Le retour à l’emploi durable, un défi majeur pour les ressourceries rurales
Le travail en ressourcerie est "perçu comme porteur de sens en raison de son utilité sociale et économique" par les personnes en contrat d’insertion. Toutefois, ces parcours de réinsertion se heurtent à la difficulté de trouver un emploi durable à la sortie, observe le Céreq dans une étude.

© @KarinFischerFI/ Ressourcerie à Tavers en région Centre-Val de Loire
Passant de 7 à 247 en un quart de siècle, les ressourceries et recycleries sont devenues l’un des lieux emblématiques des activités d’insertion par l’activité économique sous l’impulsion des politiques publiques en faveur de l’économie circulaire. 56% d’entre elles opèrent en tant que SIAE, ce qui leur permet d’accueillir des personnes considérées comme éloignées de l’emploi en contrepartie d’aides au poste. Le sens qu’elles donnent au travail qu’elles effectuent dans ces structures a fait l’objet d’une étude menée par le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Céreq), publiée le 22 avril 2025. L’enquête de terrain menée par la chercheuse Jennifer Deram dans cinq ateliers et chantiers d’insertion situés en milieu rural montre qu’au "réenchantement" d’une partie des salariés succède la désillusion, liée à des "perspectives professionnelles limitées", faute d’emplois durables disponibles dans ce pan de l’économie circulaire.
Niveau de formation inférieur au bac voire au CAP, difficultés avec la maîtrise du français, expérience de chômage de longue durée (un an ou plus)… Ces caractéristiques des salariés accueillis en ateliers et chantiers d’insertion "permettent de comprendre le sens et la forme d’enchantement qu’elles trouvent dans leur travail en ACI", observe la chercheuse. Elle cite le cas d’une salariée de 42 ans, ex-auxiliaire de vie voulant échapper aux contraintes horaires et à la charge émotionnelle de son ancien métier. En ressourcerie, cette mère de trois enfants, victime de violences conjugales, reprend confiance et recrée du lien "tout en assurant ses obligations familiales". Par ailleurs, le travail en ressourcerie est "perçu comme porteur de sens en raison de son utilité sociale et économique". Certains salariés et notamment ceux qui "ont parfois des rapports conflictuels au travail", peuvent y voir un travail "à part entière".
Seul un salarié sur deux retrouve un emploi
Toutefois, la chercheuse observe une difficulté à se projeter en dehors des ateliers et chantiers d’insertion. Elle est accentuée dans le cas des salariés en insertion les moins autonomes du fait du "glissement au second plan" de l’accompagnement social assuré par un conseiller en insertion professionnelle "peu présent". Or l’insertion professionnelle après un contrat d’insertion s’avère difficile, en particulier pour les allocataires des minimas sociaux et les salariés les moins diplômés. Le taux moyen de sorties vers l’emploi (durable ou non) dans les ressourceries est de 54 %, selon les données du réseau national des ressourceries et recycleries.
Le faible nombre d’offres dans le secteur du réemploi et plus largement en milieu rural, le manque de reconnaissance des compétences acquises (tri, valorisation, réparation, caisse, collecte…) restreignent les perspectives professionnelles des salariés les plus en difficulté. Ainsi, "les salarié·es déchantent lorsque le moment de quitter la structure approche ou que leur contrat n’est pas renouvelé, estimant que leur travail n’a pas été reconnu", écrit la chercheuse, citant un salarié désenchanté : "Quand on m’a dit que je n’avais pas de 'projet professionnel', alors que j’étais investi à fond dans la ressourcerie, j’ai trouvé ça un peu décevant. Parce que derrière l’idée de recyclage qui est très bien, tout ça c’est juste une histoire de subventions."