Prospective - Le rapport du sénateur Sueur sur l'avenir des villes du monde
Pour l’agriculteur, il s’agirait de creuser son sillon. Pour l’urbaniste, il suffit de tracer sa route ! Le sénateur du Loiret (45), Jean Pierre Sueur, ancien secrétaire d’Etat chargé des collectivités locales, a présenté, ce 16 juin à Paris, son nouveau rapport intitulé : "Villes du futur, futur des villes. Quel avenir pour les villes du monde ?" Fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, cette somme (942 pages en trois tomes) prolonge et étend au monde entier les réflexions et propositions de son précédent rapport : "Demain, la ville", présenté au gouvernement en 1998.
"Le temps des villes n’est pas celui des mandats politiques. Les élus locaux ont trop souvent le nez dans le guidon pour réfléchir à moyen ou long terme. Or, quelles villes voulons-nous pour nos enfants, nos petits-enfants ou nos arrières petits-enfants ? Les villes d’aujourd’hui sont toujours les conséquences des décisions ou des non choix d’il y a 50 ans", alerte en préambule le sénateur.
Le premier tome du rapport prend donc le temps d’étudier 15 défis ("les enjeux") qui se posent aux zones urbaines d’aujourd’hui sur tous les continents puis propose 25 pistes pour l’avenir. "Il est triplement imprudent puisqu’il s’intéresse, premièrement, à toutes les villes du monde. Qu’il parle, deuxièmement, de prospective ce que chacun pourra relire avec ironie d’ici 20 ou 30 ans. Et qu’il se projette, troisièmement, dans le futur alors que l’époque est à l’immédiateté", reconnaît-il. Le deuxième tome ("analyses") présente 25 monographies de grandes villes examinées selon le point de vue de cinq jeunes universitaires. Enfin, le troisième propose des définitions et relate les "débats" et auditions.
Villes en réseaux
Les 15 défis à relever sont démographiques, sociaux, écologiques, architecturaux, économiques, sécuritaires, culturels, démocratiques... Ils sont également numériques. "Quoique récente, la révolution de la société numérique modifie déjà en profondeur le fonctionnement de la ville et elle devrait continuer fortement à faire évoluer la ville dans le futur", note ainsi le rapport. Villes réelles et virtuelles, transformation de la communication avec les habitants, nouveaux outils de participation, mobilité, télétravail, etc. sont autant de thèmes abordés. Et c’est l’exemple du programme Paris Ville Numérique (PARVI) qui illustre ce chapitre.
Parmi les 25 pistes pour l’avenir, "la mixité sociale est partout souhaitable. Elle est nécessaire mais la vérité c’est que partout les cités s’en éloignent", regrette le sénateur socialiste. Il pointe notamment qu’à Los Angeles, mais aussi à Buenos Aires, en Inde, en Chine et même dans la banlieue parisienne se développent des ghettos de riches "enclos, vidéosurveillés, avec des caméras, des digicodes, des vigiles", juste à côté des zones pauvres, des bidonvilles. "La ville doit être le lieu du brassage, du partage, où chacun a sa place dans tous les quartiers!", insiste l’ancien maire d’Orléans qui avait fait installer l’un des premiers tramways. "Les modes de transports collectifs modernes sont la seule alternative humaine, écologique et urbaine aux embolies engendrées par le tout automobile dans les centres villes", propose d’ailleurs le rapport. "La ville de l’avenir est forcément en constellation, en réseau. Car nous sommes de plus en plus nombreux à être citoyens de plusieurs villes, même si, comme le notait le sociologue Jean Viard, nous votons là où nous dormons !", a conclu Jean Pierre Sueur.