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Le premier "baromètre des territoires" montre la fracture du pays

Le premier "baromètre des territoires" de Villes de France réalisé en partenariat avec la Banque des territoires, juste avant la crise des gilets jaunes, montre l'ampleur de la fracture qui traverse le pays. Pour une écrasante majorité de Français (80%), les métropoles sont choyées par les politiques publiques, au détriment des villes moyennes et rurales. C'est pourtant dans ces dernières que l'attachement est le plus fort.

80% des Français considèrent que les grandes métropoles et Paris sont les territoires qui bénéficient le plus de la politique de l’actuel gouvernement. Une proportion qui tombe à 5% pour ce qui est des villes moyennes et 3% pour les zones rurales. C’est ce qui ressort du premier "baromètre des territoires" Ipsos pour l’association Villes de France. S’il était besoin d’une preuve que la crise des gilets jaunes découle tout autant d’une fracture territoriale que sociale, ce sondage réalisé auprès de 1.600 Français de toutes origines géographiques (400 de territoires ruraux ; 400 de villes moyennes ; 400 de métropoles ; 400 de Paris et de la 1re couronne) en est une. Réalisé en partenariat avec la Banque des Territoires, du 23 au 30 octobre 2018 - juste avant le commencement de la crise - , le baromètre puise dans les causes profondes de cette "fièvre jaune". "Il ressort clairement que le clivage territorial n’est plus seulement celui qui sépare Paris des régions. Le nouveau clivage est celui qui sépare les très grandes villes (Lyon, Lille, Nantes…) des villes moyennes et des zones rurales", commente Caroline Cayeux maire de Beauvais et présidente de l’association Villes de France. À cet égard, les métropoles sont vues comme les "chouchous", les "préférées", "tant il apparaît aux Français que les politiques publiques ont favorisé les grandes villes au cours des dernières années", souligne Villes de France. Et elles sont aussi les gagnantes de l'économie mondialisée. Les habitants de métropoles se détachent nettement de leurs concitoyens dans leur perception de la qualité de vie ou du dynamisme économique. Les grandes villes remportent la palme dans neuf des dix-huit critères retenus pour le baromètre : l’accès au numérique, à la santé, à la culture et aux loisirs, aux transports, au commerce, à l’enseignement supérieur, aux services publics, aux actions en faveur des jeunes, avec des taux de satisfaction dépassant généralement les 80%. Et les trois quarts des métropolitains jugent leur ville attractive du point de vue de l’emploi. Bien plus, ils considèrent que dans bien des domaines (animation culturelle, commerce, santé…), la tendance est à l’amélioration. Seules ombres au tableau : l’accès au logement et la sécurité. 37% des métropolitains considèrent que les difficultés d’accès au logement se sont aggravées au cours des dernières années et 42% pensent que l’insécurité a progressé.

Ville miroir

La "ville moyenne", elle, ressort comme une sorte de "ville miroir", "reflétant aussi bien les aspirations que les inquiétudes des Français". Les habitants y sont en effet partagés entre un fort attachement à leur ville et de vives inquiétudes sur fond de sentiment d’abandon, de déclassement… En effet, 43% des sondés iraient vivre dans une "ville moyenne" s’ils en avaient le choix, contre 35% dans une ville rurale, et à peine 22% dans une grande ville. La taille idéale aux yeux des Français correspond aux villes de 5.000 à 30.000 habitants (c’est la strate préférée par 32% des sondés). Les habitants de villes moyennes sont les plus attachés à leur commune : 87% d’entre eux considèrent leur ville comme "particulièrement agréable" et 66% préfèrent vivre dans leur région que partout ailleurs en France, soit exactement la même proportion que pour les "ruraux". À titre de comparaison, seulement 43% des Parisiens sont dans ce cas.

Les villes moyennes sont aussi plébiscitées pour "les ingrédients de la qualité de vie jugés les plus importants par les Français interrogés" : tranquillité, sécurité, proximité, nature, transports, cadre de vie (cinq des dix-huit critères). Excepté pour les transports, elles devancent les métropoles.

La ville moyenne passerait presque pour la "ville idéale". Seulement ce satisfecit masque de fortes inquiétudes en matière économique, ainsi qu’une forme de rejet de l’État et de l’administration… Ce qui peut "servir de clé pour comprendre les tensions sociales actuelle", souligne l’association. Le fossé le plus visible est l’accès à l’emploi : 40% des habitants de ville moyenne jugent leur territoire attractif d’un point de vue économique, soit 30 points de moins que ceux des métropoles (67%).

Alliance des territoires

En matière d’accès aux services (commerce, loisirs, culture, santé, transport, enseignement supérieur…), les habitants de villes moyennes affichent des taux de satisfaction de 14 points moindres que ceux des métropoles. 42% d’entre eux jugent que l’offre de santé s’est détériorée et  86% que leurs centres-villes sont "en train de mourir"… Voilà qui donne du grain à moudre à l’association Villes de France qui a milité pour un dispositif spécifique pour les villes moyennes - ou intermédiaires – ce qui s’est traduit par le lancement du plan Action cœur de ville et, dans une certaine mesure, par les 124 Territoires d’industrie. Seulement, l’un des autres enseignements du baromètre est le manque de confiance des habitants de villes moyennes dans les instances nationales (gouvernement, administration…) pour résoudre leurs difficultés. Ils préfèrent en effet s’en remettre aux mairies. 43% des Français considèrent que la solution peut venir des élus locaux, très loin devant les entreprises locales (28%) et 24% pour le gouvernement. Autre résultat surprenant, les Français sont nettement plus confiants dans l’avenir de leur commune (quelle que soit la taille) que dans celui du pays ou de l’Europe.  L’écart le plus important est celui des habitants de métropoles : ils sont 72% à se dire confiants dans l’avenir de leur ville, et moitié moins pour l’avenir de la France (37%) et de l’Europe (31%)…

Si le baromètre se focalise souvent sur la comparaison villes moyennes-métropoles, il contient aussi de précieux enseignements pour les habitants des territoires ruraux, avec un décalage criant entre l’attachement au territoire (91% des ruraux disent vivre dans un cadre "particulièrement agréable", soit le plus haut score) et des inquiétudes encore plus marquées que pour les villes moyennes. Seulement 29% sont satisfaits de l’offre de transports (contre 69% dans les villes moyennes et 84% dans les grandes métropoles) et 26% considèrent leur territoire attractif en matière d’emploi (contre respectivement 40% et 72%). Le président des maires ruraux qui, il y a quelques jours accusait l’exécutif de "mettre de l’huile sur le feu", doit justement rencontrer le président de la République ce jeudi. Quant à Caroline Cayeux, elle voit dans ce première baromètre "la base d’un dialogue exigeant avec les pouvoirs publics nationaux et l’instrument d’un vrai travail collaboratif avec les autres associations d’élus dans le cadre d’une alliance des territoires".

 

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