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PLF 2012 - Le Sénat approuve le lancement du fonds de péréquation intercommunal dès l'an prochain

Le Sénat a finalement approuvé la création du fonds de péréquation intercommunal et communal (FPIC) à la date prévue, c'est-à-dire dès 2012, alors que la commission des finances avait souhaité que le dispositif soit reporté à 2013. La chambre haute a aussi tenté de gommer les "effets pervers" du dispositif, notamment pour les communes touchant la DSU cible.

Le Sénat a approuvé, le 3 décembre après-midi, la création du fonds de péréquation intercommunal et communal (FPIC) et ce, à la date prévue, c'est-à-dire dès 2012, alors que, le 30 novembre, la commission des finances avait émis à l'unanimité le souhait que ce dispositif soit reporté à 2013.
Un amendement issu de longues tractations (lire notre encadré ci-dessous) prévoit que le gouvernement remettra au Parlement, avant le 1er septembre 2012, un rapport chargé d'évaluer la mise en oeuvre l'année prochaine du dispositif de péréquation. L'objectif étant de corriger éventuellement les mécanismes du fonds lors de l'examen de la loi de finances pour 2013.
Durant cette séance, les sénateurs se sont aussi employés à corriger les mécanismes du texte issu de l'Assemblée nationale qui présentent des "effets pervers". Le principal d'entre eux est, d'après les sénateurs, le mécanisme des strates, qui oppose depuis des mois les associations d'élus locaux entre elles. Les rapporteurs spéciaux François Marc et Pierre Jarlier leur reprochent d'entraîner d'importants effets de seuil. Sur leur proposition, les sénateurs ont substitué à ces strates un système de coefficient, qui, selon le groupe PS, s'applique avec succès, depuis 2006, à la dotation de base des communes. Si les simulations montrent que cette solution "permet de nous affranchir des inconvénients propres au système des strates, il n'y a aucune raison pour ne pas aller dans cette direction", a déclaré le ministre chargé des collectivités territoriales, Philippe Richert.
L'autre correction apportée par le Sénat met à l'abri de tout prélèvement les 250 communes urbaines et les 10.000 communes rurales les plus défavorisées (celles qui bénéficient de la part "cible" de la DSU et de la DSR). L'amendement, signé Claude Dilain, l'ancien président de l'Association des maires Ville et Banlieue, répond à l'inquiétude des communes touchant la DSU "cible" qui, d'après des simulations établies sur la base du texte déposé par le gouvernement, pourraient avoir à supporter un prélèvement au titre du FPIC (lire notre article du 8 novembre 2011: "De nombreuses villes éligibles à la DSU ne le seront pas au fonds de péréquation intercommunal").

Un fonds destiné aux communes vraiment défavorisées

La chambre haute a adopté plusieurs autres dispositions qui visent à s'assurer que les communes défavorisées bénéficieront bien des reversements du FPIC. Ainsi a-t-elle décidé que le revenu moyen par habitant entrerait en compte pour 60% dans le calcul des reversements (contre 40% dans le texte de l'Assemblée). Ce même critère du revenu par habitant serait pondéré pour moitié d'un coefficient reflétant le coût du logement dans la commune ou l'intercommunalité. En outre, les prélèvements au titre du FPIC seraient plafonnés non plus à 10% du potentiel fiscal, mais à 15% (seulement trois communes riches d'Ile-de-France seraient concernées, dont Paris). Du coup, les prélèvements sur les autres communes et intercommunalités seraient un peu moins importants.
Enfin, les sénateurs ont voulu donner une prime aux collectivités qui ont "mobilisé leurs ressources fiscales" pour résoudre leurs difficultés : d'abord en relevant le plafond de prise en compte de l'effort fiscal dans les critères de reversement du FPIC (de 0,9, il passe à 1) et, ensuite, en excluant du bénéfice du FPIC les collectivités dont l'effort fiscal est inférieur à 0,5.
Dans le cadre de l'examen de l'article 59 relatif au fonds de solidarité des communes d'Ile-de-France (FSRIF), les sénateurs ont eu le même souci qu'à l'article 58 : rendre les communes défavorisées tout à fait prioritaires dans le bénéfice de la péréquation.
Le 30 novembre, le Sénat  avait adopté le principe d'un objectif de réduction des inégalités entre les collectivités territoriales (voir notre article du 1er décembre). Dans dix ans, aucune commune ou aucun ensemble intercommunal ne devra avoir moins de 90% du montant moyen des ressources des collectivités de sa strate démographique, énonce ce principe.

Thomas Beurey / Projets publics

Rebondissements en série au Sénat
Les sénateurs ont finalement voté la mise en place du fonds de péréquation à partir de l'année prochaine. Récit d'un retournement assez inattendu.
Mardi 29 novembre dans la matinée, la commission des finances organise un échange de vues entre ses membres. Une idée s'impose : ils ne peuvent légiférer sur un dispositif qui représentera en régime de croisière un milliard d'euros, alors qu'ils n'ont obtenu des simulations – incomplètes - que le samedi précédent. Le soir même, la commission donne un avis favorable, à l'unanimité de ses membres, à l'amendement des rapporteurs, François Marc et Pierre Jarlier, qui reporte d'une année la mise en œuvre de la péréquation intercommunale (lire ci-contre notre article du 1er décembre 2011). Un certain nombre de sénateurs se rallient à cette position, de peur que le FPIC ne soit purement et simplement supprimé, comme le proposent certains sénateurs de droite et de gauche.
Mercredi 30 novembre, dans la soirée, les sénateurs entament dans l'hémicycle l'examen de l'article 58 du projet de loi de finances consacré au FPIC. Des sénateurs de gauche et de droite, y compris de la commission des finances, déclarent alors qu'ils rejetteront l'amendement, d'autres qu'ils s'abstiendront. D'autres encore calment le jeu. Dans le même temps, le ministre chargé des collectivités territoriales, Philippe Richert, promet des simulations. Le groupe UMP obtient une suspension de séance de 20 minutes. A peine les travaux recommencés, c'est la commission des finances qui, à son tour, obtient une suspension de séance, de plus d'une heure, au cours de laquelle la plus grande confusion règne. Aussitôt à la reprise, François Marc demande encore une suspension de séance. Il est alors minuit et demi : la séance est levée et le vote sur l'amendement renvoyé au samedi 3 décembre dans l'après-midi. Le matin de ce 3 décembre, la commission des finances met au point un amendement de compromis, qui fait l'unanimité.
Au cours de la séance de l'après-midi, François Marc retire l'amendement initial de la commission des finances, mais celui-ci est repris par le sénateur de Seine-Saint-Denis, Philippe Dallier. Entre les deux solutions, la haute assemblée préfère de loin la plus récente, qui met en place le fonds en 2012. T.B.