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Le rôle "majeur" mais "souvent oublié" des collectivités dans la transmission d'entreprises

Les collectivités territoriales ont un rôle majeur mais souvent oublié dans la transmission d'entreprises. Rachat de locaux, co-garantie, exonérations fiscales… Dans un récent rapport, les sénateurs Claude Nougein et Michel Vaspart mettent en avant les leviers dont elles disposent.

Chaque année, 60.000 entreprises sont transmises mais 30.000 disparaissent faute de repreneurs. Et le vieillissement des dirigeants d'entreprises risque d'accentuer le phénomène. Près de 20% des dirigeants de PME sont âgés de plus de 60 ans et plus de 60% des dirigeants d'ETI ont au moins 55 ans. "Le nombre d'entreprises à transmettre dans les prochaines années va donc considérablement augmenter", indique le rapport d'information des sénateurs Claude Nougein et Michel Vaspart "Moderniser la transmission d'entreprise en France". 750.000 emplois seraient concernés dans les prochaines années.
Comme le soulignent les auteurs du rapport, le rôle des collectivités locales et des politiques territoriales est "majeur" en la matière, mais il est "souvent oublié".
Le système de fonds régionaux de garantie qu'elles mettent en place en complément des garanties de Bpifrance (de 50 à 70%) "est encore méconnu tant des entreprises que des élus locaux", signalent-ils. Offrant une co-garantie, ils facilitent l'octroi du prêt finançant la reprise. Les auteurs préconisent de mieux médiatiser le dispositif, dont les modalités varient selon les régions, pour le développer sur tout le territoire et réduire ainsi le nombre de refus bancaires que connaissent les entreprises rurales.

Racheter un local pour faciliter la reprise

Les repreneurs ont souvent du mal à récupérer à la fois la partie "fonds" et la partie "logement" du local. Pour faciliter la démarche, et louer immédiatement l'une ou l'autre au repreneur potentiel, les collectivités sont amenées à racheter certains locaux. Le repreneur peut ainsi s'installer tout de suite et l'activité est sauvegardée. Un soutien immobilier qui "reste possible" dans le cadre de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notr) "si celui-ci a pour objectif la création ou l'extension d'activités économiques", précise le rapport.
Les collectivités ont également la possibilité d'accorder des exonérations fiscales et sociales pour les locaux et bâtiments situés en zone de revitalisation rurale (ZRR). Elles soutiennent aussi les repreneurs potentiels dans les démarches administratives et peuvent décider de s'engager avec l'Union européenne en mobilisant les fonds nécessaires pour accompagner les porteurs de projets qui souhaitent investir dans le maintien de secteurs productifs et de savoir-faire ancestraux dans les régions (programme Leader 2014-2020, contrats de ruralité…).

Le Fisac, une machine administrative ?

Ces actions territoriales importantes mais peu connues des collectivités sont complétées par le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) réformé par un décret du 15 mai 2015. Mais sur le sujet, les sénateurs sont un peu critiques. S'ils se réjouissent du maintien du Fisac, ils considèrent que les "effets de ciseau" (baisse des dotations, augmentation des demandes, allongement des délais) et l'hésitation du gouvernement ont retardé l'investissement local. Ils estiment aussi que le dispositif manque de souplesse. "Ce système a l'inconvénient d'être réglé par une machine administrative d'appels à projets à dates fixes, certes a priori efficace, mais déconnectée des éventuelles difficultés économiques du terrain", signalent-ils, alors que la réforme visait précisément à sortir d'une logique de guichet pour aller vers des projets.

Au-delà de ces aides territoriales et du Fisac, les sénateurs estiment qu'il faut une meilleure connaissance des réalités statistiques et économiques, à travers une mission de collecte des données pour l'Insee et une étude d'impact de la transmission sur les emplois directs et indirects au niveau d'un territoire, un meilleur accompagnement des cédants et un meilleur accès au financement. Ils estiment nécessaire de simplifier et moderniser le cadre fiscal et économique et mieux accompagner les reprises d'entreprises par les salariés.

La reprise de station-service : un enjeu d'attractivité en milieu rural
En 1980, la France comptait 41.500 stations-service. En 2015, elles ne sont plus que 11.269... D'après le rapport d'information sénatorial sur la transmission d'entreprises, la concurrence accrue, la rentabilité incertaine, les nouvelles règlementations coûteuses mais aussi l'absence de repreneurs seraient à l'origine de cette baisse continue depuis 35 ans. Or, les stations-service font partie des services qui conditionnent l'installation des jeunes en milieu rural : leur pérennité permet de maintenir les autres activités sur place. A l'inverse, les jeunes refusent de reprendre des commerces dans des zones rurales dépourvues de stations-service de proximité…
Grâce aux aides du Fisac, 122 stations-service ont été aidées en 2015 et 740 devaient l'être en 2016. Et de plus en plus de communes investissent pour reprendre à leur compte la station locale, faute de trouver un repreneur pour l'ensemble du fonds. La présence des communes (notamment celles entre 500 et 1.500 habitants) dans ces "stations communales" conditionne la bonne reprise et la bonne transmission des autres commerces.