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Entreprises - Le PLF 2013 aligne le régime de l'auto-entrepreneur sur celui des travailleurs indépendants

Le projet de loi de finances pour 2013, présenté le 28 septembre 2012, aligne les cotisations sociales des auto-entrepreneurs sur celles des travailleurs indépendants. Les associations dénoncent cette mesure prise sans concertation. Elles redoutent aussi les autres évolutions que pourrait subir ce régime. Une mission d'évaluation doit très prochainement plancher sur cette réforme que le candidat François Hollande avait promise.

Le projet de loi de finances pour 2013, présenté le 28 septembre 2012, a modifié le statut des auto-entrepreneurs. Et la mesure concernée, qui consiste à aligner les cotisations des auto-entrepreneurs sur celles des travailleurs indépendants, a engendré de vives réactions au sein des associations. A l'issue d'une rencontre organisée le 1er octobre avec Sylvia Pinel, ministre de l'Artisanat, du Commerce extérieur et du Tourisme, le président de la Fédération des auto-entrepreneurs (Fedae), Grégoire Leclercq, a indiqué que la réunion entre sa fédération et Bercy "a abouti à un dialogue de sourds". De son côté, l'Union des auto-entrepreneurs (UAE), également reçue par la ministre, a fait part de sa déception de ne pas avoir été prévenue de ce projet.
L'alignement du régime des cotisations sociales des auto-entrepreneurs sur celui des travailleurs indépendants entraînerait des hausses de cotisations sociales de 2% à 3,3%. Pour la Fedae, le régime "sera tué" par cette mesure censée limiter les effets de concurrence déloyale, souvent dénoncés par les artisans. La fédération a décidé de ne pas participer "dans l'immédiat" à l'évaluation du régime qui est prévue par le gouvernement. Elle s'était pourtant montrée prête en juin à apporter son concours. Même déception du côté de l'UAE, qui appelle à la vigilance. "Dans un climat difficile, avec une incertitude sur les conclusions de la mission d'évaluation qui va être conduite prochainement sur le régime, le risque est réel de casser le dernier optimisme des Français, c'est-à-dire leur désir de créer", a ainsi déclaré l'UAE. Le lancement d'une mission sur le régime de l'auto-entrepreneur est en effet imminente. Cette mission, qui sera réalisée par l'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), doit permettre de dresser les bases de la réforme de ce statut, une promesse de François Hollande pendant sa campagne.
Le régime, créé en 2009, permet aux salariés, aux fonctionnaires, aux chômeurs, aux retraités et aux étudiants, de développer une activité à titre principal ou complémentaire pour accroître leurs revenus. Les démarches administratives sont simplifiées et le régime fiscal est avantageux. Mais les organisations professionnelles des artisans ont attiré l'attention de Sylvia Pinel, ministre de l'Artisanat, sur des cas de concurrence déloyale. Autre point que la ministre souhaite traiter : les formes de salariat déguisé induites par le statut, et les arrangements de certains professionnels, qui minimisent leur chiffre d'affaires pour rester dans le régime. Pour les activités de vente de marchandises, d'objets, de fournitures et de denrées à emporter ou à consommer sur place ou les prestations d'hébergement, le chiffre d'affaires ne doit pas dépasser 81.500 euros hors taxes. Pour les activités artisanales, les prestations de service ou les professions libérales, c'est 32.600 euros hors taxes qu'il ne faut pas dépasser.

