Petite enfance - Le plan de Philippe Bas suscite de fortes réserves
Le nouveau plan petite enfance a donné lieu, depuis sa présentation par Philippe Bas le 7 novembre, à des réactions plus que mitigées. Pendant ce temps, le Centre d'analyse stratégique poursuit ses travaux sur ce que pourrait être un vrai "service public de la petite enfance".
L'Union nationale des centres communaux d'action sociale (Unccas) et l'Uniopss, qui regroupe les associations du secteur socio-sanitaire, ont lancé un avertissement concernant l'une des mesures prévues par le plan petite enfance du gouvernement et devant figurer dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 (article 63) : le développement des "micro-crèches". L'Uniopss et l'Unccas désapprouvent en effet "le régime dérogatoire prévu pour ces microstructures", dans la mesure où il est prévu "d'associer le financement de ces structures à ceux liés à l'accueil individuel à domicile" (prestation d'accueil de jeune enfant) "bien qu'elles répondent aux spécificités de l'accueil collectif" (local dédié, notamment). Dans un communiqué commun, les deux organisation estiment qu'une telle disposition induira "une confusion pour les familles et une déstabilisation pour les établissements" et "risque de ce fait de conduire l'ensemble du secteur vers une dérégulation".
D'autres réserves ont été exprimées depuis la présentation de ce plan petite enfance. Ainsi, l'Association nationale des puéricultrices diplômées et des étudiantes (ANDPE) "alerte les parents sur l'élargissement de l'encadrement des enfants à d'autres catégories de métiers, qui ne garantit pas la formation spécifique nécessaire à une qualité d'accueil et de prévention pour l'enfant" et voient d'un mauvais oeil la possibilité pour un directeur de gérer deux crèches de petite taille.
L'Union nationale des associations familiales (Unaf) se dit en revanche "satisfaite" des mesures annoncées par le gouvernement pour "améliorer l'offre et la diversité des modes d'accueil de la petite enfance"... tout en insistant sur "la nécessité de veiller à ce que la montée en puissance des capacités d'accueil soit toujours assortie d'une garantie de qualité et de professionnalisme".
Les maires sur leurs gardes
Du côté syndical, la CGT s'est fait entendre pour dénoncer "la limitation et la diminution des fonds d'action sociale des caisses d'allocations familiales, destinés aux municipalités et au secteur associatif à but non-lucratif", ajoutant que "les CAF vont être sommées d'accorder de nouvelles aides financières au profit des structures et gestionnaires privés à but lucratif".
Si les associations d'élus locaux n'ont pas officiellement réagi à ce plan, on sait que l'Association des maires de France (AMF) suit ce dossier depuis de longs mois, notamment au sujet des mesures impliquant une réforme du décret du 1er août 2000. Ainsi, dans une lettre adressée en juin dernier à Philippe Bas, le président de l'AMF, Jacques Pélissard, faisait savoir que les maires sont défavorables à l'accueil d'enfants par des assistantes maternelles hors de leur domicile sous la forme de mini-crèches. Les élus "s'orientent plutôt vers la recherche de solutions, en lien avec les organismes HLM, afin de permettre aux assistants maternels d'accéder à un logement plus grand", précise-t-il.
S'agissant de l'élargissement des possibilités de dérogation aux exigences de qualification pour diriger les établissements, "les avis sont partagés, reconnaît Jacques Pélissard. Certains élus craignent une baisse de qualité de l'accueil. D'autres, face à la pénurie de personnel, sont tout à fait favorables aux assouplissements proposés." Enfin, concernant la suppression de l'obligation d'avoir à tout moment deux adultes présents pour encadrer les enfants, le bureau de l'AMF "souhaite, pour des raisons de responsabilité, le maintien de cette obligation tout en précisant qu'il ne s'agissait pas forcément de deux personnes qualifiées".
Claire Mallet
Vers un "droit opposable" ? Etat des lieux et propositions en décembre
Le Centre d'analyse stratégique (ex-Commissariat général du plan), suite à la mission qui lui a été confiée en août dernier par le Premier ministre, continue de réfléchir à ce que pourrait représenter la mise en place d'un "service public de la petite enfance" - autrement dit d'un "véritable service public, à vocation générale", comme l'est par exemple l'accès des enfants de plus de 3 ans à l'école. Dans sa "Note de veille" hebdomadaire du 13 novembre, le Centre propose un premier point sur ses travaux, qui feront l'objet d'un rapport au Premier ministre d'ici la fin de l'année. Il confirme notamment à quel point la demande en matière d'accueil de la petite enfance est "délicate à évaluer" : "la difficulté est d'évaluer les situations pour lesquelles des réponses publiques sont nécessaires et aujourd'hui insuffisantes et justifient des investissements supplémentaires, voire une couverture générale, organisée selon une logique d'universalité et d'obligation de service public." Selon Julien Darmon, directeur du département "Questions sociales" du Centre d'analyse stratégique, on peut théoriquement estimer les besoins non couverts à environ 20% des enfants de moins de trois ans. Tout aussi délicate, la question des contours mêmes de cette notion de service public. Jusqu'où faut-il aller ? "Ce qui semble émerger des discussions et propositions actuelles, c'est une forme de droit opposable, offrant une garantie aux parents qui n'auraient pas de solution dans leur environnement familial", explique Julien Darmon.