de quitter “l’opposition catégorielle adultes-enfants pour être eux-mêmes, c’est-à-dire pour être reconnus en tant qu’individus singuliers”. Un argument de poids.

(1) L’Iredu (Institut de Recherche sur l’éducation : économie et sociologie de l’éducation), le Psy-DREPI (Laboratoire de psychologie : dynamiques relationnelles et processus identitaires) et Le Lead (Laboratoire d’étude de l’apprentissage et du développement)