Adapter le régime sur un certain nombre de points

Depuis sa mise en œuvre, le statut a séduit 1,1 million de personnes et actuellement 750.000 auto-entrepreneurs sont en activité, dont 300.000 sont inscrits à Pôle emploi. Et d'après une étude de l'Insee publiée le 20 septembre 2012, au bout de trois ans, 90% des auto-entrepreneurs dégagent un revenu inférieur au Smic au titre de leur activité non salariée. "En moyenne, le revenu qu'ils tirent de leur activité a progressé, mais pour neuf sur dix, il demeure inférieur au Smic", explique ainsi la note de l'Insee qui a fait fortement réagir les associations d'auto-entrepreneurs. Pour le président de la Fédération des auto-entrepreneurs (Fedae), Grégoire Leclercq, c'est un "simple jugement au lance-pierre" et un "prétexte pour dire que le régime ne marche pas".
Pour François Hurel, président de l'Union des auto-entrepreneurs (UAE), "il faut rapporter cela au temps passé à l'activité, puisque les auto-entrepeneurs sont des cumulards, ils ont d'autres activités (retraités, demandeurs d'emploi, etc.). Quand on est au plafond du chiffre d'affaires, on gagne de 1,7 à 1,8 Smic par mois, ce qui correspond au revenu moyen des Français, il n'y a donc rien à dire !" D'ailleurs, le rapport de l'Insee mentionne aussi des éléments positifs. Il indique notamment que le régime a remporté un vif succès auprès de la jeunesse, plus de la moitié des auto-entrepeneurs ayant moins de 40 ans. L'étude souligne que les structures créées par les plus âgés ont tendance à rapporter davantage de revenus à leurs créateurs. "Un auto-entrepreneur ayant plus de 60 ans gagne 33% de plus que son homologue ayant entre 41 et 50 ans, qui lui-même perçoit un revenu supérieur de 17% à celui des 31-40 ans", précise ainsi l'Insee.
Le régime, s'il reste perfectible, ne fonctionne donc pas si mal. C'est pourquoi les associations sont opposées à une grande réforme et aurait préféré des aménagements. "On n'est pas sur un grand soir ! Il faut arrêter avec ça", s'exclame ainsi Grégoire Leclercq, qui affirme que les "ponts de communication" entre son association et le gouvernement "ont été rompus." Même écho du côté de l'UAE. Son président estime qu'il ne faut pas une réforme, mais "une adaptation du régime sur un certain nombre de points". L'UAE est quant à elle en discussion sereine avec le ministère de l'Artisanat. "Je n'ai pas l'impression que Sylvia Pinel ait envie de casser le système mais plutôt de faire en sorte qu'il marche mieux", assure François Hurel. Pourtant, du côté du ministère, on assure qu'"aucune piste n'est exclue", que ce soit la limitation du régime dans le temps ou l'exclusion de certains secteurs pour éviter les concurrences déloyales.

"La concurrence avec l'artisanat, c'est le grand éclat de rire du jour !"

"Des ajustements pourraient concerner le régime lui-même et/ou son environnement (les contrôles qui peuvent être faits)", assure-t-on ainsi au cabinet de la ministre. Sur ces hypothèses de travail, les associations sont partagées. "La limitation dans le temps n'a aucun sens, affirme Grégoire Leclercq, elle va brider la génération d'activités !" François Hurel est de son côté plus mesuré. "Concernant la limitation, on verra bien. Il faudra regarder si cette limitation concernera tout le monde ou une partie de la population des auto-entrepreneurs seulement, par exemple ceux qui exercent leur activité par ce biais à titre exclusif".
L'exclusion de certains secteurs d'activité, pour limiter la concurrence déloyale, a également fait réagir la Fedae. "La concurrence de l'artisanat, c'est le grand éclat de rire du jour ! D'un côté, on nous dit que les auto-entrepreneurs actifs ne gagnent que 4.300 euros par an en moyenne, et de l'autre on nous dit qu'ils font une concurrence effroyable aux artisans alors qu'ils représentent moins de 2% du chiffre d'affaires du secteur...", explique Grégoire Leclercq.
Les deux associations avaient déjà avancé des propositions pour faire évoluer le régime. Pour la Fedae, il s'agissait de relever les plafonds de chiffre d'affaires, de simplifier le cumul pour les fonctionnaires et d'élargir le régime à d'autres métiers comme les militaires de carrière et les professions agricoles. Côté UAE, les propositions consistaient notamment à limiter par exception la durée du régime pour les fonctionnaires, à instaurer également le régime pour les agriculteurs et à rendre proportionnelle la cotisation foncière des entreprises avec prélèvement à la source. Mais au-delà de ces dispositions pratiques, les propositions des deux associations avaient un point commun : la volonté de mieux accompagner les auto-entrepreneurs. "Il y a un travail à fournir pour les aider à grandir, à croître et à se développer", assure Grégoire Leclercq. Sa fédération propose ainsi de créer un fonds de formation spécifique pour les auto-entrepreneurs, dédié aux besoins spécifiques de cette population. Pour l'UAE, il s'agirait de mettre en place des partenariats d'accompagnements individuels entre un entrepreneur et un auto-entrepreneur volontaires. Reste à savoir ce que le gouvernement proposera, ou pas, dans ce champ. Réponse d'ici peu.