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Interview - "Le plafonnement des carrières dans la FPT est générateur de stress chez les agents"

Le stress est le premier des risques psychosociaux vécus dans le cadre professionnel. C'est ce que souligne le rapport remis sur ce thème le 12 mars au ministre du Travail. Constatant que "l'émergence du risque psychosocial affecte aussi les services publics", le rapport suggère que ceux-ci soient à l'initiative d'"expériences pilotes". Jeune chercheuse et maître de conférences à l'université Paris-12, Claire Edey Gamassou a consacré sa thèse au stress des agents territoriaux. Elle explique pourquoi les collectivités auraient intérêt à mieux prendre en compte le phénomène.


Localtis : Quelles sont les causes du stress dans la fonction publique territoriale ?

Claire Edey Gamassou :   l'une des principales causes du stress est liée au plafonnement des carrières. Celui-ci est probablement ressenti davantage dans la territoriale que dans les autres fonctions publiques, du fait de l'importance du nombre des agents de catégorie C. Ce phénomène conduit au sentiment de ne pas avoir de perspectives de mobilité et donc de devoir demeurer au même poste pour le reste de sa carrière. Ces situations engendrent mal être, frustrations et blocages. En outre, dans la FPT, la question des lourdeurs technocratiques se pose comme dans les autres fonctions publiques. Les agents ont souvent le sentiment qu'ils ont en face d'eux des barrières qui les empêchent d'avancer. Un autre phénomène générateur de sentiments négatifs chez les intéressés, c'est l'image des fonctionnaires que véhicule l'opinion selon laquelle ils seraient des privilégiés.

Les collectivités ont-elles intégré le stress dans leur management ?

Certaines l'ont pris en compte ou commencent à le faire, comme la région Pays-de-la-Loire où j'ai eu l'occasion de présenter mes travaux récemment. Mais ce genre d'initiative est encore assez rare. La première difficulté vient du fait que bien souvent on ignore de quoi on parle. Le stress est un "concept enveloppe" qu'une directive de 2004 définit comme le sentiment des personnes au travail de ne pas pouvoir faire face aux exigences et aux contraintes qui s'exercent sur elles. C'est donc le résultat d'une subjectivité d'abord, puis de la relation entre les exigences de l'employeur et les moyens matériels que celui-ci met à la disposition du travailleur.

Quelles sont les conséquences possibles du stress au travail ?

Elles peuvent être gravissimes. Sur le plan de la santé, des études ont montré qu'il existait une corrélation entre le stress et des pathologies comme les maladies cardio-vasculaires ou l'insomnie. Quant à la corrélation entre le stress et les suicides, elle n'a pas été prouvée. Le lien qui est parfois fait entre les deux phénomènes relève plutôt de l'ordre des hypothèses et des tentatives d'explication a posteriori. D'une manière générale, il est compliqué d'établir de manière certaine un rapprochement entre le stress et telle pathologie ou tel fait dramatique. Lors des entretiens que j'ai conduits dans le cadre de ma thèse, j'ai ainsi été confrontée à deux exemples frappants. Dans le premier cas, une personne a démagnétisé sa carte Orange. L'incident est survenu au moment de sa prise de poste, qui l'a particulièrement stressée. Le second cas est celui d'une femme qui se trouvait en congé maternité. Pendant cette période, elle a connu des problèmes d'allergie sur les mains. Le symptôme est apparu au bout d'un certain temps, alors qu'elle commençait à ressentir une certaine insatisfaction à ne plus travailler. Dès qu'elle a repris son activité, son allergie a disparu. Cet exemple montre qu'une sous-charge de travail peut être vécue aussi douloureusement que la surcharge de travail. Comme on le voit avec ces deux exemples, il y a des maladies qu'on peut, par intuition, attribuer au stress. Mais le lien n'est pas toujours prouvé. D'autres types d'études insistent sur le coût économique du stress. Turn over, climat détérioré... tout cela se paye forcément.

 

Propos recueillis par Thomas Beurey