Marchés publics - Le prix, un critère suffisant d'attribution d'un marché ?
Dans le cadre d'un contentieux opposant une collectivité et une société sur les critères de choix des offres en vue de l'attribution d'un marché public de travaux, le commissaire du gouvernement, Nicolas Boulouis, a apporté des éclaircissements sur l'article 53 du Code des marchés publics, dans l'attente de la prochaine décision du Conseil d'Etat.
Le commissaire du gouvernement a procédé à un comparatif entre l'article 53 du Code des marchés et l'article 53 de la directive 2004/18/CE, afin de juger de la compatibilité entre droit interne et droit communautaire.
L'article 53 de la directive 2004/18/CE dispose que "les critères (...) pour attribuer les marchés publics sont soit, lorsque l'attribution se fait à l'offre économiquement la plus avantageuse, divers critères liés à l'objet du marché tels que la qualité, le prix, la valeur technique (...), soit uniquement le prix le plus bas". L'article 53 du nouveau Code, dans la mesure où il propose ce même choix au pouvoir adjudicateur, est bien conforme à la directive.
Toutefois, un décalage apparaît entre le droit interne et le droit communautaire.
Ainsi, en droit communautaire, la notion de choix de l'offre économiquement la plus avantageuse est réservée à l'hypothèse d'un choix multicritères. A l'inverse, l'article 53 du Code permet de considérer que le critère exclusif du prix permet dans certains cas de choisir l'offre économiquement la plus avantageuse.
L'objet du marché doit justifier les critères de choix des offres
Le commissaire du gouvernement précise, à la lumière d'une jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE, 7 octobre 2004, aff. C- 247/02, Sintesi Spa c/ Autorita per la Vigilanza sui Lavori Pubblici), que la directive "s'oppose à une réglementation qui en vue de l'attribution de marchés publics de travaux impose de manière abstraite et générale aux pouvoirs adjudicateurs de recourir au seul critère du prix le plus bas". La Cour de justice avait conclu que l'ouvrage à réaliser étant complexe, le "pouvoir adjudicateur aurait pu utilement tenir compte de cette complexité en choisissant des critères d'attribution du marché objectifs (...)".
En l'espèce, le marché, qui comprenait la construction d'un carrefour giratoire et d'un bassin d'assainissement, revêtait bien un caractère complexe.
Au regard de la jurisprudence, le prix ne pouvait donc à lui seul constituer un critère de sélection des offres. Le pouvoir adjudicateur aurait dû recourir à d'autres critères tels que la qualité, la valeur technique, le caractère esthétique.
Le prix, bien que représentant le critère possible d'attribution d'un marché, ne peut être choisi que s'il est justifié par l'objet du marché (CE, 25 juillet 2001, n° 229666, commune de Gravelines : le critère choisi doit être en "rapport avec l'objet du marché").
L'Apasp
Référence : conclusions du commissaire du gouvernement, Nicolas Boulouis, n° 298584 du 21 mars 2007, département de l'Isère.