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Le plan d’action pour prévenir l’introduction et la propagation des espèces exotiques envahissantes est lancé

Le premier plan national d’action pour prévenir l’introduction et la propagation des espèces exotiques envahissantes (2022-2030), axé notamment sur la sensibilisation des professionnels et du grand public et le renforcement des contrôles, a été dévoilé ce 15 mars par la secrétaire d’État chargée de la biodiversité, Bérangère Abba. Des opérations "coup de poing" seront conduites dès cette année dans le cadre de la stratégie nationale Biodiversité 2030, dont le premier volet vient d'être présenté.

La secrétaire d’État chargée de la biodiversité, Bérangère Abba, a dévoilé, ce 15 mars à l’occasion d’un déplacement à Épernay dans la Marne pour la visite d’un chantier d’éradication de la renouée du Japon, le premier plan national d’action (2022-2030) pour prévenir l’introduction et la propagation des espèces exotiques envahissantes (EEE), coconstruit avec l’Office français de la biodiversité (OFB).
Principal facteur d’appauvrissement de la biodiversité mondiale, corrélé à l’accroissement des transports et au changement climatique, ces espèces animales et végétales, introduites par l'homme hors de leur milieu habituel, peuvent être vectrices de pathogènes ou allergisantes, nuisent aux activités économiques comme l’agriculture et sont difficiles à éradiquer une fois installées. C’est pourquoi ce plan d’action répond à cette nécessité d’intervenir le plus en amont possible, en s’appuyant sur les mesures réglementaires d’interdiction des espèces d’EEE préoccupantes, qu’il complète par des mesures volontaires de sensibilisation du public, de vigilance collective et d’engagement des filières professionnelles concernées, notamment via l’élaboration de guides d’informations pratiques.
La France n’est pas épargnée, en atteste le nouvel indicateur développé pour l’Observatoire national de la biodiversité, qui révèle que sur les 40 dernières années, un département français voit s’installer en moyenne cinq nouvelles EEE tous les dix ans. C’est le cas par exemple du gobie fluviatile, du crabe bleu et du frelon oriental en métropole, ou encore de la tourterelle turque en Guadeloupe et de la liane papillon à La Réunion. Les territoires insulaires, notamment en outre-mer, y sont en effet particulièrement exposés, avec souvent un fort taux d’endémisme.

Le retard de la France blâmé par la Commission européenne 

La lutte contre des espèces exotiques envahissantes est une action phare de la Stratégie nationale Biodiversité 2030, dont le premier volet vient d’ailleurs tout juste d’être présenté (lire notre article de ce jour). Une stratégie nationale dédiée aux EEE (SNEEE) a en outre déjà été mise en place en 2017 pour renforcer l’action collective sur ces enjeux. Le plan d’action vise à en approfondir certains objectifs, notamment les aspects de communication et de formation ainsi que les aspects de contrôle, alors que la France est sous le coup d’une procédure d’infraction, faute précisément d’avoir communiqué dans les délais ledit plan demandé par la Commission européenne au titre du règlement (UE) n° 1143/2014 sur la prévention et la gestion de l’introduction et de la propagation des EEE.
"Le système de surveillance du territoire n’est pas non plus formalisé, les contrôles relatifs à l’introduction, la détention et au commerce d’EEE restent très largement insuffisants, tout comme la coordination des actions de gestion sur le territoire, et il n’existe pas encore de stratégie nationale de biosécurité", relevait le Conseil national de la conservation de la nature (CNCN) saisi pour avis. En parallèle des actions devant participer aux changements des comportements, une des priorités du plan d’action est donc de consolider le cadre réglementaire, notamment en matière de contrôles, et de mobiliser et renforcer les moyens administratifs et judiciaires pour s’assurer de la bonne application de la réglementation. 

