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Logement - Le saturnisme infantile recule, mais n'a pas disparu

L'Institut de veille sanitaire (InVS) publie les premiers résultats de l'enquête nationale de prévalence du saturnisme infantile en France. Le saturnisme présente la particularité d'être une maladie étroitement liée aux mauvaises conditions de logement. Cette intoxication chronique - provoquée par le plomb qui pénètre dans l'organisme par la voie digestive ou respiratoire, puis s'accumule de manière durable dans les os - trouve en effet majoritairement sa source dans des peintures à base de plomb. Aujourd'hui interdites, celles-ci sont souvent présentes dans les logements construits avant 1949, époque où la céruse (colorant blanc très toxique à base de plomb) était largement utilisée. En se dégradant, notamment sous l'effet de l'humidité, ces peintures dégagent des poussières ou des écailles qui peuvent être ingérées par l'enfant (en particulier les tout jeunes enfants qui explorent leur environnement et portent leurs mains à la bouche).

L'étude de l'InVS montre que le taux de prévalence du saturnisme infantile (enfants de un à six ans) peut être estimé à 0,11%, ce qui représenterait au total 5.333 enfants atteints en France, dont 4.360 en métropole. Ces chiffres témoignent d'une nette réduction, en quinze ans, de l'exposition des enfants au saturnisme, puisque le taux de prévalence était encore de 2,1% en 1995-1996. Sur cette période, le nombre d'enfants atteints est donc passé de 84.000 à moins de 4.000. De ce point de vue, les objectifs de la loi du 9 août 2004 relative à la santé publique (une réduction de moitié de la prévalence) ont été très largement dépassés. S'ils sont spectaculaires, ces résultats se situent cependant dans la norme des pays industrialisés. Largement lié aux conditions de logement, le saturnisme reste une maladie fortement typée sur le plan social. Outre un habitat dégradé, les familles concernées cumulent un certain nombre de difficultés : suroccupation du logement, environnement social défavorisé, faibles ressources (17% de bénéficiaires de la CMU complémentaire)...

Par ailleurs, le saturnisme n'est pas encore éradiqué, puisque la France compte environ 300 nouveaux cas dépistés chaque année (de 0 à 17 ans). Plusieurs mesures réglementaires ou évolutions socioéconomiques ont permis d'obtenir la chute de la prévalence sur les quinze dernières années : lutte contre l'habitat insalubre, mais aussi amélioration de l'alimentation, traitement des eaux, contrôle des émissions industrielles... Les pouvoirs publics entendent donc maintenir la pression, comme le montre l'obligation pour les propriétaires bailleurs, depuis août 2008, de faire réaliser un constat des risques d'exposition au plomb (Crep) pour tous les immeubles construits avant le 1er janvier 1949 et affectés en tout ou partie à l'habitation (voir notre article ci-contre du 25 août 2008). Pour sa part, l'InVS préconise d'"agir sur les sources d'exposition encore existantes pour diminuer l'imprégnation des enfants en France". En effet, si le seuil de définition du saturnisme infantile se situe au-delà d'un taux de plomb dans le sang de 100 microgrammes par litre, l'InVS constate que 25% des enfants de un à six ans ont une plombémie supérieure à 25 microgrammes et 5% supérieure à 34 microgrammes. Les épidémiologistes estiment que "ce constat reste préoccupant car le plomb est un toxique pour lequel on ne connaît pas de seuil en dessous duquel il n'y aurait pas d'effet".
 

Jean-Noël Escudié / PCA