Culture - Le préfet des Alpes-Maritimes demande l'annulation d'un arrêté municipal censurant une exposition
Le préfet des Alpes-Maritimes a déposé, en référé, un recours en annulation contre l'arrêté du maire du Vallauris (30.000 habitants) prononçant, le 28 avril dernier, la fermeture de l'exposition de l'artiste française d'origine algérienne, Zineb Sedira, au musée national Picasso - la Guerre et la Paix. Cette fermeture d'une exposition qui devait durer du 6 mars au 20 septembre, trouve son origine dans l'une des vidéos présentée par Zineb Sedira. Intitulée "Retelling Histories : my mother told me...", elle montre l'artiste interviewant sa mère. Au cours de l'entretien, un sous-titre traduit le mot "harki" par "collaborateur". Une association de harkis avait alors saisi le maire (UMP) de Vallauris pour protester contre cette présentation. A la demande du directeur du musée, l'artiste avait alors accepté de supprimer ce terme de la traduction au profit du seul mot "harki". Mais, avant même que ce changement soit effectué, un arrêté municipal fermait l'exposition en invoquant des risques de troubles à l'ordre public.
Le recours du préfet des Alpes-Maritimes se fonde uniquement sur un argument d'ordre juridique pour demander au tribunal administratif d'annuler l'arrêté d'interdiction du maire de Vallauris. Il considère en effet que le risque de troubles à l'ordre public n'est pas établi et ne pouvait donc pas servir de base à une interdiction. Mais il est fort probable que le ministère de la Culture a été consulté sur la question. Il est par ailleurs à noter que la Cité nationale de l'histoire de l'immigration à Paris, qui a acquis cette vidéo, la présente en continu depuis 2008, sans qu'aucun incident n'ait jamais été rapporté. Mais la présence, dans les régions Paca et Languedoc-Roussillon, d'une importante communauté harkie et rapatriée y rend le sujet beaucoup plus sensible, comme l'ont encore montré les récentes manifestations contre le film de Rachid Bouchareb au festival de Cannes.
De façon plus large, l'affaire de Vallauris est un nouvel exemple des difficultés que peuvent rencontrer certaines expositions d'art contemporain. En 2008, le musée d'Aquitaine à Bordeaux avait ainsi connu une affaire du même ordre avec l'exposition "Humain, très humain", qui avait dû décrocher - au nom du principe de précaution - six photos montrant des pères nus avec leurs enfants. Cette affaire faisait elle-même suite à celle de l'exposition "Présumés innocents" au CAPC Musée d'art contemporain de Bordeaux, géré par la ville, et qui a donné lieu à une longue bataille juridique. Quelques années plus tôt une exposition du plasticien Jean-Marc Bustamente à Carpentras avait également été annulée à la dernière minute par la mairie, car elle prévoyait d'exposer un camion dans une chapelle (désaffectée) de la ville.
Face à ces affaires, la ligne suivie par l'Etat - concerné dès lors que sont évoqués de possibles troubles à l'ordre public - est plutôt favorable à la liberté de création et d'expression. Ainsi, le préfet des Alpes-Maritimes demande l'annulation de l'arrêté du maire de Vallauris et Frédéric Mitterrand a fait rétablir, en février dernier, l'accrochage - sur la façade des Beaux-Arts à Paris - des quatre bannières portant les mots "travailler", "gagner", "plus", "moins", que la direction avait fait retirer. Mais avec toutefois certaines limites : Michèle Alliot-Marie, la ministre de la Justice, a ainsi fait part, le mois dernier, de son intention d'introduire dans le Code pénal un délit d'outrage au drapeau, après la publication d'une photo primée lors d'un concours organisé par la Fnac de Nice.
Jean-Noël Escudié / PCA