Quatre volets déclinés en 19 actions

Le plan national est construit autour de près d’une vingtaine d’actions sur la distinction des voies de propagation et la nature des espèces : un volet relatif aux espèces végétales dans le cadre des "usages ornementaux et horticoles" ; un volet relatif aux espèces animales dans le cadre des "élevages, repeuplements et détentions domestiques" ; un volet propre aux "corridors et transports". S’y ajoute un volet transversal visant à renforcer la vigilance dans des secteurs-clés (contrôle aux frontières, commerce en ligne, outre-mer etc.). Il y est notamment question d’amplifier la coopération interministérielle et les synergies entre réglementations, autour d’une approche "One Health" ("une seule santé").
La coordination et le suivi du plan sont assurés par le comité de pilotage de la stratégie nationale, dont la composition sera "révisée si nécessaire". Dans le sens d’une synergie entre les centrales ministérielles et leurs opérateurs impliqués sur la thématique, une instance de gouvernance sera également mise en place permettant d’établir des passerelles entre les différentes politiques sectorielles et de renforcer les partenariats nationaux et territoriaux. Chaque pilote - désigné au sein des ministères en charge de la transition écologique, de l’agriculture, de l’économie et de l’OFB - "mobilise les moyens humains, matériels et financiers nécessaires pour assurer la coordination, voire la réalisation des actions pour lesquelles il est désigné". L’OFB est d’ailleurs ciblé dans la plupart des actions, le sujet d'une aide à la formation est sur la table quant à l’implication de ses agents lors d’actions de contrôle de terrain. Or, pour le CNCN, les budgets mentionnés pour les différentes actions apparaissent  "très modestes", ne correspondant pas à la "forte mobilisation" demandée. Et sur ce point le plan n’apporte pas vraiment de réponses précises à ces questions des moyens financiers et humains nécessaires, comme l’y invitait ce dernier. 

Couloirs routiers et voies ferrées, espaces privilégiés de propagation des EEE

Les collectivités territoriales sont bien évidemment concernées par la problématique à travers les espaces verts et le fleurissement de l’espace urbain ou en tant que gestionnaires de sites naturels. Mais elles le sont également comme gestionnaires d’infrastructures routières ou ferroviaires, notamment lorsqu’elles procèdent à l’entretien des "dépendances vertes", qui sont autant de territoires propices à l’apparition et à la diffusion d’EEE. Le plan d’action (action n° 12) prévoit par exemple d’inclure dans les études d’impact des projets d’infrastructures un volet dédié (état avant travaux, suivi après) et de prendre en compte les EEE dans l’organisation des chantiers de travaux publics (terrassement, retraitement et mouvements de terres et de gravats). Plusieurs leviers seront utilisés à commencer par l’élaboration de guides pratiques et de modules de formation des chefs de projet et des équipes d’entretien des infrastructures. D’autres visent à sensibiliser les collectivités à la gestion des déchets d’EEE végétales (action n° 15) et aux risques inhérents concernant un transport (dispersion) et un traitement non contrôlé. 

500 opérations "coup de poing"

Dans le cadre de la stratégie nationale biodiversité 2030, un programme exceptionnel de 500 opérations "coup de poing" va également être mis en place de 2022 à 2025 pour réagir rapidement face aux espèces susceptibles de s’installer. Il sera doté la première année d’un soutien de 1,5 millions d’euros du ministère. Ces actions seront conduites avec l’appui technique du centre de ressources sur les EEE, de l’OFB, et en partenariat avec le Comité français de l’UICN. Les agences de l’eau s’associent à cette lutte à hauteur de plus d'1 million d’euros par an, rappelle le ministère. Le programme "Jeunes Nature Expériences" du service civique sera par ailleurs abondé de 500.000 euros supplémentaires pour faciliter l’engagement des jeunes dans ces chantiers. Une fiche de mission type est mise à disposition des collectivités et des établissements publics comme Voies navigables de France (VNF) qui a d’ores et déjà prévu de faire appel à ce dispositif. Enfin, un nouvel arrêté actualisant la liste des espèces exotiques envahissantes est mis en consultation, jusqu’au 6 avril, afin de poser des restrictions au commerce, à la détention et au transport d’espèces comme le crabe bleu, la crassule de Helms, la moule quagga ou encore le frelon oriental.